o^jg; mr -m "^^=Ln o cr s ^pjq H^^a ^ -, o n=1 > j] ERSI il 17 > ^ sv''<-i''WÈa5K" : .??.-..« 1\^ ^i im^: ii^mm. Wn ^' A ^ : ^fl «b THIS BOOK IS PRESENT INOURLBBRARY THROUGHTHE GENEROUS CONTRIBUTIONS OF ST. MICHAEL'S ALUMNI TOTHEVARSITY FUND / n CAî^ADIEQSfTÎAr^CAI3 DE- LA ^[^UVELLgAWLBTERRE 4 %^ y •y (^' angue est une cause raisonnable de'^^^SailitKflî pour le culte public. (Mgr. Williams, bénédiction de Lynn, 1888.) "Le grand moyen pour les Canadiens dé conserver leur foi, est de conserver leur langue, de rester attachés à leurs coutumes et de faire instruire leurs enfants dans la langue ma- ternelle. (Mgr de Springfield à la bénédiction de l'école de Holj'^oke.) " Les Canadiens ont besoin de mission- naires de leur nation." (Mgr DE GoESBRiAND, Appel page 174.) QUEBEC N. S. HARDY, LIBRAIRE-ÉDITEUR 9 et 10, rue Notre-Dame 1891 S A SON É.MINEXCE LE CARDINAL TASCHEREAU ARCHEVÊQUE DE QUÉBEC HOMMAGE DE PROFOND RESPECT ET DE RELIGIEUX DÉVOUEMENT EN " NOTRE-SEIGNEUR. E. A. CARD. TASCHEREAU, ARCH DE QUÉBEC. LETTRES A L'AUTEUR. Archevêché de Québec, 2 octobre 1890. Révcl Père Hamon, S. J., Québec, Mon Révérend Père, J'ai un peu tardé de vous remercier pour les deux numéros des Etudes religieuses que vous avez eu la bonté de m'envoyer. Les deux articles intitulés " Les Cana- diens-français dans la Nouvelle-Angleterre " ont attiré mon attention, et j'ai voulu les lire avant de vous écrire. Vous avez fait connaître le vrai nombre de Canadiens émigrés dans la Nouvelle- Angleterre, et surtout les moyens qu'ils doivent prendre pour conserver leur foi, en conservant leur langue et leur nationalité. Ces articles mis sous forme de petite brochure et répandus parmi les familles Canadiennes émigrées, pourraient leur être d'une grande utilité. Agréez, mon Révérend Père, avec mes félicitations, l'assurance de mon dévouement. E. A. Card. Taschereau, Arch. de Québec, TIII LETTRES D'APPROBATION II Séminaire de Québec, 2 octobre 1890. Au Revd Père E. Hamon, S. J. Québec, Mon Révérend Père, Veuillez agréer mes remerciements pour l'envoi au Canada- Français, des deux livraisons des Etudes ren- fermant vos excellents articles sur l'émigration Cana- dienne aux Etats-Unis. Veuillez agréer, mon Révérend Père, mes sincères félicitations pour cet important tra- vail qui, non seulement, rend justice à nos compatriotes émigrés, mais qui jette un véritable jour sur cette ques- tion si controversée de l'avenir des Canadiens-français aux Etats-Unis. J'ai l'honneur d'être, avec respect. Mon Révérend Père, Votre très humble serviteur en N.-S. Thos. E. Hamel, Ptre. LETTRES D APPROBATION IX III Québec, le 28 août 1890. Révd P. Hamon, S. J., Mon Révérend Père, Votre article sur les Canadiens de la Nouvelle- Angleterre m'a donné de douces émotions dont je viens vous remercier. Vos tableaux ont la fidélité d'une photo- graphie, embellie, n'est-ce pas par la main d'un artiste bienveillant. Les Canadiens, surtout ceux des E.-U. vous devront beaucoup. Votre remarquable étude est bien de nature à leur attirer des sympathies précieuses et des protec- tions puissantes Tous les prêtres qui ont exercé le ministère au milieu des Canadiens des Etats-Unis seront unanimes à pro- clamer la justesse d-e vos appréciations et à applaudir à votre étude. Bien respectueusement à vous en N.->S, Louis Glaetu, 0. M. I .X LETTRES D'àPPROBATION IV Lyon 10 octobre 1890. Mon Révérend Père, Je viens de lire avec un vif plaisir l'étude si intéres- sante, que vous avez publiée dans la revue mensuelle des Pères de la Cie de Jésus, sur la situation des Cana^ diens-Français dans la Nouvelle-Angleterre. Si humble que soit l'hommage de ma gratitude, je n'hésite pas à vous l'envoyer, en témoignage de la réelle jouissance que vous m'avez procurée. Depuis plusieurs années déjà j'observe avec une sollicitude attentive les luttes et les progrès de nos frères aimés de la France transatlantique, je suis heureux de leurs succès, attristé de leurs déceptions et des dénis de justice qu'ils ont maintes fois à subir. Votre étude ne pouvait donc man- quer de m'intéresser au plus haut point, elle confirme d'une manière irrécusable et complète les documents de second ordre que je possédais déjà sur la situation des Canadiens-Français dans les Etats. Votre très humble serviteur, A. GUILLON, Professeur de mathématiques spéciales à la Faculté Catholique des Sciences de Lyon. PREFACE En étudiant l'émigration canadienne de l'Est, je n'entends être ni un panégyriste ni un détracteur. J'examine ces établissements nouveaux avec sympa- thie, j'en conviens, en observateur heureux de voir l'Eglise se développer, et la race française d'Amérique prendre une place de plus en plus large au soleil, mais sans aucun parti pris de vouloir faire prévaloir une théorie quelconque. Regarder ce peuple en formation, connaître ses mœurs religieuses et sociales, ses aspirations et ses vues d'avenir, puis photographier le tout, aussi fidèlement que possible, voilà mon but. Après avoir examiné ce tableau, le lecteur tirera lui-même les conclusions qui kii paraîtront les plus logiques. XII PREFACE Rien n'aveugle un homme et ne le jette plus facile- ment dans des exagérations injustifiables que de vouloir faire triompher, coûte que coûte, une cause qui, après tout, peut prêter le flanc à l'objection et dont les avan- tages sont susceptibles d'être discutés. L'affaire du salut, seule, réclame cette intensité d'affir- mation. Dans tout le reste, il faut toujours tenir compte de la liberté humaine et la respecter. Ainsi, je connais de fort braves gens qui travaillent pour de fort bonnes causes, mais en dehors de leur idée ils ne veulent absolument voir que décadence, catas- trophe et ruine complète. Cette méthode me semble manquer de loyauté. Présentez vos arguments dans toute leur force, faites valoir le mieux possible les avantages de votre plan, très bien ; mais ensuite, laissez les hommes libres de faire leur choix, et ne vouez pas aux gémonies et à la réprobation ceux qui ne tombent pas en extase devant les perspec- tives que vous leur ouvrez. Ce ne serait ni juste, ni habile. * * * Je regrette autant que n'importe qui les pertes que la grande émigration a infligées au Canada. J'applaudis de tout cœur aux efforts que des patriotes généreux, prêtres et laïques, font pour arrêter ce fléau, et offrir dans le pays même, de nouveaux champs d'activité, des PRÉFACE XI II colonies nouvelles, aux familles trop à l'étroit dans le domaine paternel ; mais ce n'est pas une raison pour refuser de rendre justice à ceux qui n'ont pas voulu ou n'ont pas pu profiter de ces avantages. Il fut un temps, (et ce temps n'est pas très éloigné) où l'on ne pouvait parler des Canadiens émigrés qu'à la condition de les peindre sous les couleurs les plus sombres. C'étaient des malheureux plongés dans la misère la plus noire, des esclaves au service de maîtres impitoyables, des catholiques qui perdaient à la fois et leur langue et leur religion. Ils avaient quitté une patrie où coulait le lait et le miel pour s'en aller manger les oignons d'Egypte dans l'abjection et les larmes. Tous ces hommes, bien entendu, étaient perdus pour la religion et la nationalité. Aujourd'hui, grâce à Dieu, la lumière commence à se faire sur cette migration étrange de près d'un demi- million d'hommes. Des prêtres sont allés les voir aux Etats, des hommes publies, sans distinction de parti, les ont visités. Ils ont étudié leur situation nouvelle, et les uns et les autres revenus au pays avec des idées bien différentes de celles qu'ils avaient jusqu'alors, ont eu le courage et la fran- chise de dire aux Canadiens du Canada : " Vous n'avez pas à rougir de vos compatriotes émi- grés. Ce sont gens d'énergie et de cœur, honnêtes et industrieux et qui, sur la terre étrangère, restent tou- jours catholiques et français. Partout, dans l'Est, nous avons retrouvé la paroisse canadienne reconstituée comme en Canada, partout nous avons vu les Canadiens XIV PRÉFACE groupés autour de leur église et de leur couvent, avec des sociétés religieuses et patriotiques bien organisées. Bon nombre de ces hommes sont dans le commerce et réussissent. Déjà même dans bien des villes de la Nou- velle-Angleterre, ils ont une part légitime aux emplois publics ; en un mot ces émigrés forment un peuple, un peu distinct d'allures et de tempérament, il est vrai, mais où les traits de famille sont parfaitement conservés. Le cœur de ces émigrés bat à l'unisson de notre cœur, leur langue est la même, en toute vérité, c'est bien un peuple catholique et canadien-français qui vit à côté de nous dans la Nouvelle- Angleterre." Voilà ce que je vais essayer de mettre en lumière dans ces pages. Je crois sincèrement à la clairvoyance de Mgr de Burlington qui disait en 1869 : " La Providence qui gouverne le monde a, dans cette émigration qui nous étonne, des vues qui nous sont inconnues, Laissons la faire. Elle saura tirer le bien de ce qui nous semble un mal." * * * La première partie de ce travail a déjà paru' dans les Etudes religieuses de Paris. (1) (1) Etudes religieuses^ philosophiques^ historiques et littéraires. — Revue mensuelle publiée par des Pères de la Compagnie de Jésus. Dépositaires au Canada. Montréal : Cadieux et Derome — Beauchemin et Fils. Québec : J. A. Langlais. Prix de l'abonnement : 23 francs par année. PRÉFACE XV Son Eminence le Cardinal Taschereau daigna accueillir favorablemeni cet essai, et même il exprima le désir de le voir mettre en brochure pour aider les Canadiens émigrés " à conserver leur foi, en conservant leur langue et leur nationalité. " Ce livre est la réalisation du désir de Son Eminence. Le premier travail a été complété par des chapitres supplémentaires, d'un intérêt plus particulier pour les Canadiens du Canada et des Etats-Unis, et enfin par une deuxième partie, où Ton raconte les origines des pa- roisses canadiennes de la Nouvelle- Angleterre. Dans ces pages, l'auteur a cherché : 1"^ A donner une idée exacte de la situation matérielle et religieuse des canadiens établis dans les Etats-Unis de l'Est. 2° A faire connaître les efforts heureux de ces catho- liques, pour conserver leur religion et leur langue. 3° Enfin à examiner les chances d'avenir et les résul- tats probables d'une migration si extraordinaire. Ce livre est, de plus, un hommage rendu à l'énergique dévouement de prêtres qui, en peu d'années, ont mené à bonne fin des entreprises considérables, et en même temps un témoignage de la foi et du patriotisme de ces émigrés qui sur la terre étrangère veulent, à tout prix, rester catholiques et Canadiens-français toujours. Québec le 17 Octobre 1890, en la fête de la B. Marguerite-Marie, deuxième centenaire de la mort de la Bienheureuse. INTRODUCTI )X Les catholiques du monde entier suivent avec intérêt les progrès étonnants de notre religion dans les Etats- Unis d'Amérique. Partout de nouveaux diocèses's'orga- nisent, des paroisses se fondent, des églises se bâtissent ; les évêques ne peuvent suffire à satisfaire les désirs des fidèles qui leur demandent protection et secours. L'honneur d'avoir conquis pour une bonne part ces vastes régions à la foi revient surtout aux deux races irlandaise et allemande qui, depuis le commencement de ce siècle, n'ont cessé de jeter par milliers leurs émigrants catholiques sur les rives hospitalières de la grande Ré- publique américaine. 2 INTRODUCTION La tâche de ces nouveaux venus fut rude et pénible. Il leur fallut surmonter bien des obstacles, endurer bien des persécutions, faire bien des sacrifices, avant de pou- voir y établir leur religion sur des bases solides et durables. Aujourd'hui, le résultat n'est plus douteux. Le concile de Baltimore a pu, à bon droit, se réjouir de la situation prospère de l'Eglise en ce pays, et remercier Dieu des bénédictions qu'il ne cesse de lui donner. Les Allemands catholiques, au nombre de plusieurs millions, occupent principalement les Etats de l'Ouest tandis que les Irlandais ont envahi les grandes villes de l'Est et les Etats plus voisins de l'Atlantique. Mais, outre ces deux grands courants d'émigration qui ont contribué à donner à l'Eglise une position si florissante aux Etats-Unis, il en est un troisième, sur lequel je désire attirer dans ces pages l'attention de mes lecteurs. Je veux parler de l'émigration des Canadiens- Français, principalement dans les Etats de la Nouvelle- Angleterre. * Moins connue que les grandes invasions des races alle- mande et irlandaise, plus modeste dans ses proportions et ses visées, cette émigration canadienne n'en a pas moins, au point de vue des intérêts catholiques, une influence déjà considérable, et dont l'importance ne peut que se développer avec le temps. Elle apporte avec ellg, au sein de populations fortement entamées par l'action dissol- vante du protestantisme et d'une civilisation trop sen- sualiste, une foi robuste, des traditions catholiques INTRODUCTION 3^ saines et vigoureuses, une vitalité qui n'est surpassée par aucune autre nation du monde, des mœurs paisi- bles et enjouées, un tempérament heureux et tenace en même temps, qui, tout en faisant accepter aui Canadiens leur nouvelle situation sociale, les porte cependant à rester unis, pour garder sur la terre étrangère les usages, la langue et surtout la religion de la mère-patrie, La Providence semble réserver à ces Oanadiens-Fran - çais un rôle important dans les États de l'Est, où ils s'implantent d'une manière si rapide et si extraordinaire. Déjà même, l'on peut entrevoir les grandes lignes de ce plan divin, et prévoir la noble mission qu'auront à remplir ces iils de la vieille France, pourvu qu'ils restent fidèles à leurs traditions catholiques et à la direction sage et intelligente de leurs pasteurs. Avant de rechercher quelles pourront bien être les destinées de ces Canadiens-Français émigrés aux États- Unis, faisons d'abord connaissance avec eux. Voyons quelle est, sur la terre étrangère, leur situation maté- rielle et sociale, comment ils y pratiquent leur religion, les secours et les difficultés qu'ils rencontrent, Nous pourrons ensuite examiner plus sûrement s'il y a des chances probables, pour ces émigrés, de former un jour au sein de la grande République un peuple distinct de langue, de mœurs et de religion. * * « L'émigration canadienne dans les États de l'Est re- 4 .INTRODUCTION monte à peine à quelque vingt-cinq ans. Les troubles politiques de 1837 avaient bien, il est vrai, jeté un certain nonibre de Canadiens sur les bords du lac Champlain, dans les montagnes du Vermont et le nord de l'État de New- York, mais ces groupes avaient peu de consistance. Isolés au milieu de populations protestantes, encore fortement imprégnées du vieux fanatisme puri- tain, les Canadiens eussent bien vite perdu et leur foi et leur nationalité, si le zèle de Mgr de Goesbriand, évêque de Burlington, ne fût venu à leur secours en leur donnant des prêtres français et canadiens qui, peu à peu, les ramenèrent à la pratique oubliée de leurs de- voirs religieux. L'émigration en masse commença seulement après la truerre civile de 1860. L'industrie prit alors dans les États de l'Est un essor prodigieux. Partout l'on se mit à construire des manufactures, et les Canadiens vinrent en grand nombre y demander du travail. Alarmé par cet exode qui menaçait de dépeupler les campagnes, le gouvernement canadien, d'accord avec l'épiscopat, tâcha par tous les moyens possibles d'arrêter le mouvement et de le tourner vers la colonisation à l'intérieur. Ce fut en vain. Le flot de l'émigration renversa tous les obstacles, franchit toutes les digues, et, poussé par une force irrésistible, continua d'envahir les villes et les villages de la Nouvelle-Angleterre. * * On s'est appliqué à rechercher les causes d'un mouve- INTRODUCTION 5 ment si extraordinaire, et l'on en a assigné plusieurs. L'amour des aventures, inné chez le Canadien ; le luxe, l'inconduite, qui forcent à vendre le patrimoine paternel et à chercher un asile à l'étranger : le manque d'indus- trie en Canada, l'appât de salaires relativement élevés : tout cela, sans aucun doute, a dû pousser nombre de nationaux à émigrer aux États. Pourtant ces causes n'ont aucune proportion avec les résultats que nous avons sous les yeux. Elles n'expli(|uent d'une manière satisfaisante ni la position qu'ont acquise les Canadiens émigrés, ni surtout la résolution arrêtée chez la phipart d'entre eux de se fixer dans leur nouvelle patrie. Il faut, je crois, regarder plus haut pour comprendre cette migra- tion étrange. La rapidité avec laquelle elle s'est accom- plie, la facilité avec laquelle les Canadiens, transplantés sur une terre étrangère, ont immédiatement reformé le moule catholique de la paroisse qui les fit si forts au Canada ; l'énergie qu'ils ont déployée pour bâtir des églises, élever des couvents, se grouper ensemble et s'orefaniser en conofréo^ations florissantes, soutenues au dedans par tout ce qui peut alimenter la piété chré- tienne, défendues contre les influences pernicieuses du dehors par la force de l'association et d'une presse géné- ralement bien dirigée : tous ces éléments de vie catho- lique organisés en un quart de siècle, au sein même de la citadelle du vieux puritanisme, semblent indiquer, comme je l'ai déjà dit, une action aussi bien qu'une mis- sion providentielle dont l'avenir seul nous révélera toute l'importance. En attendant, ce qui a été réalisé déjà nous aidera à comprendre ce que nous sommes en droit d'attendre encore. 2 b INTRODUCTION Un séjour de vingt années au Canada, des missions données pendant dix ans chez les Canadiens émigrés aux États me mettent à même, je crois, de fournir sur eux des informations qui, à défaut d'autre mérite, auront du moins celui de la véracité et de Texpérience. LES CAMDIENS-FRANÇAIS DE LA NOUVELLE-ANGLETERRE CHAPITRE I l'émigration canadienne aux états-unis Trois classes d'émigrants. — D'où viennent-ils? — Résultats ob- tenus. — Statistique des canadiens-français dans la Nou- velle-Angleterre. L'émigration canadienne française dans les États de l'Est peut se diviser en trois groupes principaux : l'émi- gration temporaire, l'émigration vagabonda, l'émigration stable et permanente. Uémigration temporaire comprend une classe d« 8 LES CANADIENS-FRANÇAIS cultivateurs, d'habitants, comme l'on dit ici, qui, après- avoir grevé leurs terres d'hypothèques, vont pour quel- ques années travailler avec leurs enfants dans les fabriques de l'Est, En général, ils réussissent assez rapi- dement à mettre de côté plusieurs centaines de piastres : alors ils reviennent en Canada, payent leurs dettes et se remettent à la culture. Ce moyen a sauvé de la ruine nombre de petits fermiers qui avaient eu l'imprudence de se mettre entre les mains des usuriers. Malheureuse- ment, quand ces familles ont dû séjourner longtemps aux États, les jeunes gens, déshabitués des travaux pénibles de la campagne, s'ennuient vite au fond des^ concessions et reprennent bientôt le chemin des villes américaines. Malheureusement aussi ces familles, parties pauvres du Canada et y rapportant au bout de quelques années une aisance relative, deviennent, même sans le vouloir, de puissants agents d'émigration dans les- vieilles paroisses. Leur exemple encourage les autres ; les récits brillants qu'ils font de la vie d'Amérique, tout, jusqu'à leurs beaux habits, échauffe l'imagination de la jeunesse, et souvent pour un homme qui revient en Canada, il y en aura cinq qui s'en iront aux États. Au reste, cette classe d'émigrants devient de moins en moins nombreuse, et certes, ni les prêtres du Canada, ni même ceux des États-Unis ne songeront à s'en plaindre : car ces gens-là, uniquement préoccupés de ramasser de l'argent, ne sauraient leur être d'un grand secours pour la création ni l'entretien de leurs œuvres. Dans la catégorie des émigrants temporaires il faut placer encore ces milliers de jeunes gens qui s'en vont passer la saison d'été dans les briqueteries américaines. DE LA NOUVELLE-ANGLETERRE 9 De l'avis d^ tous les prêtres que j'ai rencontrés, cette classe de travailleurs est de toutes la plus triste au point de vue religieux et moral. Cela tient-il à la nature même d'un travail rude et accablant, ou à l'absence de la famille qui laisse ces jeunes gens sans contrôle et sans surveillance î C'est assez probable. En tout cas, les prêtres ne les voient qu'au moment du départ, lorsqu'ils désirent décharger leurs consciences, avant de revenir dans les vieilles paroisses du Canada. La seconde catégorie d'émigrants comprend ceux que j'ai appelés les vagabonds : toujours sur les chemins» toujours Tiiouvard d'une ville à l'autre, des États au Canada, du Canada aux Etats, ils mènent une vie de nomades, ne s'attachent à rien, et vivent au jour le jour, comptant sur la providence de Dieu qui nourrit les petits oiseaux, et daigne aussi s'occuper des vagabonds de ce monde. " Pierre qui roule n'amasse pas mousse, " dit le pro- verbe. On traduit ici : Canadien qui mjyu.ve ne sera jamais ni rentier, ni propriétaire. 11 y a enfin une troisième classe d'émigrants, que j'ai nommée rémigration jierrnaneïde, la plus considérable de beaucoup, comme aussi la plus solide. C'est elle qui bâtit des églises, fonde des couvents, organise des centres nombreux et bien disciplinés, et peu à peu s'empare de la main-d'œuvre dans toute la Nouvelle-Angleterre. C'est de cette classe de Canadiens émigrés que nous allons nous occuper désormais. La plupart d'entre eux viennent des districts ruraux ■du Canada, des cantons de l'Est, des diocèses de Trois- 10 LES CANADIENS- FRANÇAIS Bivières et de RiniouskL Leurs terres étaient devenues trop pauvres pour faire vivre de grosses familles ; ils ont entendu dire qu'avec cinq ou six enfants en âge de travailler ils pourront bien vite, aux États-Unis, jouir d'une honnête aisance, et les voilà qui laissent leurs maisons et leurs champs pour aller s'établir dans quel- ques centres manufacturiers de la Nouvelle-Angleterre. * « En quelques années, des milliers et des milliers de cultivateurs canadiens ont ainsi échangé leur existence rurale pour une vie d'ouvriers, dans les immenses manu- factures des États-Unis. Ce déplacement de population s'est fait sans secousse, en silence, pour ainsi dire, comme si un mot d'ordre de la Providence avait envoyé ces hommes accomplir un décret mystérieux en s'implantant au cœur même du puritanisme protestant. Cette con- quête pacifique s'est accomplie avec une telle rapidité que la surprise a été grande au Canada, aussi bien qu'aux États-Unis eux-mêmes. Longtemps on a contesté l'importance des résultats ; aujourd'hui il faut bien se rendre à l'évidence : 400,000 cultivateurs canadiens sont devenus ouvriers dans les fabriques de l'Est, Le travail de ces vastes usines est en grande partie entre leurs mains ; les capitalistes américains ne peuvent plus se passer de l'émigration canadienne sans se trouver en face d'une ruine com- plète. DE LA NOUVELLE- ANGLETERRE 11 Cette dépopulation en masse est sans doute une cala- mité pour le Canada. Il eût été bien préférable de garder ces hommes au pays, où ils auraient fondé des familles de colons attachés au sol. Mais, d'autre part, elle a permis à la race française et catholique de jeter de pro- fondes racines dans les États de l'Est, et qui sait le rôle qu elle peut être appelée à jouer dans l'avenir ? * * Si l'on veut avoir une idée de la force du contingent envahisseur, il suffit de jeter les yeux sur les États qui formaient jadis la Nouvelle - Angleterre, et qui se nomment aujourd'hui le Maine, le Massachussets, le Rhode-Island, le Connecticut, le New-Hampshire et le Verraont. Ces six États ont une population totale de 4,010,503 habitants, et les catholiques y comptent pour un peu plus d'un quart, soit 1,151,000, répartis comme suit : Catholiques. Canadiens-Françai*'. Massachussets 665,000 182,000 Rhode-Island 100,«00 32,000 Connecticut 200,000 24,234 Maine 71,000 40,919 New-Hampshire 70,000 40,302 Vermont 45,000 33,204 1,151,000 302,659 Les Canadiens-Français forment donc bien près du tiers de la population catholique totale de la Nouvelle- Angleterre. 12 LES CANADIENS-FRANÇAIS En outre, il faut remarquer d'abord que la moitié au moins des catholiques de langue anglaise sont concentrés dans quelques grandes villes de l'Est, comme Boston, qui à elle seule compte plus de 250,000 catholiques, tandis que les Canadiens, au contraire, s'établissent pour la plu- part dans les petites villes manufacturières, et qu'ils for- ment déjà la majorité dans plusieurs d'entre elles. Tout près de cent mille autres Canadiens occupent le nord c^e l'État de New- York et les diocèses de Syracuse et d'Albany. Enfin, ces nouveau-venus ont bâti, en vingt ans, 120 églises ou chapelles desservies par des prêtres canadiens, 50 grands couvents, où des religieuses venues du Canada donnent une éducation catholique et fran- çaise à plus de 30,000 enfants. D'après ces quelques indications, il est aisé de voir quel appoint considérable est fourni par l'émigration canadienne-française à l'Église catholique dans la Nouvelle- Angleterre. C'en est assez, semble-t-il, pour lui mériter, sinon les sympathies, au moins le respect des catholiques améri- cains de nationalité différente. Elle leur prête déjà un concours efficace pour l'extension de la foi dans les États, et le jour peut venir où ils trouveront en elle une alliée nécessaire pour repousser les attaques de l'ennemi com- v.r:.:\. DE LA NOUVELLE-ANGLETERRE 13 CHAPITRE II SITUATION MATÉRIELLE DES ÉMIGRÉS. Les villevS manufacturières ne l'Est. — Les tellement hoiises. — Transformation de l'habitant en ouvrier de fabrique. — Ce qu'on gagne aux Etats. — Le revers de la médaille. — Com- mei.t les canadiens deviennent propriétaires? — Un cana- dien at home. — Une rue de Holyoke un soir d'été. Etudions maintenant la situation matérielle et sociale que les émigrés se sont faite chez les Américains. La plupart d'entre eux sont employés dans les fabriques de coton et de chaussures qui couvrent la Nouvelle- Angle- terre, bien qu'un bon nombre soient ouvriers ou commer- çants. Ces fabriques, à part quelques grands centres manu- facturiers comme Fall River, Lowell et Manchester, sont installées dans de petites villes de dix à quinze mille âmes, d'une élégance et d'une propreté parfaites. Toutes les rues sont plantées d'ormes et bordées de beaux et larges trottoirs. Chaque cottage est bâti sur un lot isolé entouré d'arbres, et, en avant, se trouve une pelouse avec corbeilles de fleurs et massifs de lilas. Rien de plus gai que ces résidences américaines. On sent que le petit commerçant, l'ouvrier propriétaire de ce cottage, aime d'amour son chez soi et que son ambition est de donner à sa famille tout le confort possible. Le soir, vous le verrea lui-même assis sur la piazza de sa maison, 14 LES CANADIENS-raANÇAIS se reposant des fatigues de la journée et regardant avec bonheur les ébats de ses petits enfants. Posséder un de ces jolis cottages pourra bien être le rêve du Canadien nouvellement arrivé aux États ; mais, hélas ! ce ne sera là qu'un rêve d'avenir. Pour le présent, il lui faudra se contenter d'aller loger dans une de ces ujaisons ouvrières que l'on nomme des tenernent houseK Ces maisons ouvrières sont de grandes bâtisses en briques, de quatre à cinq étages, où chaque famille occupe une suite d'appartements. Les ouvriers employés aux mêmes fabriques logent généralement ensemble, Ils se couchent et se lèvent à la même heure, et ainsi, ces agglomérations forment des espèces de communau- tés ouvrières, où l'on est vraiment surpris de trouver tant d'ordre et de bonne entente. La raison, c'est que la police y est en grande partie confiée aux femmes. Or, la femme canadienne fait, quand elle s'en mêle, un police- iiuai incomparable. Voulez-vous assister à la transformation d'un habitant en ouvrier de fabrique ? Un habitant, pauvre des biens de la terre, mais riche d'enfants, se décide à émigrer aux États. Voici que la famille arrive dans un centre manufacturier, Lowell, Holyoke, Worcester, par exemple ; avec le père et la: mère, il y a huit ou dix enfants de différents âges i. Tout 1. Dernièrement, le journal local do Man ville (Rhode-Isl and) annonçait que la population de la vUle avait notablement augmenté -depuis vingt- q-i-itre heures; trois familles canadiennes y étaient arrivées avec dix-huit enfants chacune. DE LA NOUVELLE- ANGLETERRE 15 ce monde est habillé en étoffe du pays, c'est-à-dire avec des vêtements tissés par la ménagère de la maison. Le butin, terme par lequel les Canadiens désignent leur avoir, est ficelé dans des paquets, que le père a distri- bués entre les plus grands de ses garçons, tandis que lui- même s'est réservé la poche qui contient ce qu'il estime le plus précieux de son bien. L'on arrive à la station. Vite la mère ramasse ses petits gars et ses petites filles qui, épars aux quatre coins du wagon, la figure collée à la fenêtre, regardent avec de grands yeux étonnés cette terre d'Amérique. Elle serre à la hâte les nombreux objets oubliés sur la banquette, et débarque enfin sur le sol de la libre République, poussant tout son petit peuple devant elle. Les Américains sont là regardant, impassibles, ce spectacle, avec lequel, du reste, ils commencent à se familiariser. Peut-être se font-ils en eux-mêmes cette réflexion : " Voilà du personnel nouveau pour nos fabriques. C'est solide et plein de vie. Qui sait si dans cinquante ans les fils de ces gens-là ne remplaceront pas dans la Nouvelle - Angleterre, la race puritaine appauvrie et épuisée ? " Les amis et parents des arrivants les attendent à la station pour leur souhaiter la bienvenue. On échange de vigoureuses poignées de mains, l'on s'embrasse à la bonne franquette, puis l'on conduit les émigrés aux quartiers qui leur ont été préparés d'avance. Visitez ces familles un an après. Vous serez surpris de voir quel changement s'est opéré dans toutes ces physiono- mies. Les jeunes gens, avec leurs habits de drap, propres et soignés, ont pris un air monsieur. Les filles sont IQ LES CAXâDIENS-FIlANÇAIS mises avec élégance, et certes, les rubans ne manquent pas à la toilette. Il n'est pas jusqu'aux grands-parents qui n'aient cédé, eux aussi, à l'entraînement général ; le vieux Canadien et sa vieille bonne femme sont à peu près transformés à la mode d'Amérique. Et tout ce monde paraît content de son sort : " On vit bien ici, vous dit-on, on est bien logé, bien chauffé, bien vêtu, on a de la viande fraîche tous les jours et plus d'argent à la fin du mois qu'on n'en avait eu Canada à la fin d'une année entière." Une famille nombreuse est, en effet, un capital qui fructifie merveilleusement aux États, et qui procure un confort que ces braves gens n'avaient jamais connu dans ks concessions de leur pays. Voici, par exemple, un homme qui a quatre enfants en âge de travailler aux fabriques. Après quelques mois d'apprentissage, chacun d'eux gagnera au m'oins une piastre par jour (5 francs). Le père lui-même, s'il est vaillant, et qu'il ne veuille pas, selon l'expression éner- gique des Canadiens, vivre du sang de ses enfants, trou- vera lui aussi à gagner sa piastre. Quand viendra la paye du mois, cet homme touchera un total fort honnête : environ cinq fois vingt-quatre piastres, soit 120 piastres (700 francs). Cent vingt piastres au bout du mois ! C'est un beau denier pour l'ancien paysan canadien. Là-dessus, il faut se loger, se nourrir et s'habiller. Un Jlat, ou logement de cinq pièces, se loue ordinairement de 12 à 15 piastres par mois. La nourriture coûtera de 15 à 20 piastres. Il restera donc un excédent de quelque 80 piastres pour DE LA NOUVELLE- ANGLETERRE 17 les autres dépenses. Comme on le voit, il sera facile, avec un peu d'économie, de mettre de côté en peu de temps une somme assez ronde. Il y a bien, hélas ! le revers de la médaille. Ce travail de manufacture, auquel se livrent ces fils de cultivateurs, est débilitant de sa nature et fatigant par sa monotonie. Le métier bat de six heures du matin à six heures du soir, sauf une heure pour le dîner. Il faut se tenir debout pendant tout ce temps-là et surveiller trois et même quatre métiers. L'atmosphère des fabriques doit être toujours maintenue à une haute température, et dans certaines salles, l'air est tout imprégné de poussière de coton qui pénètre dans les poumons. Après quelques années, l'appétit diminue, il survient une sorte de lan- gueur générale qui tourne facilement en consomption. Un grand nombre, surtout parmi les jeunes fille?, souffrent de maux d'yeux, et pour tous, cette vie de fabrique, avec le bruit incessant des machines, la régu- larité invariable de ses occupations, devient douloureuse- ment monotone. Aussi bien peu de Canadiens peuvent- ils la supporter au-delà d'une dizaine d'années. *** L'on s'apitoie souvent ici sur le triste sort de ces fils de paysans jetés en pâture aux usines américaines. Sans doute, la vie à la campagne est à la fois et plus saine et plus variée. Mais, après tout, il faut des bras pour l'industrie, et si ces manufactures étaient en Canada, au Jg LBS CANADIENS-rBANÇAIS lieu d'être aux États, je ne sais pas en quoi les inconvé- nients seraient moindres, ni comment on pourrait empê- cher la fabrique d'aller recruter son personnel parmi les fortes populations des campagnes. Aux États, quand les jeunes Canadiens en ont assez de la vie de fabrique, ils se font petits marchands ou apprennent un métier qui leur permet d'élever tranquillement leur famille. Les manufactures de chaussures, si nombreuses dans la Nouvelle-Angleterre, n'ont pas les inconvénients des fabriques de coton, et, de plus, elles donnent aux ouvriers des salaires plus élevés. Les hommes gagnent générale- ment une piastre et demie à deux piastres par jour (de 7 fr.50 à 10 francs), et les femmes, une piastre. Pourvu que le cordonnier n'ait pas, en hiver, un chô- mage trop prolongé, qu'il ne se laisse pas trop facilement entraîner dans une grève, qu'il n'aime pas trop la bou- teille, — car, ici comme ailleurs, cordonnier et buveur, cela va souvent ensemble, — cet homme est assuré d'avoir, en peu de temps, une existence très confortable pour lui et sa famille. Aussi, c'est dans ces centres ma- nufacturiers. Spencer, Worcester, Salem, Malboro, etc., que l'on trouve les congrégations canadiennes les plus florissantes et les plus à l'aise. Nombre de ces familles possèdent des cottages d'une valeur de 3 à 4,000 piastres. Voici comment elles sont devenues propriétaires. Le chef de famille, après avoir mis trois ou quatre cents piastres de côté, achète un terrain ; puis la banque lui prête de quoi bâtir sur hypothèque, et bientôt la maison s'achève. Le payement de ces hypothèques sera un excellent moyen d'enseigner à cet homme une vertu DE LA NOUVELLE- ANGLETERRE JQ que l'ouvrier canadien, comme les autres, ne connaît guère avant de songer à bâtir, l'économie. Les payements se font à jour fixe. Si l'argent n'est pas versé au jour précis, le lendemain le cottage est saisi et vendu par la banque. Cette nécessité apprend à éviter les dépenses superflues, à modérer le luxe, et peu à peu l'économie entre dans les habitudes domestiques. En quelques années, l'ouvrier a fini de payer sa maison ; il est chez lui, fier du résultat de ses travaux, heureux du bonheur de sa femme et de ses enfants. *'*'* Voulez- vous voir un Canadien at home ? Allons visiter la congrégation de Marlboro. Marlboro est une petite ville du Massachussets, comp- tant à peu près 15,000 habitants. Il y a là une colonie de 4,000 Canadiens, tous employés dans les manufac- tures. Au somment de la ville, étagée sur des collines peu élevées, vous trouverez une rue large, bien plantée d'arbres et toute bordée de blancs cottages en bois, avec le décor obligé de massifs fleuris sur le devant. C'est la rue des Canadiens ; toutes ces maisons leur appar- tiennent. Au centre se trouve l'église. Deux allées en asphalte, contournant une pelouse avec bosquets et corbeilles de fleurs, mènent à une terrasse où se dresse l'édifice. En arrière, sur un plateau d'où le regard embrasse un panorama splendide de la ville et. des environs, s'élève le couvent canadien. 20 LES CANADIENS-FRANÇAIS Église et couvent, voilà les deux forteresses qui abritent ce que le Canadien a de plus cher aux États comme au Canada : sa religion et sa nationalité. Après avoir présenté nos hommages au respectable curé de Marlb(n-o, le Révérend M. Dumontier, prions-le de nous conduire chez quelques-uns de ses paroissiens, pour voir de nos yeux comment sont installés les Cana- diens émigrés aux Etats. Le maître de la maison vous recevra avec une urbanité cordiale et franche, puis il vous introduira dans un petit salon bien propre, bien élégant, avectapiS; canapé; piano ou harmonium. Aux murailles sont suspendues les images qu'on apporta jadis du Canada, les Sacrés Cœurs de Jésus et de Marie, l'image de la bonne sainte Anne, la grande patronne des Canadiens. A côté, voici les travaux à l'aiguille exécutés par les fillettes de la maison qui vont au couvent ; une couronne et une croix avec la devise en sautoir : Pas de croix, pas de couronne, ou bien encore le salut anglais Welcovie, Soyez les hien- vemm ! Bientôt, à la suite de la mère, vous verrez de blondes têtes d'enfants apparaître dans la porte entre- baillée du salon. Faites un signe d'encouragement. Aussitôt une demi-douzaine de petits -garçons et de petites tilles seront autour de vous, à vous regarder et à jouer avec vous comme avec un vieil ami. L'aînée des fillettes exécutera un air de piano pour vous souhaiter la bienvenue, la sœur cadette vous dira une fable apprise à l'école, et sa maman, si vous en avez le h>isir, vous expliquera en détail les qualités et les imperfections de chacun des membres de la famille. Voilà un intérieur d'ouvrier canadien aux États. Tout DE LA NOlJVELLE-ANGLliTERRE 21 y respire la paix et le contentement. Tout y indic^ue une vie modeste, mais aisée ; et comme la loi du Sauveur exerce sa douce influence sur ce foyer domestique, vous y trouvez rassemblé tout ce qui peut rendre la vie aimable et douce au travailleur. Voulez-vous maintenant un tableau de la rue / Ren- dons-nous, par un beau soir d'été, dans l'un des grands centres manufacturiers des Etats, à Holyoke, par exemple. Au centre d'un grand carré, bordé de tous côtés par des blocs de quatre à cinq étages, se trouve la magnifique église canadienne qui a coûté plus de 100,000 piastres (500,000 francs). Ces blocs, ainsi que les rues voisines, sont exclusivement occupés par les Canadiens. Ce quartier de la ville leur appartient. Les rues sont pleines d'enfants qui jouent et crient. Les jeunes filles se promènent sur les trottoirs par bandes de trois ou quatre. Elles se racontent avec animation les mille riens de la journée. Les hommes, eux, groupés çà et là ou assis sur les paliers extérieurs des maisons, fument tran- quillement la pipe du soir et jasent avec entrain. Les Canadiens sont forts pour ]ii jasettc. De bruyants éclats de rire, venus d'un peu partout, vous avertissent que ce peuple n'est pas rongé par la mélancolie sur la terre étrangère. Dans les maisons, on entend les gais refrains des chansons du Canada, et les fenêtres sont bordées de fleurs au-dessus desquelles apparaissent les bonnes et franches figures de Canadiennes qui regardent et babillent. 22 LES CANADIENS-FRANÇAIS Vous revieiidrez de cette promenade, vous demandant sans doute si les publicistes canadiens sont bien dans le vrai, quand ils se lamentent sur les tristesses de nos frères exilés, et qu'ils recueillent avec attendrissement les soupii-s poussés de la terre d'exil vers la patrie absente. S'ils s'avisaient d'aller redire ces jérémiades aux Canadiens émigrés, il pourrait bien arriver qu'un bon et franc éclat de rire mît promptement en déroute leur éloquence et leur sentimentalité. CHAPITRE III VIE SOCIALE DES CANADIENS. Lee français d'Amérique. — Les fricots de famille. —Les soirée» au bouquet. — La canadienne ^o^zceman de paroisse — Cha- rité des canadiens. — Les charpentiers de Burlington. — Les deux bébés d'adoption. — Défauts des émigrés. — Impré- voyance et luxe. — Les dix piastres pour M. le curé. — Ces Mc8 leurs et ces Demoiselle?, le dimanche 1 Le Canadien émigré aux États reste Français d'allures et de caractère. Gai, spirituel, aimant à causer avec les amis, à dire et à entendre de joyeuses histoires, d'une vivacité un peu prompte à s'enflammer, mais sans amer- tume ni ressentiment, il possède généralement un bon cœur dans une bonne et large poitrine. Ces ouvriers, groupés autour de leur église, ont le« uns avec les autres des rapports pleins de cordiale et DE LA NOUVELLE- ANGLETERRE 23 fraternelle camaraderie. Les disputes sont rares ; du reste elles se bornent toujours à des batailles de paroles. Dans un grand nombre de centres, les Canadiens sont originaires des mêmes paroisses ; une famille attire l'autre, et parents et amis, se retrouvant ensemble dans leur patrie d'adoption, reprennent les bonnes relations d'amitié qu'ils avaient jadis en Canada. Ce rapproche- ment offre, en outre, une protection efficace contre l'invasion de gens suspects, qui voudraient se glisser au milieu de ces agglomérations canadiennes. Leur histoire ^st vite connue, et ils se voient bientôt obligés d'aller chercher fortune ailleurs. * * * Le Canadien aime beaucoup la société et surtout les réunions intimes. Durant les mois de décembre et jan- vier, il y a peu de chose à faire au pays dans les fermes ; aussi c'est le temps des visites. Et alors, il est bien rare de trouver un habitant qui résiste à la tentation d'aller prendre part à ce qu'on nomme, dans la langue du cru, un fricot de famille. Dans les belles nuits d'hiver, lorsque les étoiles brillent de l'éclat le plus vif, vous entendez tout à coup résonner à travers la campagne les grelots d'un attelage, et la lame d'acier du traîneau fait crier la neige durcie par un froid de quinze à vingt degrés. C'est une famille d'habitants qui se rend au fricot. Femmes et enfants, chaudement enveloppés dan» leurs fourrures, remplissent le fond de la carriole. La 24 LES CANADIENS- FRANC Aïs réunion se compose ordinairement d'une vingtaine de parents et amis. On mange le fricot, on dit des joyeu- setés, on rit à gorge déployée ; la jeunesse danse et s'amuse à des jeux de société. Tout le monde est en belle humeur. Vers minuit, les fricoteurs rentrent au logis, en envoyant aux échos de la nuit les refrains de& chansons de la vieille France. * * Aux Etats-Unis, après une journée de douze heures de travail, et avec la perspective d'être debout à cinq heures pour recommencer le lendemain, l'usage an fricot ])résentc plus de difficulté. Pourtant, malgré tout, le natui-el l'emporte, et le Canadien émigré trouve encore le moyen d'organiser de petites fêtes pour s'amuser et rire. Ainsi, dans certaine ville, la jeunesse avait imaginé ce qu'on appelait des Solrée.s (tu hoaqaet 11 s'agissait de fêter l'anniversaire de naissance des amis. L'on se donnait le mot ; puis, le soir venu, chacun se rendait muni de provisions et un bouquet à la main, à la de- meure de celui ou de celle (jui commençait une nouvelle année. La réunion était gaie, elle se prolongeait assez, et même trop avant dans la nuit, le tout n'allait pas, paraît-il, sans quelques inconvénients assez sérieux. Aussi les prêtres crurent-ils devoir dire un mot aux mères de famille, et les Soirées ati bouquet disparurent. Ici, en effet, comme je l'ai dit, c'est la femme qui fait DE LA NOUVELLE-ANGLETERRE 25 la police de la paroisse ; il n'en est pas de plus douce, vt l'on paut ajouter de plus efficace. L'influence de la femme est considérable dans la famille canadieni e. Habituellement, c'est elle qui gouverne toute la petite ré- publique, le président y compris. Mais comme, en géné- ral, ces femmes canadiennes sont bonnes chrétiennes, vaillantes au travail, toutes dévouées à leur mari et à leurs enfants, cette influence a en définitive les résultats, les plus heureux. Elle s'étend même à tout le bloc (ju'elles occupent Voilà pourquoi, dans ces vastes maisons ouvrières qui comptent souvent de vingt à trente ménages, l'on trouve, l^C plupart du temps, une étonnante régularité. Les désordres y sont rares et durent peu. Grâce à ces femmes, à ces mères vraiment chrétiennes, la loi de Dieu règne dans le bloc avec une autorité qui contraste sin- gulièrement avec ce que l'on voit ailleurs dans des con- ditions analogues. Je vois ici cpielques-uns de mes lecteurs hocher la tête pour me dire qne je sais bien optimiste, peut-être même bien crédule. Mais, sans se hâter de porter un jugement prématuré pour quelques exceptions (jui frap- peront leurs yeux, je les prierais de parcourir un certaiti nombre d'agglomérations canadiennes aux Etats, et sur- tout d'interroger les prêtres résidents et les mission- naires. Ils verront que mon appréciation favorable n'est, après tout, qu'un hommage rendu à la vérité et à la justice. ce LES CANADIENS-FRANÇAIS J'ai dit qu'un grand esprit de charité chrétienne règne parmi ces Canadiens émigrés. Ils se traitent vraiment en frères et n'épargnent pas leurs peines quand il s'agit de s'entr'aider. Dans une promenade que je faisais à Burlington, en compagnie du vicaire de la paroisse canadienne, le Rév^ M. Ivinec, nous aperçûmes sur un plateau, au sortir de la ville, un grand nombre de maisonnettes en cons- truction, " Eh ! dis-jc à mon compagnon, voici tout un village canadien qui se bâtit ici." — "Oui, me répondit-il, les Canadiens ont acheté ce plateau, et, la journée finie, menuisiers et charpentiers donnent à chaque famille deux heures de travail gratuit pour finir leur cottage." Que peiLsez-vous de cette .société coopérative de cha- rité ? N'est-il pas touchant de voir de pauvres ouvriers, après une journée à l'usine, prendre encore deux heures 8ur leur repos, pour se bâtir les uns aux autres, leur petit ch,pz .wl ! Aux États-Unis, il y a dans chaque comté une maison subventionnée, où l'on recueille les pauvres, les vieil- lards, tous ceux enfin (jui n'ont plus ni feu ni lieu. On la nomme la poor hoase, la maison des pauvres. Mais vous y chercheriez inutilement des Canadiens, ils l'ont en horreur. Si un Canadien tombe malade et se trouve DE LA NOUVELLE-AÎ^GLETERRE 27 dans le besoin, les voisins vont faire une tournée de charité, et reviennent avec de larges aumônes. S'il est vieux, ses enfants le reçoivent chez eux ou payent sa pension chez quelque compatriote. S'il meurt en laissant des orphelins, il peut être tranquille sur leur sort, la charité chrétienne en prendra soin. En Canada, l'on crie les orphelins à la porte de l'église, le dimanche, et tout de suite il se trouve de braves gens pour les adopter ^ La plupart du temps, ce sont des époux à qui Dieu n'a pas donné la bénédiction du ma- riage ; souvent aussi ce sont des pères de famille qui ont déjà bien des enfants sur les bras : mais, d'après le prin- cipe que là où il y a du pain pour quatre, il y en aura bien pour six, ils emmènent ces orphelins et comptent sur la Providence pour les nourrir. Souvent même, ou poussera la délicatesse jus(|u'à laisser ignorer aux pauvres petits leur malheur, on les élèvera sur le pied d'une complète égalité avec les autres de la maison. Aux Etats, on ne crie pas les orphelins à la porte de l'église, mais l'œuvre de charité n'en est pas moins accomplie avec un courage et quelquefois avec un hé- roïsme admii'able. Qu'on en juge par le fait suivant. Il y a deux ans, je prêchais une mission à Rochester. Après la messe, une brave Canadienne, femme d'ouvrier, vient me trouver à la sacristie : " Mon Père, me dit-elle, une de nos voisines, une pauvre veuve, est morte il y a « trois mois, laissant deux petites hlles, l'une de trois ans, 1. En 1819, lorsque le typhus lit périr plus de 1^,000 pauvres émigrants irlandais, à Mootréal et à Québec, les milliers d'orphelins qui restaient furent adoptés par les familles canadiennes, et élevés avec leurs autres enfants. 28 liES CANADIENS-FRANÇAIS l'autre un bébé qui n'a encore que cinc} mois. On s'est arrangé, phisieurs feninics ensemble, pour adopter les pauvres petites. Mais comme on est bien pauvre soi- même, et qu'on a déjà pas mal d'enfants, voici ce qu'on fait. La petite ainée reste huit jours dans chaque maison. Pour le bébé, à tour de rôle, les femmes qui nourrissent le gardent pendant trois jours, puis elle le passent à la voisine. Mon père, ajoutait-elle naïvement, on est bien prêt à continuer, mais si vous pouviez dire un petit mot d'encouragement dans votre sermon, ca nous ferait hic ri plaisir." * * Voilà les qualités du Canadien émigré aux États. Il a aussi ses défauts, et la vérité me force à les dire avec la même franchise. Laissant aux prêtres le souci des misères qui, là comme ailleurs, sont l'apanage de la nature humaine, je ne m'occuperai que des défauts exté- rieurs, de ceux qui sont du domaine public. Or, de l'avis comuiun, les principaux sont l'imprévoyance et le luxe. L'imprévoyance, on le sait, est un défaut trop ordi- naire chez l'ouvrier. Mais ce défaut, le Canadien émigré le pousse à un degré vraiment déplorable. Son horizon se borne à la semaine qui passe, tout au plus, an mois qui finit. S'il a dix piastres en sa possession, il dépen- sera dix piastre-^, s'il en a vingt il en dépensera vingt ; mais toujours il s'arrangera de manière à être à peu près à sec, aux approches de la nouvelle paye. DE LA NOUVELLE-ANGLETERRE 29 Les prêtres le savent bien aux États. S'ils ont une quête importante à faire, ils auront bien soin de la placer toujours dans la semaine qui suit la paye. S'ils venaient plus tard présenter la corbeille à leurs parois- siens, ils obtiendraient de leur part un beau salut de tête, bien sympathique, mais d'argent . . . point. Il n'y en a plus dans le gousset. Où donc \'a cet argent ? Les Canadiens le jettent-il à la taverne ? Non, le Canadien des Etats est généralement sobre. H y a des exceptions, sans doute : mais outre que bon nombre de jeunes gens appartiennent à la fem/péranre totale, ceux mêmes qui ne vont pas jusque-là ne sont guère portés aux excès alcooliques. Ce n'est donc pas l'ivrognerie qui épuise leur bourse. Mais ces ouvriers sont de grands enfants ; ils aiment les fêtes, les plaisirs, les courses en voitures, les amusements de toute sorte. Le dimanche qui suivra la paye, vous les verrez partir trois ou quatre de compagnie, en voiture à deux chevaux, pour aller faire un pique-niqiu'. Ils dépenseront ur.e dizaine de piastres dans la journée. Quand un cirque américain arrive dans la localité, il n'y aura pas assez de place pour les Canadiens curieux d'assister au spec- tacle. Que si, par hasard, ils ont mis cinquante piastres de côté, vite, il faut les dépenser dans une course en Canada, pour aller revoir parents et amis, qu'on avait visités il n'y a pas six mois. Dieu sait l'argent que les compagnies de chemins de fer américains ont encaissé, grâce à cette humeur voyageuse de nos compatriotes. 30 LES CANADIEXS-FRANÇAIS On leur dit : " Mais vous, pères de famille, ayez d^ ne plus de prévoyance ; mettez quelque réserve à la banque» vous le pouvez facilement. Si vous alliez tomber ma- lades, si l'ouvrage manquait, si la grève se déclarait, que deviendriez-vous avec vos enfants ? " Ils trouveront (\ue vos paroles ont hien du hou s-en^y mais ils n'en font pas davantage. Les jeunes gens sont naturellement plus insouciants encore que leurs parents. Avec des salaires de trente à quarante piastres par mois, ils pourraient aisément mettre la moitié de cet argent-là de coté et s'assurer ainsi une avance de quelques centaines de piastres, pour l'époque du mariage. Mais où est le jeune homme qui puisse attacher cette épingle au bonnet de sa fiancée ? La coutume aux États est de faire au prêtre une offrande de dix piastres à l'occasion du mariage. Quand des jeunes gens, après s'être dit oui en particulier, désireirt le dire eu public devant leui" curé, il y a une (question qu'on se pose l'un à l'autre : " As-tu les dix piastres pour M. le curé ? : — Non, et toi ? — Moi non plus. — Eh bien ! mettons de l'argent de côté, et l'on se mariera dans ti'ois mois." Voilà toute leur économie domestique ; c'est peu compliqué, connue on le voit. Pourtant, grâce aux efforts incessants du clergé, grâce encore à l'élan qui s'est manifesté depuis quelque temps parmi les Canadiens, pour se procurer un c?tez .soi, cette imprévoyance a fait place chez un bon nombre à des habitudes d'épargne, et la nouvelle génération élevée DE LA NOUVELLE- ANGLETERRE 31 aux États ne i^aspille plus son argent avec la même légèreté. Malheureusement il reste toujours un créancier favori qui absorbe à lui seul la plus forte partie des revenus ' américanisaient, ils iraient au protes- tantisme, ou du moins à l'indifférence religieuse. N'eu a-t-on pas la preuve dans les Etats de l'Ouest où l'on a poussé le plus vivement à Vunification obligatoire ? Que eont deventis les fils de ces Cana- DE LA NOUVELLE- ANGLETERRE 65 (liens émigrés ? Se sont-ils ralliés aux congrégations irlaudai&es ? Quelques-uns, peut-être, mais la grande masse a disparu dans le torrent de l'incrédulité. " Nous voulons des pasteurs qui pensent comme nous, qui travaillent avec nous à sauvegarder, sur la terre étrangère, ces trois grandes choses qui nous tiennent également au cœur : Notre langue, notre religion, nos mœurs. " Il Lous faut des prêtres canadiens." CHAPITRE VIII LA QUESTION DE LA NATIONALITÉ D'UN PEUPLE Que représente la nationalité d'un peuple ? — Les émigrés doivent- il abandonner leur nationalité ? — Variété dans l'unit'é. — Les ultra-américains et leurs dires. — La St-Patrice aux Etats. — Le drapeau irlandais à New-York. Cette question de la Nationalité joue un rôle considé- rable dans le sujet qui nous occupe et elle forme, pour ainsi dire, le point central que les Canadiens défendent avec énergie et que leur adversaires attaquent avec le plus d'opiniâtreté : Il ne sera donc pas hors de propos de la traiter ici avec quel qu'étendue. Nous compren- drons mieux ensuite pourquoi les Canadiens en font le boulevard de leur religion et de leurs mœurs. ^6 LES CANADIENS-FRANÇAIS * * La nationalité d'un peuple représente tout un pagsé d'efforts communs pour créer ce que l'on nomme un© patrie. C'est un ensemble d'idées, de traditions, de manières d'être qui donne à un peuple une physionomie spéciale, distincte de celle des autres peuples. Cette union des intelligences et des cœurs ne connait ni les limites du temps, ni les séparations de la mort. Vivants et morts ne forment qu'un seul peuple. Les ancêtres, les grands hommes de la patrie revivent pour nous, et par l'histoire de leurs belles actions, et par les monuments littéraires ou artistiques qu'ils nous ont laissés, leurs noms nous sont familiers dès l'enfance, leurs statues parlent à nos yeux sur les places publiques, leurs œuvres nourrissent notre intelligence et font battre nos cœurs. Nous le sentons, nous sommes de la même famille, leur gloire est potre gloire, c'est un héritage commun qui passe des pères à leurs descendante^. Pouf être parfaite, la nationalité a besoin d'un triple lieu qui unisse ensemble tous les citoyens d'une même nation. Il lui faut : l' imité de langage, nécessaire aux rela- tions sociales, V unité de religion pour harmoniser les intelligences et les cœurs, et enfin V unité apolitique qui maintienne la stabilité des institutions publiques et assure l'union des volontés et des bras pour les défendre au besoin. DE LA NOUVELLE- ANGLETERRK 67 Ces trois éléments ne sont pas, il est vrai, nécessaires au même titre. L'un ou l'autre peut disparaître sans que pour cela la nationalité disparaisse complètement, mais, à coup sûr, elle en sera certainement affaiblie. Au contraire, plus ces éléments constitutifs d'une nation seront puissants, plus aussi la nationalité sera forte. Or le Canadien-français est fier d'appartenir à une nation qui, depuis quatorze siècles, a tenu une place distinguée parmi les autres nations de la terre. La France, en effet, ne l'a cédé à aucune d'elles, ni en gloire, ni en générosité, ni en actions éclatantes. Elle a produit des légions d'hommes illustres, de héros et de saints. Elle possède une littérature toute pénétrée de l'esprit catholique le plus vivace. Elle a couvert le monde des monuments de son zèle et de sa religion. Malgré des défaillances regrettables, la nation française n'a cepen- dant jamais renié les titres de son baptême et, toujours, elle s'appelle avec un légitime orgueil la Fille ainée de l'Eglise. Que d'autres peuples se glorifient de la prospérité matérielle de leur patrie, qu'ils se réjouissent de l'exten- sion de ses colonies et des fortunes colossales que le génie de leurs enfants sait amasser, c'est là un orgueil national auquel je rends volontiers hommage. Mais partout sur terre, on a droit de porter haut et la tête et le cœur, quand on peut dire " moi, j'appartiens à la race " qui la première courba le front'sous la main du Christ " et qui, pendant quatorze siècles, écrivit avec la plume " et l'épée, les actes de Dieu en ce monde; ma patrie " c'est la France ! " (Î8 LES CANADIENS-FRANÇAIS Cet héritage est commun à tous les enfants de la France. Mais le peuple canadien a de plus, un héritage parti- culier, qu'il ne saurait abandonner sans forfaire à l'hon- neur et à la reconnaissance envers Dieu. Quelle nation sur ce continent fut plus riche en grands hommes et en saints ? La Providence semble avoir voulu rassembler autour du berceau de ce peuple tout ce qui pouvait lui donner une constitution robustement chré- tienne et vigoureusement héroïque : Voyez les de Laval, les Champlain, les Maisonneuve, les Brébeuf, les Lalle- mant, les Joliet, les d'Iberville, les Plessis et tant d'autres ! Dites moi, où sont chez les peuples voisins, les hommes de cette taille ? Et l'on voudrait que le Canadien-français, lils de la vieille France, renonçât au noble héritage qu'il tient de sa mère-patrie et de ses ancêtres canadiens, parceque, à quelques lieues de son pays natal, il s'établit dans un pays où flotte un drapeau étranger ! L'on voudrait que riche des souvenirs les plus glorieux, des exemples de famille les plus propres à maintenir la noblesse du cœur, il se dépouillât lui-même de ces biens de famille, pour se réduire à une obscure médiocrité, pour ne pas dire à la plus triste indigence ! DE LA NOUVELLE-ANGLETERRE 69 Mais ce serait là une trahison sans excuse, une abdi- cation sans dignité, un vrai suicide national que rien ne saurait justifier, et que, du reste, rien ne réclame. En mettant le pied sur le territoire de la grande République, les émigiés doivent, il est vrai, accepter la constitution politique de leur patrie d'a^'oj^tion. Ils ont l'obligation d'obéir à ses lois, de supporter les charges publiques, de vivre de sa vie commerciale et politique. Que faut-il de plus pour maintenir l'unité et l'harmo- nie entre les citoyens / Ces hommes ne sont-ils pas suffisament américanisés pour toutes les fins politiques et nationales ? Un fier Canadien-français Ferdinand Gagnon, expo- sait cette situation avec beaucoup de netteté et de pré- cision. " L'allégeance à un pouvoir ne change pas l'origine " du sujet ou du citoyen ; elle ne change que sa condi- " tion politique." " En prêtant serment de fidélité à la constitution des ''Etats-Unis, rien ne change en moi, m ma ^ foi reli- " gieuses, ni 'mon amour des traditions nationales. " Que se passe-t-il alors ? " Il se passe un contrat politique qui m'oblige à obser- " ver les lois du pays que j'adopte pour patrie, à défendre ' son drapeau, à travailler à la prospérité générale de la 70 LES &ANADIEXS-FRAXÇATS " nation. En retour, la constitution du pays me promet " protection et me donne droit de délibération, de cen- " sure et d'approbation. Elle m'ouvre les portes de la *• i-eprésentation nationale, communale ou municipale." " Il ne s'est passé rien de plus entre ma conscience et " mon serment d'allégeance." '• . . .Soyons loyaux ! Respectons le drapeau qui nous " protège, aimons le, défendons le ! Soyons loyaux, mais " en même temps, restons Canadiens- Français. Conser- " vons précieusement notre langue et notre foi, c'est-à- " dire respectons le signe que la Religion a mis sur " notre front et celui que la Patrie a mis sur nos lèvres. " Loyaux, oui, Français, toujours ! " (Ferdinand Gagnon œuvres page 136-126). * * D'ailleurs, de quel droit demanderiez- vous à ces fils de la vieille France, de l'Irlande, ou de l'Allemagne, de renoncer aux souvenirs les plus chers de la vieille mère- patrie, d'abandonner au plus tôt les mœurs et traditions de leurs ancêtres pour prendre les mœurs et les usages d'Américains, anglais d'origine qui, par hasard, furent les premiers à s'établir dans ces immenses régions encore inoccupées ? La civilisation anglo-saxonne est-elle donc supérieure à la civilisation latine et chrétienne ? Les mœurs de ces hommes sont-elles plus pures, leurs idées plus élevées, leurs habitudes sociales et domesti- DE LA NOUVELLE-ANGLETERRE 71 ques plus religieuses que celles des vieilles races catho- liques, façonnées durant tant de siècles, par les mains divines de l'Eglise ? Laissez donc ces peuples divers garder aussi long- temps que possible, les traits caractéristiques qu'ils ont •reçus de leurs ancêtres. Au lieu de chercher à les jeter au plus vite, dans un moule uniforme, aidez-les plutôt à conserver leur physionomie sociale, et les énergies particulières qu'ils ont apportées de la terre natale, et du même coup, vous augmenterez aussi les éléments de vitalité et de progrès de ce qu'on nomme le peuple américain. * r * Loin d'être un obstacle a ce progrès national, la va- riété de races, et d'aptitudes lui fournira au contraire, des avantages considérables. L'uniformité ralentit l'élan et le tue, tandis que la diversité des races provoque l'émulation et stimule l'esprit d'entreprise. L'Angleterre, l'Allemagne, la France n'ont-elles pas leurs peuples d'origine différente, unis sous le même drapeau, mais gardant soigneusement les traits carac- téristiques de leur nationalité primitive ? Ces nations se sont-elles jamais plaint que cette variété de types fut pour elles un obstacle au progrès matériel pendant la paix, ou une cause de faiblesse pour leurs armées en temps de guerre ? 72 LES CANâDlENS-FKANÇAIS Encore une fois laissez donc la Providence arranger selon ses vues, les races diverses qui sont venues se * juxta-poser aux Etats-Unis et cessez de vouloir, à tout prix, établir une uniformité de mort, là où elle semble vouloir mettre la variété et la vie. * * * Des écrivains politiques, des publicités anxieux, sem- l>le-t-il, de se faire pardonner par les Américains la malchance d'être nés fils de l'héroïque Irlande ou de la studieuse Allemagne sont parfois les plus ardents pro- moteurs de cette américanisatiori à (ndranœ. En toute occasion, à propos et hors de propos, ils professent pour leur patrie nouvelle un enthousiasme sans réserve qui n'est après tout, qu'une abdication sans dignité des gloires de leur ancienne mère-patrie. Un jour, l'Amérique formera sans doute un grand peuple, elle en a tous les éléments comme aussi toutes les ambitions ; mais, pour le moment, ce n'est encore Qu'une vaste agglomération d'hommes, avec un com- mencement d'histoire et de traditions nationales, de vie artistique et intellectuelle, rien de plus. La satisfaction et l'espérance sont de mise aujourd'hui, mais l'enthou- siasme doit êti'e réservé pour demain ? " Laissez grandir ce robuste jeune homme., dirai-je avec le Comte de Maistre ; qu'il gngne ses éperons, avant d'exiger des salutations si profondes, et des admirations si retentiî:- santes. DE LA NOUVELLE- ANGLETERRE 73 Disons-le à la gloire des Canadiens émigrés ; il ne s'est pas encore trouvé parmi eux un seul homme de marque qui ait oublié les gloires de son ancienne mère- patrie pour offrir cet encens intempestif à sa nouvelle patrie d'adoption. D'ailleurs, malgré le lyrisme de certains émigrés amé- ricanisés, la vieille voix du patriotisme continue de se faire entendre, et plus haute et plus forte au cœur de •ces Allemands, de ces Irlandais établis sur une terre étrangère. lis aiment encore le pays natal, ils gardent précieusement le souvenir et la gloire des ancêtres. St Patrice ne peut certainement pas se plaindre que ses enfants d'Amérique le négligent et l'oublient. Pro- •cessions annuelles, discours patriotiques où l'on redit avec orgueil les gloires de l'Irlande, sociétés nombreuses, en sympathie ardente avec la mère-patrie, l'aidant dans ses luttes pour la liberté, saluant d'avance le jour de son triomphe, qu'est-ce donc que tout cela ? sinon la voix de l'Irlande parlant au cœur de ses tils émigrés en Amérique, au Canada, en Australie, partout où le mal- heur les a jetés, et proclamant bien haut l'unité de race et l'harmonie des cœurs dans les mêmes aspirations patriotiques. . Qui donc aux Etats-Unis a jamais songé à murmurer contre ces manifestations d'un peuple qui se souvient de son passé ? Qui accusa jamais l'Irlandais-américain de déloyauté politique, par ce qu'il garde la mémoire de ses pères qui dorment dans les cimetières de la verte Erin, et de ses frères qui luttent pour conquérir l'indé- pendance dé la patrie ? 74 LES CANADIENS-FRANÇAIS Il y a nn an, le maire de New- York, un anglais d'ori- ^ne, refusait de laisser hisser sur l'Hôtel-de-ville le drapeau irlandais, le jour de la St-Patrice. L'année suivante, les Irlandais irrités de cet outrage, culbu- tèrent le maire Hewit, pour élire à sa place un irlan- dais-américain, M. Grant, et cette année le jour de St- Patrice, le drapeau de l'Irlande flottait fièrement sur l'Hôtel-de-ville de New-York, à côté du drapeau étoile des Etats-Unis. Laissez donc les Canadiens émigrés garder, eux aussi, un souvenir vivant de la patrie de leurs pères, tout en aimant avec loyauté leur patrie nouvelle. Ils ont le cœur assez large pour ces deux amours. CHAPITRE IX LA QUESTION DE LA NATIONALITÉ, (suite) '* Notre iangiie gardera notre religion."— Esl-ce vrai ? — Ce que garde la langue française pour le Canadien. — Traditions et dévotions populaires. — Quels résultats produirait la fu- sion ? — Programme des émigrés, " Notre Religion, notre langue, nos mœurs." En émigrant aux Etats-Unis, les Canadiens acceptent librement des institutions politiques différentes de celles de leur pays natal, mais en même temps, ils sont bien résolus de conserver les deux autres éléments consti- > DE LA NOUVELLE- ANGLETERRE 75 tifs de leur nationalité : la Religion et la langue, c'est- à-dire à demeurer Canadiens- Français au foyer domes- tique et surtout à l'église. Leur raisonnement est très simple : " Sur la terre d'Amérique nous sommes bien décidés " à garder pour nous-mêmes et pour nos enfants les " croyances religieuses de nos pères. Or les plus puis- " sants remparts de cette foi catholique sont nos mœurs " et nos traditions nationales, et la langue peut nous " les conserver. Donc pour garder notre Religion, nous " gardei'ons aussi fidèlement notre langue française : " Ce raisonnement est-il juste ? Faut-il réellement ac- corder à la préservation de la langue, une influence aussi C( nsidérable sur la conservation de la religion elle-même ? Je le crois, et tous ceux qui ont étudié sérieusement cette ({uestion, seront de mon avis, j'en suis sûr. La langue française, en effet, est le trait d'union entre les Canadiens émigrés aux Etats, c'est le lien qui les tient ensemble dans les villes manufacturières et leur permet de reconstituer la paroisse canadienne telle qu'ils l'avaient en Canada. Quoi de plus puissant pour garder les nueurs nationales, et de plus efficace pour conserver aux émigrés la physionomie religieuse qui leur est propre ? 76 LES CANADIENS-FRANÇAIS Tous les peuples catholiques ont la même Foi et par- ticipent aux mêmes Sacrements, c'est vrai. Pourtant, chacun d'eux, suivant son tempérament, et ses habi- tudes particulières d'éducation religieuse manifeste la vitalité de cette foi à sa manière. Autre est la dévotion des peuples du Nord, autre celle des populations du Midi. Les uns apprécient davantage les cérémonies extérieures, les splendeurs du culte ; les autres y at- tachent une moindre importance. Enfin parmi les dévotions qui embellissent le jardin de l'Eglise, les peuples catholiques choisissent celles qui plaisent da- vantage à leur goût ou attirent plus doucement leur cœur. C'est ce qui, dans la belle unité de l'Eglise, met cette variété de physionomie religieuse extérieure que l'on remar(]|ue chez les peuples catholiques. Or le peuple canadien, disons-le à sa louange, possède encore une foi vigoureuse, dont la vitalité s'épanouit dans des pratiques de dévotion nombreuses et parfois d'une naïveté toute primitive. Il aime la pompe des cérémonies de l'Eglise. Il honore d'un culte spécial la Bonne 8te. Anne ; c'est la grande protectrice du pays. Il garde fidèlement la dévotion aux morts, et les aide pdi des prières et des communions fréquentes. Tous ces souvenirs, lointains de la vieille France, ces tradi- tions rapportées du fond de la Bretagne et de la Nor- mandie enveloppent la famille canadienne d'une atmos- phère de vie catholique qu'il fait vraiment bon de respirer. DE LA NOUVELLE-ANGLETERRE 77 *** Ces dévotions touchantes, ces pratiques de piété, lentement développées dans les familles, à travers les siècles, et qui passent du cœur des mères dans le cœur des enfants, donnent aux catholiques canadiens une physionomie religieuse particulière, distincte, à coup sûi-, de celle des catholiques américains. Il la garderont tant que, par la langue, ils resteront un peuple distinct aux Etats-Unis, et aussi tant qu'ils auront des prêtres canadiens, au courant des habitudes religieuses de leurs compatriotes, pour les entretenir et les satisfaire à l'église. Ces dévotions ne sont pas la Foi, je le sais, mais elles protègent la foi et la font vivre. De la même façon, les feuilles et les fleurs ne sont pas le fruit, et pourtant sans elles, les fruits ne sauraient jamais venir à ma- turité. Autre avantage qui, certes, n'est pas à dédaigner. En gardant ainsi, par la langue, leur vie sociale et religieuse, les centres canadiens sont prêts à incorporer immédiatement les nouveaux émigrés qui arrivent sans cesse du Canada. Pour eux il n'y a ni tâtonnements, ni dangers possibles. De l'autre côté des lignes ils retrouvent de suite ce qu'ils ont laissé en Canada : une société et une église toute canadienne. Qui pourrait dire le nombre d'émigrés qui grâce à cette protection, ont su garder intacte leur foi religieuse ? LES CANADIENS-FRANÇAIS *** Qu'arrivera*it-il, au contraire, si la langue française cessait d'être pour les Canadiens émigrés, la langue de l'Eglise et du foyer domestique î Dispersés et fondus dans la mas^e des catholiques américains, comme l'ont tant souhaité les partisans de V américanisation à outrance, ces Canadiens n'auraient plus dès lors aucune raison de demander des paroisses spéciales, ni de se tenii' ensemble, et bien vite, ils per- draient tout d'abord, leur physionomie sociale Garderaient-ils au moins leur physionomie religieuse ? D'après la théorie que j'ai exposée plus haut, il est certain que le catholique américain et le catholique canadien, unis dans la même croyance, ofîrent cependant des différences notables, dans les manifestations exté- rieures de cette foi. Chacun d'eux a ses coutumes nationales, ses manières d'être et d'agir particulières, en un mot, son cachet religieux spécial et bien tranché. Dans l'hypothèse de la fusion, ce serait au Canadien, bien entendu, à se dépouiller de sa physionomie reli- gieuse nationale, pour s'adapter à cette forme nouvelle et souvent contraire à ses habitudes traditionnelles. II lui faudrait, à coup sûr, un temps considérable, joint à une rare bonne volonté, pour refaire ainsi son éducation et se trouver à l'aise dans des congrégations catholiques- américaines. DE LA NOUVELLE- ANGLETERRE 79 Et l'émigration qui, pareille à un fleuve continu, descend toujours du Canada aux Etats, qu'en ferez- vous ? Le travail d'assimilation n'aura jamais de fin, il sera toujours à recommencer. Autre question, trop délicate pour que j'y réponde moi-même : Cette assimilation serait-elle favorable à la vie religieuse des Canadiens ? Leur foi en deviendrait- elle plus robuste, leur piété plus tendre, leurs idées et leurs mœurs plus catholiques ? Tout à l'heure des écrivains religieux américains vont nous donner la réponse à ces questions. Enfin, dernier avantage de la langue nationale des Canadiens aux Etats-Unis, elle les isole du monde pro- testant américain si indifférent à toute croyance reli- gieuse, si relâché dans sa morale, si profondément hostile à toute idée chrétienne, et dans ses écoles, et dans sa littérature et dans ses journaux. Grâce à sa langue, le Canadien se trouve soustrait aux principaux dangers qui assaillent la foi des catholique?» émio^rés aux Etats. *** Que les Canadiens-Français des États continuent donc de garder soigneusement leur langue nationale à l'église et au foyer domestique, afin de garder en même temps leurs croyances catholiques. Qu'ils défendent énergique- ment cette langue contre toute attaque extérieure ou intérieure. Que toutes les forces dont ils disposent, 80 LES CANADIENS-FRANÇAIS église, couvent, Sociétés de St-J.-B. et journaux cana- diens se donnent toujours une main vaillante pour pro- téger cette forteresse qui abrite les trésors les plus précieux. Tant que les Canadiens-Français parleront français aux États, ils resteront catholiques. Du moment qu'ils perdront leur langue, en règle générale, ils perdront aussi leur foi, ou du moins ils ne garderont plus que des croyances religieuses fort affaiblies. L'expérience n'a malheureusement que trop démontré l'exactitude de cette assertion. CHAPITRE X LA QUESTION DE LA NATIONALITÉ, (suite} L'œnvre des vieux émigrés. — La situation de leurs fils. — LfS résultats de raméricauisation. —Le catholicisme de la Jeune Aniérique. — Témoignages de la Catholic lîeview. — Nos pertes et la cause de ces pertes. — Le travail de protection. — Le Congrès de Baltimore et les Ca:iadiens. L'absence de cette protection puissante offerte par une langue nationale, a été l'une des causes les plus funestes des ravages que l'influence protestante améri- caine a pu opérer parmi les émigrants, venus des pays de langue anglaise. DE^LA NOUVELLE- ANGLETERRE 81 Loin de nous la pensée de chercher à dépricier les catholiques des États-Unis ! Ils' ont fait des œuvres admirables de foi et de dévouement. Au prix de mille sacrifices, avec une énergie de croyance digne de tout éloge, ces émigrés ont fini par user le vieux fanatisme puritain. Ils ont planté solidement la religion catho- lique dans un pays où, il y a un siècle à peine, le prêtre, considéré comme un malfaiteur public, était menacé de de prison et d'exil. Leur générosité a bâti des églises, des cathédrales qui rivalisent de splendeur avec les vieilles basiliques d'Europe. Mais la plupart de ces œuvres n'ont-elles pas été l'œuvre d'une génération qui, à défaut d'une langue nationale, gardait au moins pieusement dans le cœur les traditions et les mœurs de la vieille mère-patiii catholique ? Ces émigrés n'avaient pas encore subi l'in- fluence du protestantisme américain. Les écrivains reli- gieux de l'Amérique sont les premiers à le reconnaître. Durant de longues années, l'orgueil protestant ostracisa leurs compatriotes pauvres, méprisés, persécutés, mais aussi durant ce temps, ces émigrés ralliés autour de leurs prêtres, gardèrent vigoureuse la foi de leurs an- cêtres, et présentèrent à l'ennemi une phalange que rien ne put entamer. Ces jours d'épreuves furent des jours de triouq he pour les catholiques. Ils devinrent forts et fondèient partout des paroisses florissantes. ^2 LES CANADIENS- FRAÎfÇAIS * * * Aujourd'hui, les barrières sont tombées. La société américaine a ouvert ses portes aux fils de ces émigrés catholiques. Bien plus, elles les a élevés dans ses écoles publiques, invités à entrer dans ses cercles littéraires et même à s'enrôler dans des organisations politiques. L'unité de langue et d'éducation américaine favorisait sino-ulièrement cette conpénétration mutuelle dune société protestante et d'une société catholique. Elle s'est opérée, au moins parmi la jeune génération élevée aux États-Unis. Quels en ont été les résultats ? Prêtons l'oreille aux témoignages que des écrivains catholiques américains, nous donnent sur les consé- quences de cette américanisation rapide. La Catholic Review de New- York publiait le 4 juin 1887, un article intitulé : Ce que nous pourrons bientôt récolter. Nous y lisons ce qui suit : " Pendant un demi siècle on a jeté dans le sol ca- tholique de ce pays une semence dont le fruit mûrit maintenant et dont nous pourrons être appelés, d'un instant à l'autre, à faire la récolte. Pendant cinquante ans, les catholiques de ce pays ont vécu au centre même de la tradition protestante, sans écoles pour protéger leurs enfants, sans journaux pour protéger les parents contre les assauts répétés de cette tradition, contre sa DE LA NOUVELLE- ANGLETERRE 83 force pénétrante qui, sous mille formes, s'impose à l'at- tention de nos populations et altère leur bon sens et leurs affections." " Ce serait une folie de supposer qu'un peuple, quel- que solidement établi qu'il soit dans la foi, puisse dans de telles circonstances se garder complètement de tout erreur. Beaucoup ont été perdus pour la religion, beaucoup sont devenus tièdes sans ixnoncer tout-à-fait à la foi, et beaucoup d'autres ont tellement mêlé les enseignements de l'Eglise aux enseignements de l'erreur qu'ils sont devenus une source de danger pour le Catho- licisme en Amérique Si les protestants américains n'avaient pas traité les Catholiques avec mépris et haine ; s'ils ne les avaient pas ostracisés dans la société domes- tique, dans le monde des affaires et de la politique ; s'ils n'avaient pas fait de leur race et de leur croyance un sujet de moquerie et d'opprobre, la position du Ca- tholicisme ne serait pas aujourd'hui aussi avantageuse qu'elle est. Et malgré ses avantages, apparents et réels, nous sommes en ce moment entourés de difficultés et menacés à l'intérieur de nombreux périls qui pourront bientôt nous causer d'immenses pertes et de grandes souffrances " " La vieille génération, avec sa foi robuste et son esprit national fortement accusé, disparaît ; tandis que la jeune génération élevée dans les écoles publiques, pénétrée de la tradition protestante, nourrie de la lec- ture des journaux et des romans à sensation, veut être ar}iéricaine jusque dans ses vices. Elle n'entend parler de la foi que lors de la première communion et parfois dans un sermon assoupissant Que peut accomplir j^4 LES CANADIENS-FRANÇAIS une telle génénition ? . . . . Quels liens l'attachent à l'Eglise ? Les liens peu forts de la coutume et d'une croyance affaiblie dans ce que les ancêtres ont cru. Et encore ces liens sont-ils tendus au point d'être exposés à se rompre tout à fait." (Catholic Revietv,y^juin 1887) Le 3 août 1889, le même journal publiait un autre article remarquable sur le même sujet. En voici quel- ques extraits : " (3n discute beaucoup l'existence, parmi nos jeunes- crens cath(jliques, d'une indifférence déplorable à l'égard de la relio-ion. Et cependant peu de personnes sont en état de dire exactement quelle est l'étendue des rava,ges (ju'elle a causés. On fait, de temps à autre, l'assertion alarmante, quun très grand nombre de nos jeunes gens ne s'approchent jamais des sacrements après la première communion. On dit même qu'un tiers des lils de parents catholiques sont perdus chaque année pour l'Eglise. Cela est- il vrai ? . .." " Pour nous aider à former une opinion plus arrêtée sur l'étendue du mal, il est bon de considérer ciuelques faits inqjortants qui nous sont présentés par des publi- cistes catholiques. " " Ainsi, on affirme que la population catholique des États-Unis est aujourd'hui de dix millions. " Le regretté Mgr Lynch, archevêque de Toronto, dont l'autorité en pareille matière n'est surpassé par celle d'aucune autre personne, calcula, il y a dix ou quinze ans, que la population catholique des États-Unis, aurait dCi alors, par suite de l'immigration et de l'augmenta- tion naturelle, atteindre le chiffre d'environ seize mil- DE LA NOUVELLE-ANGLETERRE 85 lions. Sans doute, c'est là un calcul bien fait qui montre quelles pertes immenses nous faisons." " Sur les 10 millions de catholiques aux États-Unis, il y a, au moins, un million de garçons qui ont fait ou quâ vont faire cette année leur première communion. Et le tiers d'un million, c'est 333,000. ' " Pensez-y. Plus de trois cent mille jeunes garçons que l'Eglise catholique va perdre dans une seule année aux États-Unis. Et ces pertes durent depuis des années et dureront, Dieu sait combien de temps encore ! " (Catholic Revieiv, 3 août 1889) La Revue cite, dans une note, les paroles d'un mi- nistre protestant, le Rév. Fulton qui, le 19 octobre 1873, disait, se basant probablement sur les calculs de Mgr Lynch : " Il devrait y avoir aux États-Unis 17,000,000 de catholiques et il n'y en a que 5,000,000. Où sont-ils allés ? Ils se sont rangés sous le drapeau de notre glorieuse République ; et à cause de nos bibles, à cause de notre système d'écoles publiques, à cause de nos journaux et de notre politique, à cause de l'ensemble des influences libéralisantes du peuple américain, dix millions de catholiques romains sont sortis de l'escla- vage papal et participent au'ourd'liui avec nous aux glorieuses libertés de ce pays." (Catholic Review, o août 1889, note.) 86 LHS CANADIENS-FRANÇAIS Si rapide a été le mal, si effrayants ses ravages, que partout aujourd'hui les pasteurs des peuples sont k l'œuvre pour élever ou relever les barrières qui doivent protéger leurs troupeaux contre les entreprises de l'en- nemi. L'on ouvre des écoles paroissiales afin de trans- mettre aux enfants l'éducation, les mœurs, les traditions des ancêtres catholique'fe ; l'on décourage de toutes ma- nières les mariages mixtes, l'on fait les efforts les plus louables pour ranimer et réchauffer les sentiments qui peuvent rattacher le cœur des émigrés aux souvenirs et à la foi de la vieille patrie catholique. Et au moment même où les Evêques d'Amérique, effrayés par l'intensité du mal que l'assimilation amé- ricaine a causé à leurs ouailles, cherchent à raviver la flamme vacillante de la nationalité catholique, au moins dans son sens le plus élevé, des laïques du Congrès de Baltimore viennent parler aux Canadiens d'amalgama- tion et de fusion ! Ils dénoncent les efforts qu'ils font pour garder ce qu'eux, malheureusement, ont perdu ; la langue nationale et les coutumes nationales du vieux pays catholique ! lis voudraient voir tomber les rem- parts qui ont protégé jusqu'ici les Canadiens émigrés, contre l'envahissement des idées protestantes améri- caines ! Il y a eu là certainement, une ingérence regrettable en contradiction flagrante avec les idées et les ma- nières d'agir de l'Eglise catholique. DÉ M IfOtVELLÈ- ANGLETERRE 8 7 -*tMUe ne reconnaît ni Nord ni Sud, ni Est, ni Ouest " c'est vrai, sa charité est universelle, mais ce qui est vrai aussi, c'est qu'elle maintient et encourage tout ce qni peut contribuer à conserver la vie catholique au cœur de ses enfants : Or la langue, les traditions les sociétés nationales sont d'un puissant secours pour atteindre ce but. Les Canadiens-Français avaient donc le droit d'entendre de la bouche de leurs conéligion- naires d'autres paroles que cette condamnation étrange ; ' Les sociétés nationales comme telles n'ont pas de raison d'être dans l'Eglise de ce pays." (Congrès de Baltimore.) Cet Ukase américain du reste, loin d'être le coup de mort des Sociétés nationales, leur a, au contraire, com- muniqué une impulsion, une vie toute nouvelle. Rien de mieux pour mettr.e de l'entrain et de la vaillance dans le cœur d'un homme que de vouloir entraver ses désirs légitimes. Plus énergiques que jamais, les Canadiens- Français, ralliés autour de leur drapeau et de leur programme national, ont répondu à cette provocation malheureuse, en fondant des Sociétés nouvelles et en affirmant de plus en plus leur foi dans la devise patriotique " notre Religion, notre Langue et nos Mœurs." gg LES CANADIENS-FRANÇAIS CHAPITRE XI LES ÉMIGRÉS RESTENT-ILS RELIGIEUX ? Comment on fonde les paroisses aux Etats. — Le Bazar. — La grand'messe à l'église des Canadiens. — Plain-Chant et Mu- sique. — Les Sociétés de dévotion. — Les Dames de la Bonne Ste-Anne et la Ligue des Hommes. — Une grande mission.— Traits édifiants. —La réconciliation avec l'Eglise. " Ces émigrés, disait Mgr de Goesbriand, sont appelés " de Dieu à coopérer à la conversion de l'Amérique " comme leurs ancêtres furent appelés à planter la foi " sur les bords du 8t-Laurent." Voilà certes, une noble et grande mission ! Los Ganc- diens émigrés se mettent-ils en mesure de la remplir ? Gardent-ils, sur la terre étrangère, la foi ardente des vieilles paroisses du Canada ? On peut, je crois, juger des sentiments religieux d'un peuple par le zèle qu'il montre à bâtir des églises, par son assiduité aux offices divins, enfin par son empresse- ment à former des sociétés pieuses qui entretiennent 1h vie catholique chez les individus et dans les familles. Jugeons nos émigrés d'après ces règles. DE LA NOUVELLE- ANGLETERRE 89 *** Dans les Etats de lEst et le Nord de l'Etat de New- York, les Canadiens possèdent aujourd'hui 120 églises ou chapelles, desservies presque toutes par des prêtres canadiens et dans lesquelles la prédication et le minis- tère se font en français. Bon nombre de ces églises ont des dimensions de cathédrale et ont coûté de 60.000 à 100.000 piastres, comme celles de Holyoke, Woonsoket, Biddeford, Burlington, etc Toutes ces églises ont été construites en moins de vingt ans par de pauvres ouvriers chargés de famille, mais qui ont su prélever sur de modestes salaires de quoi bien loger le bon Dieu d'abord et son ministre ensuite. Voilà certes des chiiFres qui ont leur éloquence et qui rendent déjà un beau témoignage à la foi et à la géné- rosité de la race canadienne. Le Canadien, il est vrai, a sa manière à lui de donner pour son église et pour ses prêtres. Ne lui demandez pas d'un coup 10 piastres ou môme 5 piastres ; il ne pourrait pas, où du moins ne voudrait pas vous donner cette somme ; mais sollicitez une faible aumône, tout le monde contribuera ; puis revenez à la charge tant qu'il vous plaira, vous serez toujours bien accueilli. On obtient ainsi dés résultats étonnants. J'ai connu un prêtre qui avait organisé chaque dimanche des quêtes libres à domicile. Oii donnait 10 sous ou 5 sous, à volonté. A la fin de l'année, ce prêtre avait amassé de la sorte 15,000 piastres pour son église. 90 LES C AN ADIBNS- FRANÇAIS Cependant une question se pose, et il sera intéressant d'en chercher la réponse. Dans un pays où il n'y a ni taxes ni répartitions imposées par la loi pour la cons- truction des édifices religieux, comment donc trouver des ressources suffisantes pour bâtir des églises si vastes et si nombreuses ? Voici le procédé. Il peut être utile aux catholiques de Fi-unce de le connaître. *** Les Canadiens d'un centre manufacturier, se croyant assez nombreux pour fonder une paroisse séparée, pré- sentent une requête à l'Evêque. S'il agrée leur de- mande, il leur envoie un prêtre jeune, actif, zélé, qui, en arrivant, se loge où. il peut et comme il peut, puis se met à visiter les familles et à former un Comité d'action. On cherche d'abord un local provisoire pour les ex- ercices religieux. Ce sera ou quelque temple protestant abandonné, ou, le plus souvent, la salle publique de l'Hôtel de ville, que des municipalités protestantes mettent gracieusement à la disposition de la congréga- tion nouvelle, pour une redev^ance minime. C'est là que le service divin se fera chaque dimanche, en at- tendant que l'on ait construit une église. Ensuite, on organise un Bazar. Le Bazar ! Voilà le grand moyen du prêtre pour rapiasser l'argent nécessaire. Mais, certes, cq Éazar sera.unç terrible corvée pour le pauvre curé. A lui DE LA NOUVELLE-ANGLETERRE 91 d'abord de courir la ville pour raftiasser les objets qu'on mettra en loterie. A lui encore de distribuer les tables aux dames vendeuses. C'est là parfois une tâche assez délicate. Ces dames ont sans doute la meilieure volonté du monde, mais 'enfin, elles sont femmes, et la jalousie, le désir de faire plus d'argent que les rivales, se mettent assez souvent de la partie. Le prêtre doit tout pacifier, tout arranger, à la satisfaction générale. Enfin, tout est prêt, le Bazar commence. Disons-le, à la gloire des catholiques irlandais, ils patronnent généreusement ces œuvres pieuses, sans tenir compte de la différence de nationalité, et les pro- testants eux-mêmes viennent volontiers aussi dépenser leur argent au Bazar canadien. De huit heures du soir à minuit, le prêtre est là, gra- cieux et souriant pour tout le monde. Il encourage les vendeuses, stimule le zèle des acheteurs ; au besoin même, il fait un peu de police, quand l'enthousiasme de la foule prend des allures par trop bruyantes. C'est le grand ordonnateur, le capitaine qui conduit les opéra- tions, parfois aussi le juge qui décidé les points en litige, et met d'accord les contendants. Au coup de minuit, la foule se disperse, on compte la recette, et M. le curé, brisé de fatigue, mais joyeux de la bonne aubaine qu'il emporte sous le bras, rentre enfin dans son humble logis. Ces Bazars durent en général une quinzaine de jours, et les recettes sont de quelques milliers de piastres. Il y aura là de quoi acheter un emplacement pour la fu- ture église. 92 LES c/nadiens-français Après le Bazar, viennent les rafles, les soirées, les goûters, les pique-niques, etc. : une série non interrompue de manœuvres, petites et grandes, qui ont toutes pour but de faire tomber quelques piastres dans la bourse du curé bâtisseur. Au bout d'un an, on se met à l'œuvre et bientôt Notre-Seigneur est installé dans un sous-sol confortable qui, plus tard, sera l'école de la paroisse ; puis au fur et à mesure des ressources, l'édifice monte ot s'achève. C'est un beau jour pour les émigrés que celui où l'on fixe la croix au sommet de la flèche qui domine le monument. Désormais une nouvelle paroisse canadienne est fondée. Voilà comment, en moins d'un quart de siècle, les Canadiens des États de l'Est ont bâti les cent vingt églises qu'ils possèdent à l'heure présente. Il faut ensuite pourvoir à l'ameublement et à l'entre- tien de cette église, loger le prêtre et lui assurer un revenu convenable, enfin bâtir un couvent, ou du moins une école de paroisse. Ces braves gens trouvent moyen de faire face à tout. Quand il faut donner pour le bon Dieu, ils le font volontiers ; quand il s'agit de son mi- nistre, ils seront peut-être un peu plus regardants ; pourtant, pas un prêtre canadien ne peut se plaindre que son budget ne soit point honnête. Les moins favo- risés ne restent pas au-dessous d'un millier de piastres ; (5000 francs) plusieurs d'entre eux ont plusieurs mil- liers de piastres de revenu annuel. Y a-t-il beaucoup de curés de France plus largement traités? DE LA NOUVELLE- ANGLETERRE 93 * * * Voulez-vous maintenant voir un spectacle qui réjoui- ra votre cœur de catholique ? Allons entendre la grand'- messe à l'église des Canadiens-Français. A dix heures, l'église est envahie par une foule où les hommes ne se comptent pas. Les marches du sanc- tuaire sont réservées aux femmes âgées et aux petits enfants : touchant usage qui place ainsi le plus près de Notre-Seigneur le^deux extrêmes de la vie. Le chœur est plein d'enfants et de jeunes gens en surplis, car les Canadiens aiment beaucoup la pompe des cérémonies religieuses. Des hommes de bonne volonté, appartenant aux pro- fessions les plus diverses, prennent place au sanctuaire» heureux de mettre de belles voix au service de l'église. Le plain-chant exécuté par ces chœurs d'hommes, alter- nant avec les voix fraîches des enfants, vous saisira par sa grandeur et sa majestueuse simplicité. C'est bien là, en effet, le vrai chant du peuple catholique, la langue grave et suppliante, mais tout à la fois pleine d'espé- rance et d'amour, que l'Eglise de la terre doit parler à l'Eglise du ciel. Tous les fidèles qui remplissent la nef chantent le Gloria, le Credo et les autres morceaux liturgiques qu'ils apprirent dès leur enfance dans les vieux sanctu- aires du Canada. Il y a, dans ces simples et chères mélodies, une force 94 LES CA'KADIENS-FRANÇAIS mystérieuse mais puissante qui va jusqu'au fond de l'âme réveiller la foi endormie, et préparer le retour des égarés. Après de longs voyages, et peut-être aussi un oubli prolongé de ses devoirs religieux, un Canadien se retrouve enfin avec ses compatriotes à la grand'messe de paroisse ; il entend de nouveau ces chants d'église qui lui rappellent tout un passé de bonheur et de foi. Il ne résistera pas longtemps à l'émotion qui s'en dégage ; ses yeux se mouilleront de larmes ; il reviendra au Dieu de son enfance. Seuls dans les États de l'Est, les Canadiens chantent la messe en plaint-chant. Dans les autres églises, on a des chœurs de jeunes filles qui, incapables de soutenir le plain-chant, exécutent de soi-disant messes en musique. Ces bonnes filles font bien leur possible, on ne peut en douter ; mais, hélas ! que le résultat est loin d'être artistique ! Et surtout, qu'il est peu édifiant pour la piété des fidèles ! De braves ouvriers, des mères de famille, fort au courant de la tenue d'un ménage, mais très peu sensibles aux charmes de l'harmonie, sont con- damnés à subir, pendant plus d'une heure, des roulades, des cris perçants, des éclats de voix qui, loin d'aller au cœur, agacent les nerfs et provoquent fortement à l'im- patience. Le moyen de faire une prière au milieu d'un pareil brouhaha ? Est- il donc étonnant que nombre de catholiques aillent de préférence à une messe basse ? Là du moins, ils peuvent vaquer à leurs dévotions, sans êire troublés par tout ce tapage pompeusement décoré du nom de musique. DE LA NOUVELLE- ANGLETERRE 95 Le mal est réel. Il peut avoir pour la piété des fidèles les conséquences les plus funestes. Aussi, tout dernièrement, a-t-on essayé, en diverses églises améri- caines, d'introduire le plain-chant catholique. L'exemple des Canadiens ne sera certainement pas sans exercer une influence salutaire sur ce mouvement. La messe finie, les hommes se groupent devant la façade de l'église, on allume les pipes et l'on Jase. C'est le temps de se conter les faits divers de la semaine, de dire un mot aux amis, de faire connaissance avec les nouveaux arrivés. On se croirait vraiment dans quelque paroisse du Canada ou de la Bretagne. Les usages, les mœurs sont les mêmes. L'après-midi du dimanche sera consacrée aux diverses sociétés de la paroisse, Presque partout, en effet, on trouve des congrégations de la Sainte- Vierge pour les jeunes filles, et l'association des Dames de la Bonne- Sainte-Anne pour les mères de famille. La piété, du reste, n'est pas le monopole des femmes dans les paroisses ouvrières de l'Est. Ici, les hommes ne sont pas en retard sur ce point. J'en donnerai pour preuve la facilité avec laquelle s'est propagée parmi eux une association agrégée à l'Apostolat de la Prière, et qui se nomme la Ligue des hommes contre le blasphème et V intempérance. * Cette Ligue a pour but de maintenir l'esprit catho- lique dans les familles, par l'exemple et l'autorité de 96 LES CANADIENS- FRANÇAIS I leurs chefs, puis de combattre le blasphème et l'intem- pérance. Les membres promettent : 1" de communier au moins quatre fois l'an ; 2' de ne pas blasphémer et d'empêcher le blasphème ; 3' de ne pas aller boire a'ux auberges. Cette Ligue d'hommes, établie dans 104 paroisses, compte aujourd'hui plus de 38,000 hommes. Or, sur ce nombre, les États r Unis peuvent réclamer 14,000 membres, enrôlés dans 40 des plus populeuses paroisses canadiennes de l'Est. Ce résultat a été obtenu en cinq ans. Nos Ligueurs tiennent leurs promesses. Rien de plus édifiant que de les voir, les jours de communion géné- rale, s'approcher de la sainte table, au nombre de quatre ou cinq cents, ou bien encore défiler dans les rues de la ville, drapeau en tête, l'insigne du Sacré Cœur sur la poitrine, calmes et recueillis, se rendant en pèlerinage à quelque sanctuaire du voisinage. Les Américains, grands amateurs de ces démonstra- tions publiques, regardent avec intérêt et admirent. ne * Voilà déjà, je crois, des preuves assez concluantes de la vivaxîité de la foi et de la piété des Canadiens-Fran- çais aux États. Mais ce sera mieux encore si l'on prend la peine de suivre les exercices d'une grande mission. Ici on peut sans crainte annoncer des sermons pour lés hommes seuls. Tous les soirs, pendant quinze jours, DE LA NOUVELLE- ANGLETERRE 97 l'église se remplira d'une masse compacte. Outre que ces ouvriers sont foncièrement religieux, ils ont de plus un désir extraordinaire d'entendre parler. Pendant une heure, deux heures même, ils vous écouteront avec l'attention la plus suivie, pourvu toutefois que vos discours soient simples et pratiques, et que, suivant l'expression populaire, vous ne mettiez pas le râtelier trop haut. Le sermon fini, les confessions commencent pour se prolonger jusqu'à dix ou onze heures ; le lendemain matin, dès quatre heures et demie, ces braves gens seront encore à l'église pour entendre la messe et rece- voir la sainte communion. Dans ces missions, on voit souvent des actes vraiment héroïques. Des ouvriers font chaque soir de cinq à sept ' kilomètres à pied, en plein hiver, par des chemins défoncés, pour venir à la prière, comme ils disent. Un jour, un brave homme vient me trouver : " Mon Père, dit-il, je suis employé de chemin de fer ; j'ai demandé à me faire remplacer pendant la mission, on m'a refusé ; j'ai même été menacé de perdre ma place, si j'allais aux sermons. Mais après tout, j'aime mieux perdre ma placé que de m 'exposer à perdre mon âme, et je suis venu quand même." 96 LÉS CANADIENS-FRANÇAIS Un des fruits les plus consolants de ces missions, c'est la réhabilitation des mariages contractés devant le ministre protestant. Soit ignorance, et c'est le cas le plus ordinaire, soit aussi parfois à cause de quelques difficultés avec leur prêtre, un certain nombre de catholiques vont se marier devant le ministre, et encourent ainsi l'excommunication portée par le concile de Baltimore. Pour les réconcilier avec l'Eglise, on exige une réparation publique. Voici comment elle se fait : A la grand'messe, les coupables se présentent à la balustrade du sanctuaire, en présence de tous les fidèles. Le prêtre, en leur nom, demande pardon du scandale qu'ils ont donné ; il rappelle fortement les lois de l'Église sur le mariage ; puis, après avoir exhorté les assistants à être miséricordieux pour leurs frères, parce qu'eux-mêmes ont besoin de miséricorde, il bénit les coupables repentants et leur donne la sainte commu- nion. Il faut que la foi soit encore bien vive dans le cœur d'un peuple pour rendre possible une revendication aussi éclatante des droits de Dieu et de l'Église. Du reste, disons-le en toute justice, depuis quelques années, à la suite de ces pénitences publiques le nombre des mariages catholiques devant le ministre a considé- rablement diminué, sinon entièrement disparu, dans les paroisses canadiennes. Voilà donc ce qu'est, au point de vue religieux, ce peuple d'émigrés qui, en un quart de siècle, a envahi les DE LA N0I3TELLE-ANGLETERRE 99 États de la Nouvelle-Angleterre. Sur le sol étranger, il a reconstitué la vieille paroisse canadienne, sa consola- tion et sa force ; il garde sa foi, ses traditions catho- liques et jusqu'à ces pieuses associations qui nourrissent et développent la vie chrétienne. Il y a bien là, comme ailleurs, les misères inséparables de la nature humaine ; ces paroisses ne sont pas toutes également ferventes, les Canadiens émigrés ne sont pas tous des catholiques exemplaires, j'en conviens ; mais je ne crains pas d'être taxé d'exagération, en affirmant que, prises dans leur ensemble, ces paroisses peuvent soutenir la comparaison avec les meilleures paroisses ouvrières des villes du Canada. CHAPITRE XII LE PRÊTRE CANADIEN ET LE COUVENT La besogne du prêtre le dimanche et sur semaine. — Le prêtre Juge en Israël. — Le prêtre administrateur. — Le prêtre chef officiel. — Ce que pr<)duit sa présence dans les centres •Canadiens. Si l'on me demande à qui sont dus ces résultats si consolants, je réponds sans hésitation : Au prêtre cana- dien et au couvent canadien. A cet égard, la Providence a merveilleusement servi les émigrés. Elle leur a donné des prêtres zélés, pieux, 100 LES CANADIENS-FKANÇAIS vaillants au travail, habiles à manier les esprits, doués en général d'une aptitude étonnante pour les affaires temporelles et l'organisation de ces paroisses où il fallait tout créer. Ce n'est pas un compliment banal que je fais ; c'est un hommage sincère, un témoignage de jus- tice que je rends à la vérité. Quand on a vu de près les obstacles qu'il y avait à surmonter, on reste vraiment surpris d'un succès aussi complet. Des 120 paroisses canadie^lnes, fondées en vingt ans dans les villes de l'Est, souvent dans des con- ditions où personne ne pouvait croire à la réussite, pas une n'est tombée, pas une ne s'est trouvée dans des embarras financiers un peu sérieux. Partout, au con- traire, la paroisse canadienne s'est consolidée, partout elle prospère. Dans nombre de villes, il est question de donner à l'église-mère une ou deux succursales pour subvenir aux besoins religieux des Canadiens qui arri- vent et s'établissent *** Si important est le rôle du prêtre Canadien aux États- Unis, que je crois devoir lui consacrer un chapitre spécial, afin que l'on puisse mieux apprécier les services que ces vaillants missionnaires rendent à leurs compa- triotes émigrés. Sa situation est fort complexe. Pour réussir, il lui faut un ensemble de qualités qu'il est parfois assez diffi- cile de trouver unies dans un seul homme. DE LA NOUVELLE- ANGLETERRE 101 Le prêtre aux États doit avoir un cœur d'apôtre, ur.e tête d'homme d'affaire, la prudence et le calme d'un magistrat qui connaît de toutes les causes, enfin l'éner- gie d'un chef de peuple qui, au besoin, sait défendre les intérêts de ses administrés et réclamer leurs droits. Comme curé de paroisse, le prêtre dit généralement deux messes le Dimanche, ou dans son église ou dan^ une mission, parfois distante de 6 à 10 milles. Il prêche aux deux endroits. La messe finie, il perçoit la rente des bancs, répond aux difficultés des paroissiens, puis fait le cathéchisme aux petits enfants. Le prêtre canadien, en effet, ne se contente pas, comme c'est souvent la coutume aux Etats, de faire enseigner la religion par des jeunes gens et des jeunes filles de bonne volonté. Fidèle aux traditions de la vieille France et du Canada, il se charge lui-même de cette tâche fatigante, il est vrai, mais si pleine de conso- lation pour le cœur du prêtre, et si féconde en fruits de salut. L'autorité de sa parole fera pénétrer les vérités éternelles dans ces jeunes âmes, à des profondeurs que les passions atteindront difficilement dans la suite. La foi restera malgré tout, et. un jour, cette foi provoquera le remords et le repentir. De plus, cet enseignement personnel, établit entre le pasteur et les enfants des liens d'affection, de religieuse confiance que les années ne feront que resserrer. Le Canadien se souvient 102 LES CANADIENS- FRANÇAIS toute sa vie, du prêtre qui lui enseigna le cathéchisme, comme aussi, du jour de soleil et de paix céleste qu'on nomme le jour de la première communion. Cette cérémonie se fait toujours avec une grande solennité dans les églises canadiennes. Dieu sait les larmes de joie qu'elle fait couler des yeux des mères, et les remords salutaires qu'elle réveille au fond de cœurs coupables, mais qui se souviennent alors des jours d'innocence d'autrefois. Durant la semaine, les occupations ne manquent pas. Il faut entendre les confessions de dévotion, toujours nombreuses chez les Canadien.-^, visiter les malades et enfin surveiller les écoles de paroisse. Si le prêtre veut, en effet, que ces écoles, réussissent, il doit s'en occuper activement, et paraître au moins une fois la semaine, dans les classes des petites filles et surtout des petits garçons, pour soutenir l'autorité des bonnes sœurs et rappeler aux insoumis l'efficacité d'une correction toute paternelle. Gardien de la moralité publique, s'il y a quelque désordre dans la paroisse, c'est au prêtre que l'on s'adressera pour le faire disparaître. Confident des familles, conseiller universel, si quelque ménage est en désaccord, si une mère de famille a du trouUc avec ses enfants ou avec ses vois'nes, ce sera au DE LA NOUVELLE- ANGLETERRE 103 prêtre a rétablir la paix et l'union. A M. le curé encore, l'on apportera les petits enfants malades, pour qu'il les guérisse, ou du moins les soulage par ses prières. En un mot, on lui dit tout, on le consulte sur tout ; pour ses paroissiens, le prêtre canadien est un véritable juge en Israël. Ce rôle est touchant, sans doute, mais il exige de la part du prêtre, une patience et une charité à toute épreuve. A tout ce monde, il faut faire bon visage, avoir une parole de bienveillance pour chaque visiteur, prendre bien garde surtout, de ne pas froisser par des manières trop brusques, la naïve confiance de pauvres femmes, toujours un peu longues, naturellement, dans leurs con- fidences. Il lui faudra aussi connaître à fond les mœurs et les habitudes de ces braves gens, pour donner des conseils efficaces et mettre un peu de baume sur des cœurs parfois profondément ulcérés. Un prêtre cana- dien réussira dans cette mission délicate, un prêtre, étranger aux mœurs de ces émigrés aurait-il le même succès ? Chef officiel du culte, le prêtre est encore administra- teur unique de tous les biens temporels de sa paroisse. Il n'y a pas de fabriques paroissiales aux Etats. Le curé gère toute les propriétés ecclésiastiques, il passe les contrats pour la construction des églises ou couvents, surveille les travaux, perçoit la rente des bancs, et admi- 104 LES CANADIENS- FRANÇAIS nistre en toute indépendance les revenus de l'église. Une fois l'an, seulement, il doit rendre compte de l'état financier de sa paroisse, à l'Evêque et aux paroissiens. Cette situation, tout en favorisant la liberté d'action du pasteur pour les œuvres nouvelles qu'il désire créer, lui impose en même temps une charge bien pénible, surtout dans les grandes paroisses, et lui fait encourir une responsabilité, qui n'est certes pas exempte de périls. Ce ne sera pas assez pour lui, d'être un prêtre pieux et zélé, il faudra encore qu'il possède les qualités d'un administrateur temporel sage et prudent. Les Canadiens sont généreux pour leurs églises, j'en conviens, mais ils ont toujours au cœur, le souvenir des vieilles fabriques du Canada. Il faut bien le reconnaître, ce n'est pas sans quelque difficulté qu'ils se soumettent à la discipline qui régit les paroisses de la Nouvelle- Angleterre. Ils aiment à savoir où va leur argent. Si donc le pasteur néglige de leur donner un état satisfai- sant des finances de l'église, et de l'emploi qu'il en a fait, les murmures ne tarderont guère à se faire entendre, et les revenus diminueront dans la même proportion. Les paroisses canadiennes aux Etats-Unis forment, pour ainsi dire, des colonies distinctes, au milieu de populations différentes de langage et d'habitudes sociales. Ces émigrés récemment installés aux États, se sentent pas mal dépaysés, au milieu des Américains DE LA NOUVELLE -ANGLETERRE 105 protestants. Ce sont des groupes d'hommes qui ont besoin d'un chef, des catholiques à qui il faut un pas- teur. Le prêtre seul a les qualités nécessaires pour réunir ces éléments épars en un faisceau solide et résis- tant. Seul aussi, il peut, par son influence morale, faire contrepoids à l'autorité suprême des agents de fabriques, et prévenir ou supprimer, en grande partie du moins, les causes de troubles entre les employés et les patrons. Au temps de la conquête, le curé canadien parvint à conserver à son peuple sa langue et son autonomie nationale, malgrés les assauts répétés des races anglo- saxonnes qui cherchaient à l'entamer et à le détruire. La forte organisation de la paroisse sauva la nationalité canadienne, en ces jours d'épreuve. La même force la maintient et la maintiendra longtemps je l'espère, au milieu des populations protestantes des États-Unis. * L'arrivée d'un prêtre canadien dans un centre indus- triel, produit en peu de temps, des changements mer- veilleux. Les Canadiens isolés jusqu'alors, se connais- sant à peine, se rallient autour du chef qui leur inspire confiance, et bientôt, Ton s'occupe avec ardeur à élev^er la citadelle qui gardera la langue, la religion et la nationalité, l'église canadienne catholique. Nombre d'hommes oublieux jusqu'alors de leurs devoirs de chrétiens, reviennent au Dieu de leur enfancef les dé- sordres cessent, la jeunesse se discipline, elle prend des 106 «s €S«lâT5a5If«-FRAN<;AIS allures respectables, le quartier canadien qui, assez sou- vent, jouissait d'une réputation peu enviable, devient très vite calme et rangé. Témoins de ce changement, les Américains sont les premiers à en exprimer leur étonnement, et à féliciter le pasteur de l'heureuse influence qu'il exerce sur ses compatriotes. On le voit, elle est noble et féconde en fruits de salut la mission que le prêtre canadien remplit aux États près de ses concitoyens émigrés. CHAPITRE XIII LE COUVENT CANADIEN Pourquoi des couvents canadiens ? — Leur nombre. - Pensionnats et Académies. — Dangers des couvents mixtes. — Ce qu'en pense un prêtre canadien. Pour l'aider dans sa mission religieuse et patriotique, le prêtre a un auxiliaire précieux, le couvent. C'est après l'église, ou, mieux encore, avec l'église, la citadelle qui gardera la religion et la langue des émigrés. Ainsi dès que la paroisse est organisée, le premier soin du pasteur et des paroissiens, est-il de songer à l'éducation des enfants. " Il nous faut un couvent, ou du moins une b(^ne école paroissiale française. " m O m m O o r- m a m DE LA NOUVELLE- ANGLETERRE 107 Tout s'est uni pour faire entrer cette idée profondé- ment dans la têfce et dans le cœur du Canadien ; des "écoles publiques hostiles à leur foi et à leur nationalit*^, les efforts des Américains pour s'emparer des enfants et les angliciser la guerre ouverte qu'on leur a faite en certains quartiers, tout cela, dis-je a eu pour résultat, de faire inscrire en tête du programme national, la création do couvents ou d'écoles de paroisse françaises. Les prêtres canadiens n'ont pas rencontré, sur ce terrain, les obstacles qui, si souvent, ont entravé les efforts de leurs confrères de lanmie anorlaise. En Canada, les Canadiens accoutumés à payer pour l'éducation de leurs enfants, ne trouvent pas étrange qu'on leur demande de l'argent pour bâtir des couvents et les soutenir. De plus, les sociétés de St. J. B. qui, dans chaque centre, représentent bon nombre de citoyens influents et actifs, ont fait noblement leur devoir. Elles ont efficacement aidé le prêtre à bâtir couvents et écoles, prouvant ainsi la sincérité des décla- rations qu'elles a\'aient faites dans les conventions nationales. Enfin, concours précieux et irrésistible, les femmes furent les plus ardentes à pousser à l'œuvre. Avoir des bonnes sœurs pour élever leurs enfants, était bien, il est vrai, le premier mobile de leur ardeur, mais, de plus, il y en avait un autre qui, certes, n'est pas à dédaio^ner. Le couvent est, dans la paroisse, un centre de réunion et de consolation très apprécié. Il s'y fait encore plus de confidences qu'au presbytère. Tout le monde étant ainsi d'accord, on se donna 108 LES CANADIENS-FRANÇAIS vaillamment la main, et bientôt les résultats dépas- sèrent les espérances les plus audacieuses. Malgré des charges pesantes pour la construction des églises et des presbytères, les Canadiens émigrés ont bâti, à l'heure qu'il est 50 couvents la plupart fort beaux et d'une valeur de 10,000 de 15,000 et même de 20,000 piastres. Plusieurs autres encore sont en voie de cons- truction et seront ouverts prochainement. Là où le pasteur n'a pu établir des religieuses canadiennes, — elles ne peuvent suffire à toutes les demandes, — on a du moins à côté de l'église, l'école paroissiale où l'enseigne- ment se donne en français. Ces couvents et écoles de. paroisse, d'après des rap- ports sérieux, donnent actuellement une éducation catholique et française a plus de 30,000 enfants. Les Evêques américains témoins de ces résultats étonnants, ont été les premiers à féliciter les Canadiens de leur zèle pour les écoles, et à les proposer comme modèles aux autres paroisses de leurs diocèses * * * Le couvent canadien-français sera donc avec l'église, la citadelle puissante qui gardera aux émigrés leur reli- gion et leur langue. Là se formeront les jeunes lilles qui devenues plus tard des mères de famille, parleront le français au foyer domestique et le feront parler à leurs enfants. DE LA NOUVELLE- ANGLETERRE 109 C'est par la femme que se garde la langue nationale. Tant que la mère canadienne se servira de la langue française pour faire passer les sentiments de son cœur dans le cœur de ses enfants, la nationalité demeurera intacte. Les influences extérieures ne réussiront jamais à effacer entièrement les traces de cette formation maternelle. L'enfant devenu un homme se souviendra toute sa vie, de la langue que lui parlait sa mère. Les couvents canadiens ont donc aux Etats-Unis une œuvre essentiellement patriotique à remplir. Ces essaims nombreux de religieuses qui chaque année, quittent la ruche canadienne, pour venir peupler les couvents de la Nouvelle-Angleterre, sont les anges gar- diens chargés de conserver aux émigrés les deux trésors précieux qu'ils emportent avec eux sur la terre étran- gère : la religion et la langue. Mais pour remplir cette grande mission, il faut que le couvent reste toujours et avant tout, essentiellennent canadien- français, dans son enseignemient et dans ses allures. Les écoles paroissiales ne perdront jamais ce caractère distinctif, je le sais. En sera-t-il ainsi des pensionnats et des académies qui montrent une tendance très pro- noncée à s'établir partout dans les centres canadiens ? N'y aurait-il pas là un danger sérieux pour l'avenir ? Ce danger ne fait encore que de naître, c'est vrai, mais cependant il est à propos, je crois, de le signaler fran- chement. Il pourrait avoir bientôt des conséquences désastreuses pour la cause nationale des émigrés. 110 LES CANADIENS-FRANÇAIS Dernièrement, l'on demandait à un prêtre qui suit avec intérêt le développement canadien aux Etats, s'il voyait de bon œil cette multiplication rapide des acadé- mies et des pensionnats. — " Non répondit de suite ce prêtre, et si l'on n'y prend garde, j'y vois au contraire, une cause sérieuse d'affaiblissement pour la nationalité canadienne." " Voici mes raisons : " Ces pensionnats déjà trop nombreux, voudront naturellement vivre et prospérer. Or les bonnes sœurs, ont le sait, sont d'une ardente ambition pour le bien. Il faut des élèves, et beaucoup d'élèves, si cela est possible. Ne pouvant donc remplir leurs couvents avec de jeunes canadiennes, que feront-elles ? Elles chercheront à y attirer les Américaines, c'est-à-dire que ces académies deviendront des couvents-mixtes, et l'on se verra en face d'une situation qui, en règle générale, est fatale aux Canadiens. Bientôt, en effet, l'Académie, française de nom, ne sera plus en réalité, qu'une école en grande partie, anglaise de langue d'éducation et de manières." " Que deviendront nos petites canadiennes dans un pareil milieu ? " " Subissant l'influence de leurs compagnes anglaises, souvent plus riches, plus mondaines et plus nombreuses, elles sortiront de ces académies bien plus américaines que canadiennes-françaises. Quelques années plus tard, tout cela finira par un mariage mixte et l'abandon dans les familles aisées des mœurs et de la langue française." DE LA NOUVELLE-Aijraï.JE^«llUJ: XII * Qu'il y ait aux États, quelques pensionnats pour les familles plus fortunées, très bien, mais que ces pension- nats restent, avant tout, Canadiens-Français dans leur enseignement et dans leurs traditions. Autrement, ils deviendront un des instruments les plus funestes pour battre en brèche, la cause de la nationalité Canadienne- Française, aux Etats-Unis. Si j'avais un conseil à donner aux pati-iotes Cana- diens, je leur dirais franchement : " Croyez-moi, envoyez de préférence vos enfants dans '' quelque bon couvent du Canada. Vos filles y recevront '' une éducation soignée mais pratique. Elles y garde- " ront leurs habitudes simples et modestes, et vous " reviendront un jour, catholiques et Canadiennes-Fran- '' çaises jusqu'au fond du cœur. Vous n'aurez pas à " craindre de voir votre langue et vos mœurs disparaître '' du foyer domestique." " Voilà ce que je pense de la question." Ce prêtre avait-il raison ? Que ses vénérables con- frères des États-Unis, qui voient de leurs yeux les résultats de ces couvents mixtes, répondent. ^ 1. Certains couvents du Canada n'ont-ils rien à se reprocher sur co point ? Avec les nombreuses élèves que des circulaires et des agences partfculières, recrutent chaque année aux Etats, ces pensionnats maintiendront-ils parmi les jeunes canadiennes-françaises, les mœurs catholiques et les traditions patriarcales des ancêtres ? 112 LES CANADIENS-FRANÇAIS CHAPITRE XIV LES CANADIENS ONT-ILS UN AVENIR AUX ÉTATS Double réponse. — L'Américain nie.— Le Canadien affrme. — Qui a raison î — Les forces des Canadiens. — La Religion et la Langue. — Les prophètes américains. — Dans 20 ans on ne parlera plus français. La race canadienne-française a-t-elle un avenir aux États-Unis ? Ce demi -million d'émigrés peut-il raison- nablement espérer de garder sa langue, ses mœurs, son identité, au milieu des races américaines qui l'entourent, ou doit-il, dans un avenir plus ou moins rapproché, être absorbé au sein de la grande République, comme le fleuve dans l'océan ? A cette question, on fait des réponses contradictoires. Les uns affirment, les autres nient ; ehacun parle selon les désirs de son cœur ou les inspirations de son patrio- tisme. L'Américain, lui, n'a pas l'ombre d'un doute : Le peuple canadien doit disparaître comme peuple distinct. La génération élevée aux États sera américaine de langue, de cœur et d'habitudes. Voyez les Irlandais et les Allemands qui nous arrivent ici. Leurs enfants s'américanisent avec une grande facilité. Il en sera ainsi des Canadiens. Nous avons foi dans la puissance DE LA NOUVELLE- ANGLETERRE 113 d'assimilation de la grande fédération américaine. De tous ces éléments divers, elle formera une masse homo- gène, un seul et même peuple : le peuple américain. Mais les Canadiens sont fort peu disposés à accepter ce jugement comme définitif. Nous avons, disent-ils, une force de résistance que vous n'appréciez pas à sa juste valeur. Tout en restant loyalement respectueux des institutions et des lois de notre patrie d'adoption, nous sommes pourtant bien résolus de garder dans notre vie privée notre langue, nos mœurs et surtout notre religion, c'est-à-dire de rester Canadiens-Français. L'Anglais, depuis plus d'un siècle, a essayé de nous angliciser, il n'a pas réussi ; les Américains ne réussiront pas davantage. Laquelle de ces solutions est la plus probable ? Avant d'aborder directement cette question, voici quelques remarques qui, en la précisant, nous aideront à la résoudre : V II y a au moins 200,000 Canadiens émigrés dans les Etats de l'Ouest. Ils forment çà et là des agglomérations considérables, mais comme ces centres sont séparés les uns des autres par de grandes distances, qu'ils n'ont que peu ou point de prêtres canadiens et d'écoles parois- siales, que la loi âiunijication obligatoire dont nous avons parlé leur a été appliquée dans toute sa rigueur, ces Canadiens paraissent avoir peu de chances de stabi- • 114 LES CANADIENS- FRANÇAIS lité. La solution américaine pourrait bien être pour eux la véritable. A la première, ou du moins à la seconde o-énération, ils seront fondus dans la masse américaine. Puissé-je être faux prophète ! J'en serais enchanté. 20 La même prévision semble devoir s'appliquer aussi aux Canadiens émigrés dans les grandes villes comme Boston, Chicago, New-York. Dispersés aux quatre coins de la cité, obligés, par les exigences de leur travail, de changer sans cesse de domicile, faisant élever leurs enfants dans les écoles publiques, soustraits à toute influence du prêtre, com- ment ces hommes garderaient-ils leur langue et leurs mœurs ? Peut-on même espérer que leurs enfants con- serveront leur religion ? Des efforts louables ont été faits pour venir en aide à ces Canadiens des grandes villes. Ils ont maintenant des églises à eux et des prêtres canadiens pour les desservir. Espérons que l'avenir sera pour eux meilleur que n'a été le passé ; mais inalgré tous les efforts des prêtres les plus dévoués, la position la plus dangereuse pour un Canadien au point de vue de la nationalité et de la religion sera toujours d'émigrer dans les grandes villes américaines. 3" Je considère aussi comme très critique, au point de vue de la langue et de la nationalité, la situation des Canadiens dans les paroisses mixtes. L'école paroissiale, s'il y en a une, est nécessairement anglaise : on n'y enseigne pas le français, les enfants ne parlent qu'anglais entre eux ; la prédication se fait DE LA NOUVELLE- ANGLETERRE 115 ordinairement, sinon exclusivement, en anglais ; les Canadiens ne résisteront pas à ces influences multiples. Ceux-là aussi deviendront Américains, à moins qu'ils ne parviennent à former une paroisse distincte. Voilà le travail d'élimination terminé, et la question nettement dégagée. On voit maintenant de qui nous parlons, quand nous nous demandons s'il y a un avenir pour les Canadiens des Etats ? Ces 400,000 émigrés, groupés en paroisses dans les centres manufacturiers de l'Est, ont-ils quelque espoir de demeurer un peuple ? Il serait téméraire, je crois, de donner actuellement une réponse positive à cette question, car la situation des émigrés pourrait être profondément modifiée par des événements qui sont encore le secret de la Pro- vidence. Mais, en supposant que l'état de choses actuel continue encore pendant un temps assez considé- rable, je pense que les Canadiens ont des chances fort sérieuses de se maintenir aux États-Unis, comme race distincte, et de garder leur langue, leur religion, leur nationalité. Ils possèdent, en effet, trois forces qu'il sera difficile de détruire. l" la paroisse catholique, avec son église et son école française. 2*^ des mceurs sociales qui ne se prêtent guère à l'assi- milation am''ricaine. 116 LES CAÎîADIENS-FRANÇAIS 3o enfin, une position géographique qui les aidera fortement à conserver leurs idées nationales, et leur permettra toujours de réparer facilement les pertes par- tielles qu'ils feront aux États. Examinons de plus près chacune de ces forces. *% La religion et la langue sont les deux gardiennes naturelles de la nationalité d'un peuple. Tant qu'elles subsistent, la nationalité demeure, au moins dans le sens le plus élevé du mot. Or, les Canadiens des États n'ont reculé devant aucun sacrifice pour conserver leur religion et leur langue, et l'on sait quel succès a cou- ronné leur persévérance. Le passé peut servir de garant pour l'avenir. Ce qu'ils ont fait pour leur religion, nous l'avons dit plus haut et nous n'y reviendrons pas. Quant à la langue, il est bien vrai que l'anglais et le français sont mis sur le même pied dans les écoles de garçons. C'est une nécessité de situation. Mais pour les filles, le fran- çais a décidément le pas sur l'anglais ; ce qui est très sage. La langue d'un peuple, en efiet, se conserve surtout pur les femmes, car l'enfant parle la langue de sa mère. Tant que la femme canadienne restera Fran- çaise, ses enfants aussi resteront Français. Les garçons élevés aux États apprendront l'anglais pour le commerce et les relations sociales, mais le français demeurera la langue du foyer domestique et des relations intimes de la famille. DE LA NOUVELLE-ANGLETERRE 117 Les Conventions nationales ont donc eu grandement raison de donner comme mot d'ordre aux Canadiens : *' Au dehors, l'anglais pour les affaires, mais à la maison, rien que du français." * * Voilà une première force de résistance avec laquelle les partisans de l'assimilation américaine auront à compter. Pour préparer la fusion qu'ils rêvent, il faudrait d'abord supprimer l'usage de la langue française, sinon dans les familles, ce qui serait impossible, au moins dans les couvents et les écoles paroissiales. Or, ce serait là organiser une persécution légale, en contradiction fla- grante avec les principes de liberté si chers aux Amé- ricains, et qui, de plus, constituerait un odieux attentat aux droits imprescriptibles des pères de famille. Un certain nombre de fanatiques seraient prêts, je le sais, à essayer de ces moyens violents ; Boston nous l'a prouvé dernièrement. Mais les catholiques sont devenus et trop nombreux et trop forts pour qu'un pareil système ait des chances de succès durable, et d'ailleurs, la masse des Américains, fidèles à l'esprit de la Constil- tution, ne semble nullement disposée à suivre dans cette voie les derniers tenants du vieux puritanisme protes- tant. Allons plus loin. 9 118 LES CANADIENS- FRANÇAIS Supposons, pour un moment, qu'une loi tyrannique supprime la langue française dans les couvents et les écoles paroissiales ; il restera toujours aux Canadiens la principale citadelle de leur nationalité : l'église, où tout le ministère se fait en français. Là, du moins, ils seront chez eux, la loi devra s'arrêter à la porte de cette forteresse. Une seule autorité pourrait forcer cette porte et imposer silence à la langue française dans l'église : ce serait l'autorité religieuse. Est-il à craindre qu elle porte jamais un coup aussi sensible à des cœurs catholiques ? L'autocratie russe peut se permettre de telles fantaisies contre de pauvres Polonais, mais l'Église catholique a toujours tenu à hon- neur de respecter, et de protéger les droits légitimes de ses enfants. — Les circonstances elles-mêmes nécessiteront ce chan- gement, répondent les partisans de la fusion. Les géné- rations élevées aux Etats parleront anglais de plus en plus. Le prêtre sera bien forcé de se servir de cette langue s'il veut être compris de ses paroissiens. — Êtes-vous bien sûrs qu'il en sera ainsi ? Voilà vingt ans que vous faites cette prédiction^ C'est au nom de cette idée que vous vous êtes opposés à la formation de paroisses canadiennes, de sociétés canadiennes, même aux prédications françaises. Quel a été le résultat ? Le résultat, c'est que, plus que jamais, on parle fran- çais dans les nombreuses paroisses exclusivement cana- diennes des États. L'opposition a stimulé l'énergie des émigrés. Des journaux français se sont fondés pour DE LA NOUVELLE-ANGLETERRE 119 soutenir ces idées patriotiques, et à la tête de toutes ces forces, les dirigeant et les rassemblant en un faisceau solide, sont les prêtres canadiens, qui partagent en tout les idées et les aspirations de leurs concitoyens. Voilà le résultai). ' Il est, vous le voyez, quelque peu en contradiction avec vos prophéties de fusion rapide. Les émigrés des paroisses mixtes succomberont peut-être, pour les raisons que j'ai données plus haut ; mais dans les grands centres canadiens, et ils sont nombreux, les jeunes gens, entourés de tous ces secours, n'oublieront pas de sitôt la langue et les traditions de leurs ancêtres. Qu'on me permette d'apporter ici le témoignage de ma propre expérience. Voilà dix ans que je donne des missions aux États. J'ai parcouru presque tous les centres canadiens de l'Est. Eh bien ! c'est à peine si çà et là j'ai rencontré quelques jeunes gens qui préféraient se confesser en anglais, et ces jeunes gens venaient justement des centres où il n'y avait pas d'école canadienne. Mais partout et toujours, sauf ces rares exceptions, je n'ai eu à prêcher et à confesser qu'en français, 120 LES CANADIENS-FRANÇAIS CHAPITRE XV FORCES DES CANADIENS (suitc) Deuxième force : Différence de caractères.— Le Français et l'Anglo- Saxon. — L'attaque du Congrès de Baltimore. — Réponses de V Indépendant et du Travailleur. — Troisième force.— Position géographique du Canada.— Réponse à M. Tujague. Une autre force qui aidera beaucoup les Canadiens à se maintenir comme race distincte aux États, c'est, si je puis m'exprimer ainsi, l'accentuation très prononcée du type et du caractère français. F Ces émigrés sont des Français de vieille souche : Français d'allures, de coutumes, de mœurs sociales ; Français dans leurs affections, comme aussi dans leurs haines. Vous retrouvez chez eux la vieille paroisse fran- çaise telle qu'elle existait avant la Révolution, et telle qu'elle existe encore aujourd'hui dans les provinces que la tempête révolutionnaire n'a pas réussi à bouleverser. Or, le caractère français est juste aux antipodes du caractère anglo-saxon-américain. Autant l'un est gai, expansif, sans souci, compatissant pour les misères d'autrui, prêt aux sacrifices les plus généreux, autant l'autre est froid, concentré, calculateur et égoïste. Il n'est donc pas à craindre que, avant bien longtemps. Canadiens et Américains s'amalgament ensemble. DE LA NOUVELLE- ANGLETERRE 121 * i * Les Canadiens-Français se fusionneront-ils avec les Irlandais-Américains catholiques ? Pour qui connaît la différence d'humeur et de vues qui existe entre ces deux races, il est évident que la fusion est chose fort peu ^probable. Ces deux peuples, unis dans la même foi, devront à l'occasion se donner ]a main pour combattre un ennemi commun ; mais là se bornera leur alliance. Au lieu de tourner vers un centre commun, leurs routes ont, au contraire, une tendance très prononcée à prendre des directions divergentes. Chose singulière, cette incompatibilité de vues et de caractères a été précisément la cause principale de la formation de paroisses séparées pour les Canadiens. Elle a plus contribué à stimuler leur ardeur pour bâtir églises et couvents, que n'auraient pu faire les exhorta- tions religieuses et patriotiques les plus véhémentes. Lés efforts tentés pour préparer leur union n'ont abouti qu'à mettre davantage en relief l'antagonisme entre les deux races. *** Dernièrement, le congrès catholique de Baltimore s'est occupé d'une façon tout à fait inattendue de ces 122 LES 'CANADIENS-FRANÇAIS 400,000 Canadiens de l'Est. Parlant des sociétés natio- nales, le congrès formula son opinion en ces termes : Ces sociétés devraient être organisées dans un but religieux et non pas dans un but national ou de race. Il faut toujours se rappeler que l'Eglise catholique ne reconnaît ni Nord, ni Sud, ni Est, ni Ouest, ni race, ni couleur. Lts Sociétés nationales, comme telles, n'ont pas de raison d'être dans l'Eglise de ce pays ; à l'instar de ce congrès, elles devraient être catholiques et américaines. Le Canadiens crurent voir dans ces paroles une attaque directe et non motivée contre leurs sociétés nationales de Saint-Jean-Baptiste. Tous les journaux français des États protestèrent contre cette ingérence malencontreuse, avec une vivacité d'expressions qui, mieux que tout ce que je pourrais dire, montrera quelle profonde séparation l'esprit de race met entre les Cana- diens-Français et les Irlandais- Américains. *** L'Indépendant de F a\\ River, l'un des journaux cana- diens les plus importants des États, écrivait en date du 22 novembre 1889 : Il est évident que le Congrès de Baltimore a outrepassé les bornes de sa compétence lorsqu'il a décrété que les Sociétés nationales n'avaient pas leur raison d'être dans l'Eglise catholique aux Etats-Unis. Nonobstant la déclaration que l'Eglise ne oc»nnaît ni Nord ni Sud..., il estabs r le de croire que PEglice, comme corps religieux. DE LA NOUVELLE- ANGLETERRE 123 s'intéresse à l'assimilation, à l'effacement ou à l'homogénéité dea races, que ce soit aux Etats-Unis ou ailleurs... Nous protestons donc contre ceux qui, par leur position et leur influence, cherchent à nous faire disparaître comme race, et qui, sous le prétexte d'une archiloyauté, commandent aux autres de faire ce qu'ils ne voudront jîimais observer eux-mêmes. Que les catholiques anglologues deviennent plus américains que les knoîo-noihings américains eux-mêmes, qu'ils se prosternent devant le pouvoir de la majorité, qu'ils deviennent les instruments du servilisme ou de la trahison, c'est leur affaire. Mais, dès qu'ils chercheront à nous faire embrasser leurs idées assimilatrices et an ti- françaises, aussi bien qu'atiti-canadienne^, nous résisterons avec toute l'énergie de patriotes fidèles à leurs traditions de famille et de race. Nous serons loyaux envers la République, dans la guerre comme dans la paix... Mais que l'on ne nous demande jamais d'être traîtres à notre race et d'oub'ier la langue de nos pères. Que l'on n'ose jamais lever une main sacrilège contre nos Sociétés ou nos paroisses nationales. Indigne du nom de Canadien et de Français serait celui qui accepterait sans murmure le joug d'un tel despotisme... Il est presque ridicule de voir des hommes sérieux s'amuser à décréter sur le papier que les Américains seuls ont le droit d'exister et de se perpétuer aux Etats-Unis, et que ceux qui ont assez de cœur pour aimer leurs ancêtres et leurs traditions natio- nales, traditions qui sont si indissolublement liées à leurs senti- ments religieux, ne devraient pas se co;istituer en sociétés distinctes. Si l'Eglise ne connaît ni race ni couleur, que l'on nous explique comment il se fait que le dernier Concile de Baltimore a consacré un si grand nombre de décrets à la race nègre. Si la race noire mérite d'être évangélisée, les races blanches ne méritent-elles pas au moins de conserver leurs traits caractéris- tiques ? 124 LES CANADIENS-FRANÇAIS *** De son côté, le Travailleur, un grand journal fran- çais de Worcester, répondait en ces termes au vœu du Congrès : Que des hommep, aussi éminents et apparemment aussi bien disposés envers les pires ennemis de leur foi que ceux qui ont pris part aux grandes fêtes du centenaire, aient jugé à propos de répu- dier nos associations nationales comme incompatibles avec V esprit de VEglise catholique, voilà qui devrait nous surprendre, si nous ne connaissions déjà les antipathies prononcées de la plupart des catholiques américains pour tout ce qui porte un nom français. ... En face de ces dénonciations, il est très difficile, pour ne pas dire impossible, d'espérer d'être jamais aidés par les catholiques des Etats-Unis, dans nos efforts pour conserver notre nationalité. Cela ne nous empêchera pas de continuer la lutte que nous avons entreprise contre les partisans de l'assimilation... Ce n*est pas fini ; les protestations pleuvent de tous côtés ; et l'on voit qu'elles ne manquent ni de patrio- tisme ni d'énergie. La fusion entre Canadiens-Français et Irlandais- Américains n'est donc pas à la veille de s'effectuer. D'autre part, on comprendra bien mieux maintenant la sagesse du programme tracé, il y a vingt ans, par le vaillant évêque missionnaire de Burlington : " Les Canadiens émigrés ont besoin de missionnaires de leur nation, ils ont besoin d'églises séparées." DE LA NOUVELLE- ANGLETERRE 125 *** La troisième force de résistance, et la plus efficace, contre l'assimilation américaine, est et sera toujours pour les Canadiens émigrés la proximité de la mère- patrie, le Canada. Les autres races établies aux États-Unis sont dans des conditions toutes différentes. Irlandais, Allemands, Italiens, Hongrois se trouvent à plus de mille lieues du berceau de leur race ; toutes relations sociales avec leur ancienne patrie étant rompues brusquement, le souvenir de l'Irlande et de l'Allemagne pourra bien rester vivant dans le cœur des vieux émigrés, mais il est évident que les jeunes générations élevées aux Etats auront d'autres aspirations et d'autres amours. Par respect pour la mémoire de leurs pères et des traditions nationales, elles pourront bien sympathiser encore avec la patrie des ancêtres, au besoin même l'aider par des contributions d'argent dans ses luttes pour l'indépendance ; mais cette sympathie ira s'affai- blissant de plus en plus et finira vraisemblablement par s'éteindre. Déjà même, parait-il, les fils d'Irlandais et d'Allemands élevés aux Etats-Unis sont plus fiers de leur titre de citoyens américains que de nom qui les rattache encore aux vieilles patries d'Europe. Un écrivain distingué de la. Louisiane, décrit fort bien la 'marche descendante qui a conduit les anciens Fran- çais à l'absorption presque complète par la race améri- caine. 126 LES Canadiens-français *** Voulez-vous voir d'avance la vision de la marche descendante que vous suivrez ? La première génération de vos enfantP, procréée sous la nou- velle domination, prendra déjà une teinte visible de civilisation anglo-saxonne ; la seconde lui donnera, sur votre civilisation fran- çaise, une préférence marquée ; la troisième, dans son for inté- rieur, n'en souffrira point d'autre, La France, à ses yeux, n'aura plus de titre spécial à son affection. Pour ces Américains de fraîche date, elle ne portera plus autour du front cette double auréole de gloire et de beauté, qui brillait par-dessus les mers, aux regards émus de leurs ancêtres. La pre- mière nation des deux mondes, pour ces émancipés des vieux cultes, se trouvera désormais de ce côté-ci de l'Océan. Entre le présent et le passé, le lien sera rompu. A part quelques rares cas d'éducations exceptionnelles, vos familles auront fini par oublier la tradition paternelle, et les aïeux, consternés, ne reconnaîtraient plus, dans cette transformation, leurs descendants américanisés. Voilà, en eifet, ce qui s'accomplira peut-être, pour les Irlandais et les Allemands des États. En sera-t-il ainsi des Canadiens-Français émigrés ? Leurs chances de résistance me paraissent bien plus favorables. Ces colonies, en effet, restent en contact avec la mère-patrie. Les États de l'Est où elles sont établies touchent à la province de Québec. En quelques heures de chemin de fer, les Canadiens se retrouvent sur le sol natal, au sein des paroisses qu'ils habitaient autrefois, au milieu de leurs parents et de leurs amis. Tout demeure commun entre eux : la langue, les mœurs, les DE LA NOUVELLE-ANGLETERRE 127 usages, les relations sociales. Quel Canadien, en effet, passe plusieurs années aux États sans aller revoir le pays ? L'émigration canadienne n'est pas, comme l'émigration allemande et irlandaise, une transportation en masse, mettant tout d'un coup, la mère-patrie à des milliers de lieues de distance, brisant en un jour toutes relations de famille et de société ; c'est simplement l'extension nor- male d'un peuple qui pousse peu à peu son avant-garde vers le Sud. J'admets cependant que les raisons données plus haut par M. Tujague, de la marche descendante des fils d'émigrés vers l'assimilation puissent exercer aussi une influence plus ou moins grande sur les générations canadiennes nées aux États-Unis. Mais cette influence sera combattue et retardée dans sa marche par une foule de secours qui ont manqué aux Français émigrés de la Louisiane. Les jeunes Canadiens, nés aux États, seront élevés dans des écoles canadiennes, ils auront des prêtres cana- diens pour les diriger ; les traditions, les mœurs, les habitudes canadiennes, restant vivaces dans les familles émigrées, les relations sociales avec les parents demeurés en Canada ne seront pas brisés de longtemps. Même dans le cas où toutes ces influences religieuses, patriotiques et sociales seraient insuflSsantes à empêcher 128 LES CANADIENS-FRANÇAIS un certain nombre déjeunes gens de s'américaniser, les Canadiens n'auront-ils pas toujours la ressource constante et assurée d'une émigration nouvelle pour combler les vides que l'absoption leur ferait sublir ? Qui, en effet, pourra arrêter le flot d'émigration qui descend sans cesse de la province de Québec vers les Etats ? Quelle autorité civile ou religieuse élèvera entre ces deux pays une barrière que les émigrants ne puissent pas franchir ? L'autorité religieuse ne pourrait pas et ne voudrait certainement pas le faire. L'autorité civile l'essayera-t-elle ? Est-il à craindre qu'on fasse des lois pour interdire l'entrée de ces travailleurs étrangers sur le sol américain ? Il en a été question, il est vrai, mais les législateurs ont toujours reculé devant l'opposition des industriels auxquels l'émigration canadienne fournit la main-d'œuvre à bon marché. Il est de l'intérêt des Yankees que l'émigration con- tinue, l'émigration continuera donc. CHAPITRE XVI VUES d'avenir : INDÉPENDANCE OU ANNEXION Quelles chances de stabilité oflfrent-elles aux émigrés ? — Justice aux Canadiens des Etats I — Ce qu'en pensent leurs enne- mis. — Le Romanisme, voilà le danger 1 Des bouleversements politiques, des remaniements territoriaux, affecteraient- ils la situation religieuse ou sociale des Canadiens émigrés ? DE LA NOUVELLE-ANGLETERRE 129 Deux suppositions semblent possibles : ou la province de Québec aura un jour son autonomie, et deviendra un peuple indépendant ; ou bien elle s'annexera aux États-Unis. Indépendance ou annexion, voilà deux hypothèses possibles, mais dans l'un ou l'autre cas, les Canadiens ne peuvent, me semble-t-il, qu'y trouver une force nouvelle contre l'assimilation. Indépendante, la province de Québec aurait toute la fierté et l'ambition d'un jeune peuple ardent, hardi, fier d'être enfin le maître de ses destinées. Le sentiment national, si vivace dans le cœur des émigrés, n'en rece- vrait-il pas un élan nouveau, une confiance plus assurée dans le programme patriotique qu'il s'est donné de garder la langue, la religion, les mœurs des ancêtres ? L'annexion aux États-Unis souderait immédiatement ensemble deux fractions d'un même peuple, séparées seulement aujourd'hui par les frontières politiques. Au lieu d'être 400,000, les Canadiens-Français forme- raient un tout compact de deux millions d'âmes. Leur importance deviendrait considérable. L'annexion les constituant de fait citoyens américains, ils domineraient immédiatement par leur vote un bon nombre de centres manufacturiers de l'Est, et exerce- raient une influence prépondérante sur la législature de quatre ou cinq États de la Nouvelle-Angleterre. Les Américains le savent bien, et c'est là précisément ce qui 130 LES CANADIENS-FRANÇAIS refroidit leur zèle pour l'annexion du Canada. Ils ne se .soucient guère de s'incorporer cet élément catholique et français, qui pourrait aisément modifier, au profit de ses idées religieuses, certaines lois peu favorables à l'esprit catholique. Allons plus loin. Supposons que des circonstances reo-rettables, nécessitent un jour cette annexion. Même dans ce cas, les Canadiens courraient-ils le danger de se voir absorbés par l'élément américain, comme le sont en partie les Français de la Louisiane ? Au dire de M. Tujague, il a fallu trois générations, c'est-à-dire plus d'un siècle, pour opérer cette fusion partielle des Louisianais dans la masse américaine. Pour le Canada, fortement organisé et pénétré comme il l'est de l'idée patriotique, il faudrait à coup sûr un laps de temps encore plus considérable. La position géographique des Canadiens est excel- lente. Adossés au Nord, la limite du monde habitable, ils ne peuvent pas être tournés par une émigration hostile. Il faudrait nécessairement les attaquer de front, et ce ne serait que par l'infiltration d'éléments étrangers qu'on pourrait à la longue espérer de les désagréger comme peuple. Pareille opération réussirait-elle après l'annexion ? La tendance ordinaire des peuples est de descendre vers les chaudes régions du Sud, plutôt que de remonter vers les pays du Nord. D'ailleurs, un siècle d'expérience a déjà prouvé que le Canada est dur à entamer. La ténacité des Anglo-Saxons, s'est avouée vaincue en face DE LA NOUVELLE- ANGLETERRE 131 de la ténacité canadienne^française ; l'habileté améri- caine aurait-elle plus de succès ? Il est bien permis d'en douter. En tout cas, ce serait au moins le travail d'un siècle ; or dans un siècle, bien des événements peuvent se pro- duire. Les États-Unis qui compteront alors une popu- lation bien au delà de cent millions d'hommes, ne cou- rent-ils donc aucun risque comme toute autre agglomé- ration politique dépassant certaines proportions, de se fractionner en plusieurs républiques indépendantes ? Dans cette hypothèse, le Canada français qui, lui aussi, aurait alors des millions d'habitants, ne se montrera-t-il pas plus ambitieux que jamais de former un peuple indépendant, catholique et français ? Mais laissons cet avenir à la Providence. Pour le moment, une seule cause serait capable de disperser pour un temps, une partie de la colonie française et de la forcer de se replier vers la mère-patrie. Ce serait la ruine complète et irrémédiable de toutes les grandes industries des États de l'Est. Or ce désastre, on en con- viendra, est peu probable. ^ * * La situation religieuse et sociale des Canadiens- Français établis dans la Nouvelle-Angleterre, mérite, on le voit, de fixer l'attention de ceux qui s'intéressent aux progrès de la religion dans la Grande République. 132 liES CANADIENS-FRANÇAIS Peut-être la manière silencieuse dont cette émigration s'est opérée explique-t-elle pourquoi jusqu'ici les écri- vains catholiques des États ne paraissent pas s'en préoccuper. Ils ignorent, sans doute son étendue, et, par conséquent, son importance pour la cause catho- lique. En cela, du reste, rien d'étonnant, puisque, même en Canada, des hommes instruits, des prêtres sont encore, à ce sujet, dans une ignorance étrange. Ils restent tou- jours persuadés que les pauvres canadiens émigrés aux États, ne pratiquent plus aucune religion, qu'ils perdent leur langue et leur nationalité, et qu'ils se fondent rapi- dement dans la masse des protestants américains. Il est temps de rendre justice à ces vaillants catho- liques. Seuls, sans alliés, sans sympathies effectives de la part de leurs anciens compatriotes, aidés seule- ment par leurs prêtres canadiens, ils ont réussi, en vingt ans, à faire les œuvres magnifiques que nous venons d'énumérer. Il est temps de croire à l'importance de ces centres catholiques, à la force de cohésion qui, depuis vingt ans, a su maintenir la religion et la nationalité canadienne- française au milieu de difficultés de toutes sortes. Il est temps enfin de reconnaître que la Providence semble avoir réservé à ces Canadiens une mission con- 'sidérable dans les États de l'Est, et de les aider géné- reusement à la remplir. Pourquoi donc persister à nier des résultats aussi clairs et aussi consolants ? D'où vient cette disposition obstinée à déprécier les efforts heureux de ces Canadiens DE LA NOUVELLE- ANGLETERRE 133 émigrés et à leur refuser toutes chances de stabilité pour Ta venir ? A toutes les preuves que nous leur four- nissons, ces hommes répondent : " Oh ! vous exagérez, vous vous faites illusion ; les paroisses canadiennes ne tiendront pas, elles sont destinées à disparaître bientôt à quoi bon s'intéresser à ces émigrés ? Ils sont perdus pour la religion peut-être, pour la nationalité cana- dienne certainement." *** Si vous mettez en suspicion le témoignage sincère des amis des Canadiens émigrés, du moins vous accepterez, j'espère, celui de leurs ennemis. Or, voici ce que je trouve dans un grand journal de Boston, V Américain, du 28 décembre 1889. Il s'agit des dangers que le catho- licisme fait courir à la foi protestante dans les États de l'Est. ... Le liomanism est déjà une terrible puissanee dans notre pays. Il domine New-York et exerce une influence considérable dans beaucoup de villes et de cités de la Nouvelle-Angleterre. Mais à cette force romaine, il faut encore ajouter le pouvoir ultramontain français que, jusqu'ici, nous avons complètement ignoré. Songez-y donc, Américains patriotes, les Jésuites français ont conçu le projet de former une nation catholique avec la province de Québec et la Nouvelle-Angleterre, et ce projet de rendre la Nouvelle- Angleterre caiholi^ue-française a déjà pris des propor- tions capables d'alarmer les plus optimistes. Les Français sont plus d'un million aux Etats-Unis, et selon toute probabilité, 350,000 dans la Nouvelle-Angleterre. Ils rem- plisseat vos fabriques, achètent vos fermes, s'introduisent dans vos 10 134 LES CANADIENS-FRANÇAIS législatures et y e>erccnt une influence pnispan(e. Le nombre de leurs enfants est inimaginable pour des Américains. Ces enfants, on les éloigne des écoles publiques afin de leur donner une éduca- tion en tout semblable à celle qu'ils auraient reçue en Canada. On leur dit qu'en apprenant l'anglais ils perdront leur langue, leur nationalité, leur religion. On les conserve comme race étrangère distincte, POumi«e au Pape en matière religieuse et politique. Ra- pidement, ils acquièrent le droit de vote ; en certains endroits ils ont déjà la majorité absolue, tandis qu'en beaucoup d'autres, ils tiennent leurs adversaires en échec. Bientôt, ujiis aux Irlandais, ils vous gouverneront, vous Améri- cains ; ou plutôt, le Pape vous gouvernera, car ces masses le reconnaissent pour maiire. Ainsi, les fanatiques de Boston suivent d'un œil inquiet les progrès de rémiorration canadienne - française de l'Est. Ils reconnaissent son importance, ils constatent sa force et ses éléments de stabilité. Ils vont même jusqu'à lui prédire une influence considérable sur les destinées des États de la Nouvelle- Angleterre, tandis qu'en Canada l'on s'attarde encore à repéter des lamen- tations stériles, sur la perte de ces émigrés, l'on refuse de croire à leur vitalité robuste, et l'on nourrit contr'eux les préjugés les plus blessants comme aussi les plus injustes. Ne serait-il pas temps d'admettre enfin !a réalité des faits et de rendre justice aux heureux efïorts des Cana- diens émigrés pour mettre en sûreté sur la terre étran- gère, et leur Religion et leur Langue. DE LA NOUVELLE- ANGLETÉREE 135 CHAPITRE XVII LA PRESSE DU CANADA ET LES ÉMIGRÉS PJaintes de Ferd. Gagnon. — La situation s'est-elle améliorée ? — Le silence des journaux du Catiada. — Leur facile crédulité. — "En disant du bien des émigrés, vous allez dépeupler nos campagnes." — Quelques causes de l'émigration. — " Canadiens des deux pays unissons nous ! " La presse française du Canada ne serait-elle pas en partie responsable, de l'existence persistante de ces préjugés ? En 1880, au congrès de Québec, Ferdinand Gagnon se plaignait en termes amers et tristes tout à la fois de cette situation douloureuse. " Messieurs, dit-il, ce jour n'est pas aux récriminations " et aux reproches, mais coniTïie je parle d'un tiers au " moins de notre élément national, et comme je désire " voir les deux groupes de notre compatriotes se rappro- " cher, je dois vous dire que les opinions des Canadiens " de la province de Québec sur le compte de leurs frères " émigrés, sont souvent très blessantes. " "Il y a parmi nos populations (aux États) " comme une lassitude, un sentiment d'inquiétude et de " malaise. On se dit là-bas : " pourquoi tant de sacrifices^ ** ta»t de patriotisme, lorsque, du Canada même nous 136 LES CANADIENS-FRANÇAIS " arrivent des accusations fausses et blessantes sur " notre conduite. " " Notre clergé n'est pas apprécié selon ses mérites, " 7108 sociétés sont ignorées, nos œuvres méconmues, et " quand on parle de nous^ c'est généralement pour en " faire un épouvantait aux cultivateurs de la province." " Laissez-moi vous le dire : Nous n'avons pas tort de " réclamer. Trop souvent nous avons été le point de " mire de faux préjugés ; et trop rarement nous a-t-on " rendu justice. " (Rapport au Congrès de Québec. Page 128). *** La situation s'est-elle améliorée depuis ? Oui certainement. Les grandes conventions de 1874 et 1880, ont fait la lumière sur la condition des Canadiens émigrés, et quel- ques journaux du moins, osent aujourd'hui rendre justice à leurs compatriotes des États. Pourtant, je regrette d'avoir à le constater, bon nombre des feuilles canadiennes, continuent toujours d'ignorer leurs concitoyens émigrés. Jamais vous ne trouverez dans leurs colonnes, un mot de sympathie pour les efforts qu'ils font afin de garder leur foi et leur langue ; jamais un encouragement dans leurs luttes, jamais un bravo fraternel, pour les victoires qu'ils remportent. Bien plus, chose étrange ! parler favorablement des Canadiens émigrés, rendre hommage à leur énergie et à DE LA, NOUVELLK-ANGLETERUE 137 leurs succès c'est aux yeux de certains hommes, com- mettre un véritable crime de lèse-patriotisme. Comment cela ? " Mais ne voyez- vous pas qu'en faisant connaître aux Canadiens du Canada que tous ceux qui franchissent la frontière ne deviennent pas des va-nu-pieds et des rené- gats, qu'ils restent honnêtes, qu'ils gardent leur religion et leur langue, et que sans renier l'une ou l'autre, ils réussissent dans le commerce, vous allez contribuer à dépeupler nos campagnes et donner un nouvel élan à l'émigration ? " J'admire la naïveté de l'objection, mais je n'en vois guère la force, je l'avoue. Eh quoi ! Vous voulez bien qu'on montre les points noirs de cette émigration, vous admettez même qu'on puisse les grossir, et que d'une tache isolée l'on fasse une masse de ténèbres qui recouvre toute une race de catholiques ; vous trouverez cela loyal, et vous vous opposez à ce qu'on signale aussi les côtés consolants de la situation ! Vous nous demandez de taire les sacrifices de ces hommes, les efforts qu'ils font pour se grouper sur la terre étrangère les succès qu'ils obtiennent, sous pré- texte que la connaissance de ces avantages partiels va dépeupler les campagnes I allons donc! des raisons plus sérieuses, s'il vous plait. Vous avez donc bien peu de foi dans l'attachement de vos concitoyens au sol natal, une confiance bien limitée dans leur patriotisme, pour craindre qu'en disant 1S8 LES, CANADIENS FRANÇAIS la vérité sur les émigrés, l'on fasse déserter en masse la terre des aïeux. Pour moi, j'ai des Canadiens une opinion beaucoup plus favorable. Ceux qui sont à l'aise et bien établis sur leurs terres, les ouvriers qui ont de bonnes situations, songent-ils à s'en aller aux États ? Et pourtant, malgré le silence des journaux, ils connaissent ces avantages. Les États de l'Est ne sont pas si loin du Canada, qu'on ne puisse savoii" ce qui s'y passe. A part un contingent peu nombreux. Dieu merci, de pai-esseux ou de buveurs qui, çà et là, se détachent des vieilles paroisses pour traîner leurs familles dans les fabritjues et vivre du sang de leurs enfants^ il n'y a à franchir les lignes que ceux qui y sont poussés par la misère ou des circonstances malheureuses. Le manque d'ouvrage pour l'ouvrier, des terres appauvries ou mal choisies, des familles nombreuses quïl est impossible d'établir, des hypothèques imprudemment contractées et qu'on ne peut plus payer, voilà, je crois, quelques unes (les causes qui ont fait émigrer un grand nombre de familles. L'assurance de retrouver sur la terre étrangère la paroisse canadienne bien organisée, avec un couvent pour leurs enfants, adoucit pour elles, les tristesses du départ, et les console des épreuves de l'exil. Constater cet état de choses, est-ce donc être déloyal ? D'autres hommes nous disent : " Taisez-vous, faites silence sur ce demi million de Canadiens qui nous ont quitté. Ils ne vivent plus sous le même drapeau que nous, ignorons les. " ■ DE LA NOUVELLE-ANGLETERRE 139 Pour un Canadien-Français catholique, n'y a-t-il donc pas une question qui prime toutes les autres ? La question de la religion et de là nationalité. Aussi le comprennent les Canadiens émigrés. Eux du moins, tout en étant loyaux aux institutions politiques de leur patrie nouvelle, entendent bien cependant rester toujours Catholiques et Français. Ils forment l'avant- garde d'un peuple de même souche, de même langue et de mêmes traditions que vous. Ils sont là un demi million de Canadiens qui se disent toujours de la famille. Pourquoi donc les répudiez- vous ? Pourquoi refusez-vous de leur tendre par dessus la frontière une main sympathique ? Ne sacrifiez-vous pas ainsi un appoint considérable pour l'avenir et n'affiiiblissez vous pas la cause que les patriotes Canadiens-Français nourrissent avec amour au fond de leur cœur ? ^'^ÎÎC Plus pénible encore que ce silence dédaigneux, est la complaisance avec laquelle certaines feuilles canadiennes accueillent tout ce qui peut déprécier les émigrés et les représenter sous les couleurs les plus somlres et souvent les plus fausses. Un journal américain signale-t-il des défauts chez leis Canadiens des États ? Vite on reproduira cet article, et, supprimant les correctifs qui ne lui donnait qu'une 140 LES CANADIENS-FRANÇAIS application locale et limitée, on en fera une accusation générale contre les émigrés. Un anonyme dont l'horizon se borne au clocher de sa paroisse, lance-t-il dans un langage inculte les accusa- tions les plus odieuses contre ses compatriotes ? On ramassera ces racontars sans valeur qui, pour toutes preuves, donnent des affirmations, et de grands jour- naux du Canada les reproduiront en tête de leur pre- mière page. De petites feuilles nées d'hier et qui mourront demain, entreprennent-elles pour des motifs inexpli- cables, une campagne contre les Canadiens émigjés ? Sans discrétion et sans mesure lancent-elles l'insulte à la face de ces catholiques, les accusant injustement de perdre à la fois et leur religion et leur langue et même la pureté du foyer domestique ? Aussitôt, sans vérifier des assertions aussi graves, des journaux canadiens reproduiront ces attaques et les feuilles anglaises, avec une joie maligne, leur donneront une place distinguée dans leurs colonnes. En vain, les Canadiens des États protesteront par leurs organes les plus autorisés, en vain, les hommes les mieux renseignés par leur situation et leur ministère contrediront ces assertions mensongères, ou du moins en limiteront la justesse à quelques centres et à quel- ques individus, tout sera inutile. On n'enregistrera pas ces protestations et la calomnie ira son chemin. DE ÏJt. NOUVELLE-ANGLETERRE 141 *** Est-ce donc ainsi que doit se pratiquer entre chrétiens la charité et la justice ? Un catholique canadien, par le fait seul de franchir les lignes, perd-il donc tout droit à la considération et à l'honneur ? Si des motifs que je n'examine pas, vous empêchent de sympathiser avec ces hommes, du moins traitez les avec loyauté, rendez leur justice, et ne mettez pas la réputation de ces catholiques à la merci du premier plumitif venu qui s'avisera de leur jeter de la boue au visage. Souffririez vous pareils procédés de la part des jour- naux canadiens des États ? Ne protesteriez vous pas avec indignation contre une polémique qui attaquerait, avec de telles armes, les Canadiens du Canada, et concluerait de la sorte, d'un fait isolé, à une théorie générale, d'un désordre local à une accusation sans limites ? Certes, vous ne prétendrez pas, je pense, que tout est parfait en Canada, que tout le monde y pratique sa religion, qu'il n'y ait pas d'ivrognes, et que, dans cer- taines circonstances, des Canadiens n'aient pas abaissé plus qu'il ne convenait, le pavillon français devant l'arrogance britannique ? Ces exceptions donnent-elles le droit d'envelopper tout le peuple Canadien dans des accusations générales et infamantes ? 142 LES CANADIENS-FRANÇAIS Pourquoi donc ne pas accorder à vos compatriotes émigrés, ce que vous réclamez si justement pour vous mêmes, la justice dans les appréciations et la loyauté dans les procédés ? Au lieu de ces critiques malveillantes, que ne répondez vous plutôt à l'appel patriotique que faisait entendre, en 1880, Ferd. Gagnon, l'infatigable avocat des Canadiens émigrés ? " Peut-être la seule œuvre utile que j'aie accomplie, disait-il, c'est d'avoir fait connaître a nos frères du Canada leurs compatriotes des États-Unis. J'ai toujours voulu que par delà la frontière nos mains entrelaçassent des mains amies." Oui, Canadiens des deux pays, unissons nous ! Canadiens des deux pays, formons une alliance patriotique, durable, invincible ! Forts de la foi qui sauve, de l'espérance qui fortifie, de la charité qui unit, rallions nous ! Sachons nous apprécier, nous entr'aider, nous pro- téger. Sachons être fidèles à nous - mêmes, et notre nationalité survivra. (Congrès de 1880. Page 130. Disc, de 1883 page 202). DE LA NOUVELLE- ANGLETERRE 143 CHAPITRE XVIII LE PRÉSENT ET l'AVENIR Mission de l'émigration Canadienne — Les deux fractions du peuple Canadien doivent-elles se réunir un jour.— Théorie de colo- nisation du P Laçasse. — Le Nord Canadien. — Le Sud Cana- dien.— La rencontre. — Qu'arrivera-t-il ? — Nationalité Cana- dienne-Française. CONCLUSION Dès l'année 1869 Mgr de Gœsbriant, dans son appel pathétique aux évêques du Canada, entrevoyait une grande mission pour le peuple canadien aux États-Unis, " La Providence, qui gouverne le monde, disait-il a dans cette émigration qui nous étonne des vues qui nous sont inconnues. Laissons-la faire, elle saura tirer le bien de ce qui nous semble un mal. " Ces émigrés, nous le croyons, sont appelés de Dieu à coopérer à la conversion de l'Amérique, comme leurs ancêtres furent appelés à planter la foi sur les bords du Saint -Laurent. " Cette mission se dessine assez nettement à l'heure qu'il est. Les Canadiens offrent aux Américains le spec- tacle d'un peuple profondément religieux dans sa vie privée et sociale, uni dans une même foi, fidèle aux lois 144 LES CANADIENS-FRANÇAIS de Dieu, surtout à celles qui assurent la stabilité du mariage et la fécondité des familles. Il est vrai que cet exemple reste sans influence appréciable sur l'Américain protestant, orgueilleux et jouisseur. Ce peuple de l'Est, déchristianisé à la longue, sans croyances arrêtées, esclave de l'égoïsme et de la sensualité qui lui imposent la pratique désastreuse du divorce et, ce qui est pire encore, la révolte ouverte contre les lois providentielles qui garantissent la conservation et la propagation de la famille, ce peuple, dis-je, voit l'Église catholique à l'œuvre ; il s'étonne et s'inquiète, admire même parfois ; mais, retranché dans son orgueil, son dédain et son scep- ticisme, l'Américain, en règle générale, ne se convertit pas. Pourtant le châtiment approche, le cours naturel des choses venge la loi divine méconnue. Déjà le tiers, au moins, des fermes de la Nouvelle- Angleterre est aban- donné. On les cède à qui veut les prendre ; on va même jusqu'à inviter les protestants de Norvège à venir occu- per ce sol qu'une race au sang appauvri est impuissante à conserver plus longtemps. Les véritables héritiers des puritains, qui s'éteignent et disparaissent, sont vraisemblablement plus près d'eux qu'ils ne pensent. *** Donnons à cette considération tout le développement qu'elle mérite. DE LA NOUVELLE-ANGLETERRE 145 Me plaçant exclusivement au point de vue religieux et national, je pense qu'avant longtemps, les deux fra(f tiens du peuple Canadien, celle qui habite la terre des ancêtres et celle qui a déjà franchi la frontière améri- caine se rejoindront et pourront alors se donner la main pour ne plus former qu'un seul peuple. Cette assertion surprendra sans doute, plusieurs de nos lecteurs. Les uns la trouveront paradoxale, d'autres la traiteront carrément d'extravagante. Pourtant qu'ils veuillent bien examiner avec soin les considérations que je vais leur soumettre. Ils finiront, je l'espère, par avouer que cette opinion a pour elle des chances de possibilité fort sérieuses. Avant d'entrer dans l'examen de cette théorie, je tiens à déclarer tout d'abord, que je me mets entièrement en dehors de tout système et de toute aspiration poli- tique. Ces questions ne sont ni de mon ressor, ni de ma compétence. Je n'ai rien à en dire. Mon seul désir est d'exposer les raisons qui me font croire à une union future des Canadiens du Canada et des États-Unis de l'Est, dans ce que la nationalité a de plus élevé, et de plus indépendant : la relijion et la langue. Que faut- il, en effet, pour que, dans un avenir plus ou moins rapproché, cette union s'opère, malgré des institutions politiques différentes ? Simplement ceci : que ces deux fractions d'une même race, gardent fidèlement, chacune de son côté, certains éléments essentiels qui, le temps venu, puissent former l^ LES CANADIENS-FRANÇAIS un tout homogène, une véritable nationalité ; c'est-à-dire la religion, la Hngue et des traditions coniTïiunes. En Canada, ces éléments sont désormais hors dp toui danger, ils resteront.- Dans les États-Unis de l'Est, nous l'avons vu déjà, et nous le verrons mieux encore dans la seconde partie de ce travail, les 400,000 Canadiens émigrés font des efforts énergiques et heureux, pour conserver, eux aussi, les mêmes avantages. Quand donc la réserve des Canadiens du Canada rejoindra les corps d'armée nombreux et déjà compacts^ qui lui ont servi d'avant garde aux États ; quand ces hommes, issus d'une même race, parlant la même langue» adorant le même Dieu, se rencontreront face à face, à la frontière américaine, qui les empêchera de se reconnaître comme frères, de se donner la main et de s'unir pour ne plus former qu'un seul et même peuple ? * * Et cette rencontre se fera avant longtemps. Elle est inévitable. La marche de la colonisation vers les Etats-Unis, est commencée, rien ne l'arrêtera, désormais. La création des diocèses de St Hyacinthe et de Sherbrook a donné naissance à des paroisses nouvelles qui toutes se dirigent vers le Sud. Même phénomène encore dans la Beauce dans le diocèse de Rimouski et dans le Nouveau- Brunswick. DE LA lîOUVELLE-ANGLETEllRE 14t . C'est l'application de la théorie si bien exposée par le R. P. Laçasse, dans son livre plein de bon sens et de conseils pratiques : " Une mine à exploiter." Pour être efficace, la colonisation doit se faire d'une manière naturelle, c'est-à-dire, que la vieille paroisse doit, autant que possible, servir de base à la colonie nouvelle, pour l'encourager, l'aider, et lui assurer le succès. Plus cette base sera rapprochée, plus aussi les jeunes colons auront chance de réussir. Il ne faudrait songer à les transplanter dans des régions lointaines que quand les terres à coloniser manqueront entièrement aux environs de leurs paroisses natales. Des patriotes zélés, des prêtres dévoués à leur pays ont réussi, je le sais, à jeter en masse plusieurs milliers d'hommes dans les régions du Nord et la vallée du lac St-Jean. Ils ont donné une impulsion vigoureuse au mouvement de la colonisation. Mais ces entreprises heureuses, loin de détruire la théorie que nous exposons, la confirment au contraire et la fortifient. Pour créer cet élan, il a fallu des hommes extraordi- naires comme le Révérend M. Hébert curé de Kamou- raska et surtout l'apôtre de la colonisation, connu égale- ment aujourd'hui dans la vieille France et dans la France nouvelle, le Curé de St-Jérôme. Mais l'extraordinaire est une exception dans la marche naturelle des choses, et le Canada ne peut pas espérer d'avoir en permanence à son service, une éloquence aussi entraînante, ni des dévouements ausii héroïques. 14S LES CANADIENS-FRANÇAIS D'ailleurs, après avoir déraciné les colons des vieilles paroisses pour les transplanter dans les forêts du Nord, et la vallée du St-Jean, M. Hébert, et Mgr Labelle lui- même, ont dû laisser au temps et à la natalité des familles, le soin de fortifier leUr œuvre et de l'étendre. La paroisse nouvelle va tout d'abord, enfoncer solide- ment ses racines dans le sol, puis elle grandira, puis, à son tour, elle enverra de nouveaux essaims prendre possession des grandes forêts du Nord. Nous sommes ainsi ramenés à la théorie pratique du R P. Laçasse. Elle assure un progrès que rien ne peut ralentir et, de plus, elle offre un moyen certain d'élargir également de toutes parts la patrie Canadienne. *'^* Or, d'après cette théorie, sur l'autre rive du St Lau- rent, la colonisation doit naturellement se porter au Sud, c'est-à-dire vers les frontières américaines. Nous l'avons dit plus haut, depuis quelques 25 ans, ce mouvement est commencé. Dans le diocèse de St Hyacinthe, il y a aujourd'hui plus de 100,000 Canadiens, plus de 50,000 dans le diocèse de Sherbrook, et de nou- velles paroisses se forment, chaque année, dans la Beauce, en arrière de St Joseph et de St François. Bientôt, ces paroisses Canadiennes, serrées les unes contre les autres, comme les rangs d'une armée en ordre de bataille, arriveront en face de la ligne 45ème et des territoires où flotte le drapeau de la république améri- caine. DE LA NOUVELLE-ANGLETERRE 149 *** Qu'arrivera-t-il alors ? Une simple ligne géographique, des institutions poli- tiques, quelque peu différentes de celles du Canada, suffiront-elles pour arrêter ce flot d'hommes descendant vers le Sud ? Ces obstacles ont-ils arrêté les colons de la vallée de rOttawa et de la province d'Ontario ? Et cependant, pour des Canadiens de Québec, Ontario n'est-il pas un pays différent du leur et par la religion, et par la langue, et même par la politique, au moins en ce qui regarde les intérêts locaux. Malgré ces difficultés, malgré les résistances d'un élément anglais tenace, hostile même à l'invasion, cher- chant à l'entraver par tous les moyens possibles, la poussée canadienne a fini par l'emporter. Les Cana- diens se sont infiltrés partout dans les comtés d'Ontario, limithrophes de la province de Québec, et bravement, il continuent à marcher vers l'Ouest. Seront-ils donc moins heureux quand ils se trouve- ront au Sud, en face d'un élément qui, loin d'offrir la même force de résistance, tend au contraire chaque jour à se désagréger et à se disperser de toutes parts ? Les Américains, on le sait, abandonnent en grand nombre les fermes de la Nouvelle- Angleterre. Ces fermes ne doivent cependant pas retourner à l'état sau- vage. Qui donc les occupera ? Les Irlandais ne veulent a 160 LES CANADIENS-FRANÇAIS pas cultiver, ils préfèrent s'agglomérer dans les grandes villes. Essaiera-t-on d'implanter sur ces terres en friche des colonies étrangères arrachées à une patrie lointaine, quand tout à côté, il y a un peuple essentiellement agri- culteur, et qui demande une place de plus en plus large au soleil, pour ses nombreux enfants ? Encore une fois la poussée canadienne se fera bientôt sentir au Sud, comme elle se fait déjà sentir à l'Ouest. Ce sera la poussée puissante, irrésistible d'un peuple trop à l'étroit dans ses frontières politiques, et qui, pareil au flux des grandes eaux, envahira forcément les con- trées voisines. Voilà ce qui arrivera quand la race canadienne aura achevé d'occuper l'espace relativement restreint qui se trouve entre la rive sud du St Laurent et la frontière américaine, ce que nous nommons aujourd'hui les Gantons de l'Est. Il ne faudra probablement pas plus qu'une autre génération d'hommes pour accomplir cette besogne. Alors la grande invasion commencera. *** Déjà même nous pouvons assister aux premières applications de la théorie que je viens d'exposer. Jetez les yeux sur les comtés américains de l'État de New- York, du Vermont et du New-Hamsphire qui avoisinent les frontières de la province de Québec. L'invasion y est déjà aussi avancée que dans les cantons de l'Ouest. La paroisse canadienne franchissant la ligne DE LA NOUVELLE- ANGLETERRE 151 a planté des rejetons vigoureux sur le territoire amé- ricain. " Le Comté de Clinton, au nord de l'État de New- " York, sur une population totale de 55,200 âmes compte "aujourd'hui 26,300 Canadiens-Français. Un grand " nombre d'entr'eux sont propriétaires de bonnes fermes, " et dans les villages, ils ont presque tous à eux une "petite maison et un acre de terre. La majorité du " comté est catholique et l'élément américain diminue " rapidement chaque année. " (Guide français de la Nouvelle-Angleterre page 988) Même phénomène dans le Vermont et le New-Hamp- shire. Les Comtés de Franklin et d'Orléans de Chittenden et d'Essex limitrophes du diocèse de Sherbrook et de l'Archidiocèse de Québec, se remplissent de Canadiens Ils sont là plus de 20,000, et déjà à Franklin, Alburg, Highgate, Montgomery, Enosbu^g, Newport, Barton^ Island-Pond etc, bon nombre d'entre eux se livrent à la culture. Ils attendent leurs frères de la Beauce qui de leur côté, s'avancent rapidement à leur rencontre. Bientôt les uns et les autres se donneront la main par- dessus la frontière. ^ Même phénomène encore chez les Acadiens de l'Est. Eux aussi envahissent le Maine. Dans la vallée de la Madawaska, il y a déjà 12 belles paroisses françaises comptant au delà de 18,000 âmes. 1 Les journaux annoncent qu'un syndicat vient de se former parmi les paroisses de l'Est pour acheter les terres vacantes du Now-Hampshire. C'est un commencement d'application de la théorie que j'expose. V. Star Montréal, 26 Décembre, 1890.) ■ i 152 LBS CANADIENS-FRANÇAIS *** Les Américains eux-mêmes semblent du reste en avoir pris leur parti : Voici ce que le Commercial Advertiser un grand journal de New- York, disait dernièrement à ce propos. " Les habitants du Canada débordent par dessus nos frontières. La victoire remportée par les hommes de la race anglaise, sur les plaines d'Abraham, est vengée par les femmes delà race de Montcalm. La Nouvelle- Angle- terre est vaincue. Les essaims détachés de la ruche française prennent possession du terrain. Les descen- dants des Pilgrims multipliant moins rapidement que leurs ancêtres se raréfient d'année en année. Les jeunes gens de la Nouvelle-Angleterre, suivant le fameux con- seil d'Horace Greely, s'en vont à l'Ouest, au Sud, partout, pour échapper à la concurrence des nouveaux-venus dont l'activité surpasse la leur et qui semblent avoir pour mission de couvrir la terre La Nouvelle--A ngleterre des aïeux est en train de disparaître. " {Commercial Advertiser, Octobre 1890). *** Ce mouvement ne peut désormais que s'accentuer et grandir. C'est le développement naturel d'un peuple béni de Dieu dans ses familles, et qui, n'ayant pas de DE LA NOUVELLE-ANGLETERRE 158 colonies, s'emparera forcément des places inoccupées chez ses voisins. Un autre élément facilitera beaucoup cette invasion pacifique. Quand les Canadiens du Canada arriveront en masse à la frontière américaine ils trouveront là plus d'un demi million de leurs compatriotes qui les ont quittés depuis peu de temps, pour s'établir partout dans les villes de la Nouvelle-Angleterre. Ils travaillent dans les manufactures, ils sont dans le commerce, ils s'em- ploient aux industries diverses, déjà une grande partie de la main d'œuvre leur appartient, de plus, ils ont la paroisse canadienne organisée absolument comme en Canada, et sont bien décidés, tout en remplissant loyale- ment leurs devoirs de citoyens, à rester pourtant Catho- liques et Français. Les plus pessimistes admettront bien, je pense, que dans de telles conditions ces hommes ont chance de garder leur religion et leur langue, au moins pendant 30 ans. Or dans 30 ans, où seront rendus les Canadiens de la rive Sud du St-Laurent ? Encore une fois, faisant abstraction de toute spécula- tion politique, et m'en tenant aux éléments les plus élevés de la Nationalité, je le demande, qui empêchera ces hommes de se reconnaître comme frères, et de ne plus former par le cœur et la langue, qu'un seul et même peuple ? 154 LES CANADIENS^FRANÇAIS *** Les Américains chercheront - ils à empêcher cette fusion ? Je ne le pense pas. Il faudrait pour cela aller contre la force naturelle des choses, et priver des hommes libres de privilèges auxquels ils ont des droits inaliénables, en un mot, il faudrait persécuter. Quel- ques fanatiques, derniers restes des anciens puritains, ont bien cherché, il est vrai, à pousser leurs compa- triotes dans ces voies de violence, mais ils n'ont réussi jusqu'ici qu'à prouver leur impuissance absolue. L'opi- nion publique a condamné et flétri ces convulsions hideuses du puritanisme expirant. Du reste, pourquoi voudrait-on persécuter quand on donne pour base à la constitution, la liberté la plus complète et la plus sincère ? Pourquoi prendrait - on des mesures prohibitives contre les Canadiens-Français quand on invite toutes les nations de la terre à venir occuper les territoires immenses de la Grande République ? Dès lors que les nouveaux-venus obéissent aux lois de leur pays d'adoption, qu'ils contribuent par leur travail à développer la prospérité matérielle et nationale, l'Américain a le bon sens de comprendre qu'il n'a pas à s'occuper de la religion que ces hommes professent dans leurs églises, ni de la langue qu'ils parlent à la maison. Les Allemands à l'Ouest sont au moins 4 millions. Ils gardent encore leur langue et les usages de la vieille mère-patrie. Les Américains ont-ils jamais songé à DE LA NOUVELLE- ANGLETERRE 155 intervenir dans ces questions domestiques, et à suppri- mer ces libertés sociales ? » D'ailleurs les Canadiens-Français des États de l'Est, seront bientôt, et trop nombreux et trop influents, pour qu'un parti politique quelconque, le voulut-il, osât leur disputer des privilèges qui, après tout, sont le patrimoine sacré de chaque homme libre, quelque soit le drapeau qui flotte sur sa tête. *** CONCLUSION L'élément canadien-français fournit déjà un appoint considérable à l'Église dans les États-Unis de l'Est. Selon la prédiction de Mgr de Goesbriand, les Cana- diens-Français accomplissent une mission providen- tielle ; ils concourent pour leur part à la conquête pacifique, au nom de la religion, du sol de la Nouvelle- Angleterre. Quand les froissements causés par l'invasion quelque peu brusque et imprévue des Canadiens seront oubliés, que les vivacités de la lutte pour l'installation de paroisses et d'écoles distinctes seront calmées, quand enfin les catholiques américains comprendront mieux ce que les Canadiens-Français, dans l'intérêt même de leur foi religieuse, demandent par leur programme patrio- tique, et cesseront de se montrer hostiles ou défiants, alors Canadiens et Américains catholiques, ralliés 166 LES CANADIENS-FRANÇAIS ensemble autour de la croix pour défendre ou réclamer ées droits communs, pourront assurer à l'Église catho- lique une position magnifique dans ce pays qui fut le berceau et resta longtemps la citadelle du protestan- tisme américain. Ilème r>A.RTIE HISTOIRE DES PAROISSES CANADIENNES DE LA noijvkivIvE-anglktkrre: 1S51-1890 MGR. DR OOESBRIAND, TER. EVÊQUE DE BURLINGTON. A S. G. MONSEIGNEUR DE GOESBRIAND ÉVÊQUE DE BURLINGTON LE PROMOTEUR ZÉLÉ, l'AMI CONSTANT DE LA CAUSE DES CANADIENS-FRANÇALS AUX ÉTATS HOMMAGE DE PROFOND RESPECT EN NOTRE- SEIGNEUR E. HAMON, S. J. HISTOIRE DES PAROISSES CANADIENNES INTRODUCTION Dire les origines d'une œuvré qui, après la période pénible de la formation s'épanouit aujourd'hui dans une prospérité toujours croissante, c'est remercier la divine Providence d'avoir béni d'une manière remarquable les efforts courageux des Canadiens émigrés. Raconter les travaux, les épreuves et les souffrances des fondateurs de cette œuvre, c'est rendre un hommage mérité à ces hommes vaillants, et en même temps, offrir à la génération actuelle de beaux exemples de générosité et d'énergie indomptable. 164 LES CANADIENS-FRANÇAIS Cette génération jouit en paix du fruit de leurs tra- vaux. Il est bon pourtant qu'elle sache au prix de quels sacrifices, elle se trouve en possession de belles églises, de couvents florissants et d'écoles paroissiales nombreuses et prospères. Avant donc que les premiers pionniers de cette grande œuvre n'aillent à leur récom- pense recueillons leurs souvenirs et disons comment se formèrent les paroisses canadiennes des Etats de l'Est. Il nous faut cependant reprendre les choses de plus haut, et jeter, tout d'abord, un coup d'œil rapide sur les commencements de l'émigration Canadienne- Française dans la Nouvelle- Angleterre et le Nord de New- York. *** PREMIÈRE ÉMIGRATION CANADIENNE AUX ÉTATS Dès avant la guerre d'Indépendance en 1776, bon nombre de Canadiens- Français, avaient émigré dans la Nouvelle- Angleterre. Quand éclata la révolution amé- ricaine, beaucoup d'entre eux combattirent dans les armées de Washington. A la conclusion de la paix^ le Congrès américain, pour les récompenser de leurs services, donna à ces vétérans, des terres sur les bords du lac Champlain. Ce fut l'origine du Corbeau et autres paroisses Canadiennes qui s'établirent dès lors près du grand lac. Après les troubles de 1837, l'émigration prit un nouvel élan. Nombre de Canadiens se réfugièrent dans les montagnes et les vallées du Vermont. Là, dispersés sur les terres, au sein des forêts, ils gagnaient leur vie comme bûcherons ou comme travailleurs au service des DE LA NOUVELLE-ANGLETERRE 16l5 fermiers américains. Leur situation matérielle était triste, mais bien plus déplorable encore était leur état moral et religieux Ces pauvres malheureux n'avaient pas de prêtres pour les desservir. Quelques rares mis- sionnaires français, comme MM. le Barbanchon et Néron, le premier, curé du Corbeau, l'autre de Keesville, par- couraient bien, il est vrai, de temps à autre, ces groupes isolés, pour baptiser les enfants et tâcher de garder la foi dans le cœur des parents, mais que pouvaient ces visites éloignées, contre les influences du protestantisme et les exemples d'immoralité que ces catholiques avaient si souvent sous les yeux? Dans ces conditions, il est vraiment étonnant qu'il y en ait eu relativent si peu, à perdre complètement la foi de leurs ancêtres. *** " Parmi ceux qui se dévouèrent alors à l'ôvangélisation des Canadiens émigrés, dit Mgr de Groësbriand dans une brochure, à laquelle je compte faire de nombreux emprunts, 1 il est un nom que je ne prononce qu'avec respect et reconnaissance, c'est celui du Rév. Père Mignault de Chambly, qui avait un vrai cœur de père pour les Canadiens immigrés, et qui vers cette époque venait les visiter, leur administrer les sacrements. Il est bien connu que nos Evêques Hughes, Fitzpatrick, McClo-key entretenaient envers ce bon prêtre des sentiments d'une profonde vénération. Aussi il fut nommé par eux Grand Vicaire d'Albany et de Boston, et par nous-même Grand Vicaire de Burlington." *' Ce fut le P. Mignault qui procura à Burlington en 1851, le Rév. Jos. Quévillon, que nous pouvons considérer comme le premier prêtre Canadien résident de la Nouvelle-Angleterre, car 1. Les Canîuiiens des Etats-Unis par Ls de Goësbriand, évoque de Bur- ington, Vt. 12 166 LES CANADIENS FRANÇAIS depuis lui, la paroisse de Sl-Joseph de celte ville n'a jamais, été sans pasteur de langue française. Nous pensons que c'est aussi le P. Mi'Miault qui fit venir le P. Drolet à Montpellier et qui con- tribua à commencer une église à Brandon, où se trouvaient quel- ques familles Canadiennes, et je pense quelques autres églises dans le nord de New-York. " *** §11 Mgr de Goesbriand et les Canadiens En 1853 Mgr Louis de Goesbriand fut nommé premier Evêque du Vermont. Né à St-Urbain, dans la vieille Bretagne, en l'année 1816 il fut d'abord vicaire-général de Mgr Rapp à Cleveland, puis en 1853 il quitta ce poste pour venir prendre possession de son siège à Burlinfï-ton. La connaissance qu'il avait de la langue française, les sympathies de cœur qui l'attiraient déjà vers les enfants du Canada, ses vertus apostoliques, son zèle ardent secondé par une santé vigoureuse, tout l'avait préparé à merveille, pour la rude mais fructueuse mis- sion qu'il allait entreprt;ndre. Disons le de suite, avec profonde reconnaissance, c'est à Mgr de Goesbriand, que les Canadiens du Vermont doivent d'avoir conservé leur foi, et de posséder aujour- d'hui de belles et nombreuses paroisses. C'est à lui encore, que les autres Etats de l'Est où se trouvent maintenant les Canadiens par centaines de mille, doivent, en grande partie, l'avantage d'avoir eu enfin des prêtres de leur pays pour les desservir. DE LA NOUVELLE-ANGLETERRE 167 Avec une ardeur infatigable, il fit au Canada voyage sur voyage pour plaider la cause de ces pauvres émigrés. Il parla, il écrivit, il argumenta sans relâche, afin de procurer à ces catholiques, les secours spirituels, dont il avaient un besoin si pressant. Sans se laisser rebuter ni par les obstacles qu'il rencontrait sur sa route, ni par les préjugés qu'il lui fallait combattre, ni même par les refus qu'il avait à essuyer ; son zèle, soutenu par une ténacité toute bretonne, lui fit enfin remporter une victoire glorieuse et définitive. Oublier ce que Mgr de Goësbriand a fait pendant plus de 37 ans pour la cause des Canadiens aux Etats-Unis serait se rendre coupable d'une ingratitude que rien ne pouvait excuser. * Un an après avoir été sacré Evoque, Mgr de Bur- lington restait avec deux prêtres seulement pour des- servir son nouveau diocèse. Il fit un voyage en Canada afin d'y trouver des auxiliaires, mais ses démarches furent infructueuses. Alors il songea à sa vieille mère-patrie, la Bretagne, la terre féconde en vocations ecclésiastiques, qui donne sans compter, ses enfants à l'Eglise, pour être, n'imp^ rte où dans le monde, des soldats du Christ, et des apôtres de l'Evangile, et l'Evêque cette fois, ne fut pas déçu dans ses espérances. En 1855, il revint de Bretagne avec une bande de vaillants auxiliaires qui allaient l'aider à sauver les 168 LES CANADIENS-FRANÇAIS pauvres catholiques du Vermont. C'étaient MM. Salin, Picard, Daniélou, Dugué, Cloarec, Cam et Clavier. Aussitôt ces hommes dévoués se mirent à parcourir les vallées et les montagnes du Vermont, rassemblant les catholiques dans les granges, dans les maisons, n'im- porte où, baptisant, catéchisant, confessant, ranimant partout la foi à demi morte dans les cœurs, et organi- sant des centres qui, depuis, sont devenus des paroisses florissantes. L'Evêque était à leur tête, travaillant comme eux, parfois même plus qu'eux, car son zèle était sans limites. Puis, après ces courses apostoliques, Mgr de Goësbriand revenait prendre quelque repos dans son palais épiscopal à Burlington. Ce palais n'était guère confortable, parait-il, car plus d'une fois, pendant l'hiver, en plein cœur de nuit, l'évêque breton, dut quitter sa chambre, et aller battre la semelle dans les rues de la ville, pour s-'empêcher de geler. Dieu seul connaît les sacrifices qu'il s'imposa durant ces rudes années d'apostolat. Mgr de Goësbriand parle volontiers des travaux de ses collaborateurs, mais il garde sur les siens un silence absolu, et il est peu probable qu'il nous en laisse un jour le récit détaillé dans ses mémoires. Au prix de ces travaux incessants et de ces effoijts héroïques, il parvint enfin à fonder des paroisses catho- liques et a créer un diocèse florissant. Quand il com- mença, il n'y avait rien, tout était à faire, aujourd'hui le diocèse de Burlington compte 76 églises 46,000 catho- liques et 50 prêtres pour les desservir. Voilà, certes, une belle et glorieuse couronne pour l'Evêque missionnaire. DE LA NOUVELLE- ANGLKTÈRRE 169 § in APPEL AUX ÉVÊQUES ET AUX COLLÈGES iftJ CANADA EN FAVEUR DES CANADIENS ÉMIGRÉS La grande émigration canadienne aux États, ne date que de la fin de la guerre civile (1864). Alors surgirent de toutes parts ces industries diverses qui couvrirent bientôt les États de l'Est de manufactures gigantesques, et les Canadiens vinrent en grand nombre, s'offrir comme ouvriers dans ces fabriques. En 1869, voyant ces milliers de Catholiques envahir la Nouvelle - Angleterre, sans que les prêtres de leur pays songeassent encore à les accompagner, Mgr de Goësbriand résolut de recommencer, une fois de plus, la campagne apostolique qu'il avait déjà tentée, au début de^son épiscopat. Il s'en alla au Canada demander des prêtres pour les pauvres émigrés. Ecoutons le nous expliquer lui-même les motifs qu'il fit valoir en faveur de sa cause. Depuis ce temps, oi'ateurs et journalistes ont bien souvent traité les mêmes questions, mais aucun d'eux, je crois, n'a rien trouvé à dire qui n'eût déjà été dit avant lui par l'Evêque de Burlington dans cet A'ppel dont nous allons parler. Jamais on n'exposa avec plus de franchise, comme aussi avec plus de charité, les obstacles que les émigrés rencontraient à la pratique de leur religion, en arrivant aux États. Jamais on ne démontra avec plus de clarté et de force la nécessité de donner aux Canadiens - Français des prêtres de leur 170 LES CANADIENS-FRANÇAIS propre pays. Dans ces pages d'une simplicité toute apostolique, l'on sent passer le cœur d'un grand évêque, et vibrer l'âme d'un patriote et d'un français. ^ *« Obligé par les devoirs de notre charge, de voyager beaucoup, dit Mgr de Goësbriaiid, Nous étions surpris et attristé de voir lee chars remplis de familles Canadiennes se dirigeant vers quelqu'une des nombreuses manufactures vers lesquelles elles étaient attirées par Te-poir d'améliorer leur condition. Nous étions attristé en Nous demandant, ou vont-elles ? que vont devenir leurs enfants ? Noms éions attristé, et nous étions attendri, car elles avaient l'air bien bonnes, leurs enfants étaient bien élevés, pleins de respect et d'atfVction pour leurs parents. Comme St Albans était un des principaux artères par lequel e'éion ait la population du Canada, le très Rev. Z. Druon, pasteur de cotte paroisse, conçut l'idée de publier un journal Canadien. Telle fut l'origine et l'occasion du Protecteur Canadien, fondé en 1H68. Si je ne me trompe ce fat le premier journal écrit en français dans cette partie de l'Amérique, et son nom indique les sentiments de son rédacteur envers la population Canadienne. Nous crûmes Nous-même devoir faire quelque chose de plue que d'aj^prouver cette publication. Il nous sembla qu'en vue d'une immigration toujour croissante il fallait faire appel aux Evêques et Collèges du Canada en faveur des immigrants qui ne pouvaient trouver en Amérique que fort peu de prêtres parlant leur langue. Il nous sembla qu'on aurait pu former, dans un lieu central, une maison de missionnaires, qui aurait pu non seulement desservir une paroisse, mais donner des retraites dans les centres Canadiens, et aider à fonder des paroisses aussitôt qu'un groupe serait devenu assez nombreux pour construire une église et entretenir un prêtre. Les démarches que nous fîmes dans ce but sont rapportées dans le Protecteur Canadien du 13 Mai, 1869 : 1. Voir Brochure : Les Canadiens des Etats, page 3. DE LA NOUVELLE- ANGLETERRE l7l LE PROTECTEUR CANADIEN. St Albans, 13 Mai, 1869. Mgr de Goësbriand, Evêque de Burlington nous fait l'honneur n, ils ont besoin d'églises séparées. " Ah ! mes frères, vous seriez remplis de douleur si voua aviez connu comme moi l'étendue des misères spirituelles des émigrés. Comment peut-il en être autrement, puisqu'ils n'entendent point la parole de Dieu, puisqu'ils ne reçoivent pas le pain encore plus nécessaire des Sacrements de Jésus-Christ, qui purifient l'âme et la fortifient contre toutes les tentations. " Qu'il est triste de voir un peuple de 5U0,000Thomme8 vivre ainsi exposé à oublier son Créateur. Et pourtant ces âmes ont reçu le caractère du Baptême. Ces hommes sont les enfants de la foi. *** " N'accusez pas de négligence les Evêques et les Prêtres des Etats-Unis. Ce serait injuste. Nous faif-ons ce que nous pouvons pour les aider. Mais plutôt en vue de cette détresse spirituelle qui, j'espère, ne sera que temporaire, je m'adresse à moi-même et j'adresse au peuple et au clergé la parole de mon maître : Pleurez sur vous-mêmes et sur vos enfants. "La Providence a voulu, mes frères, que j'ai été souvent en rapport depuis bientôt 29 ans avec beaucoup de Catholiques, qui depuis longtemps avaient été privés des Sacrements. J'ai toujours 176 LES CANADIENS-FRANÇAIS remarqué parmi eux une grande avidité d'entendre la parole de Dieu et de profiter du ministère du prêire quand ils reçoivent ea visite ; et puisque je vous parle ici des Canadiens émigré?, ce n'eat pas sans une émotion profonde que je me rappelle combien de fois et à quel degré ils m'ont touché par le zèle qu'i's mettaient à pro- fiter de mon ministère. Apprennent-ils qu'un prêtre Canadien ou Français ou Irlandais va leur prêcher dans leur langue, ils laissent là, leur ouvrage, et font les plus grands sacrifices pour venir entendre la parole de Dieu. Rien de plus édifiant que leur conduite durant les retraites surtout, quand on peut leur en donner ; et ici si mon témoignage ne suffisait pas je vous dirais : Questionnez donc les Pères Oblats, les Jésuites, les Prêtres Séculiers qui ont travaillé parmi eux. On a dit quelques fois que les émigrés Canadiens n'étaient point généreux pour construire des églises et pour entretenir leurs Pasteurs. Mes frères, s'ils ont autrefois mérité ce reproche, je puis vous dire que ce temps est passé. Je connais trop d'exemples, et des faits trop remarquable.», pour ne pas reconnaître la f lusseté de cette accusation. Qu'on donne des missionnaires canadiens aux Canadiens, et vous serez vous-mêmes étonnés de la libéralité de ces pauvres émigrés. En effet, comment pourrail-il être autrement. Ces bons Canadiens qui croient devoir émigrer, ce sont vos frères, vos sœurs, vos enfants, nourris comme vous pendant plusieurs années dans les exercices de la piété, dans le pieux pays du Canada. Ils ne se rappellent que trop vivement le bonheur qu'ils trouvaient en approchant de la Sainte Table, en attendant la parole de leurs vénérables pasteurs. " Leur ab?ence forcée loin du Canada n'a pas tout d'un coup changé leurs dispositions. Voulons-nous les rendre heureux, don- nons-leur des Missionnaires Canadiens pour leur procurer les secours de la religion et leur prêcher dans la langue de leurs pères et la religion deviendra parmi eux aussi florissante que dans le Cdna la. t LOUIS, Evêque de Burlington, Vt. Il Mai 1869. DE LA NO0VELLE- ANGLETERRE 177 Mgr exposait ensuite plus en détail, l'œuvre dont il est question au commencement de cet Appel. Sa parole trouva un écho sympathique en Canada. Québec et Montréal tirent à Mgr de Goësbriand, de généreuses aumônes ; des personnes charitables lui envoyèrent de France $5,000 (25,000 francs) pour son projet aposto- lique, enfin Mgr Bourget lui donna des missionnaires. La maison fut fondée à Rutland en 1868, avec le Rév. Ls Gagnier comme Supérieur. Le projet ne réussit pas, au moins tel que l'évêque de Burlington l'avait conçu, mais dans les choses de Dieu, ce qui semble être aux yeux des hommes un insuccès, n'est souvent pour la Providence qu'un moyen de donner à une œuvre plus d'ampleur et de lui faire produire des fruits plus abon- dants. Ce fut ce qui arriva au dessein de Mgr de Goësbriand, comme nous le verrons plus loin, La mission de l'Evêque en Canada avait eu un plein succès. Sa parole émue, chaleureuse, exempte de toute exagération retentit profondément dans tout le pays. L'on connut enfin, d'une manière précise, la triste situa- tion religieuse des émigrés Canadiens, et partout des cœurs généreux s'oftrirent pour leur venir en aide. A partir de cette époque (1869) Evêques et prêtres rivalisèrent de zèle pour voler au secours de leurs com- patriotes émigrés, et bientôt, nombre de paroisses cana- diennes avec des prêtres Canadiens à leur tête furent établies dans les diocèses de la Nouvelle- Angleterre. 178 LES "CANADIENS-FRANÇAIS Avant d'entrer dans l'histoire détaillée de ces paroisses canadiennes, qu'il me soit permis de faire deux obser- vations importantes. 1° En racontant les origines de ces églises, le récit nous amènera parfois à parler d'incidents assez vifs, de luttes assez acerbes, qui laissèrent, pendant un temps, des souvenirs pénibles dans des cœurs catholiques. La charité, je le sais, a ses douces lois de mansuétude et de pardon, mais la vérité, elle aussi, à ses droits imprescriptibles. A l'une et à l'autre, je tâcherai donc de faire une part à la fois équitable et juste. 11° Je ne m'occuperai, pour le présent, que des paroisses canadiennes des États du Vermont, du New- Hampshire du Maine, du Massachussetts et du Rhode- Island. L'État du Connecticut possède déjà, je le sais, bon nombre de belles paroisses canadiennes. Dans l'État de New- York, surtout au Nord, se trouvent aussi de nom- breuses et florissantes congrégations de Canadiens Français, mais, je l'avoue, je n'ai pas maintenant les renseignements nécessaires pour leur donner place dans ce travail. Je ne veux parler que de ce que j'ai vu, ou connu d'une manière certaine. A plus tard donc " les Origines des paroisses cana- diennes de l'État de New- York et même du Grand Ouest Américain. ETAT DU VERMONT DIOCÈSE DE BURLINGTON (1851-1890) Paroisses Canadiennes 8 Paroisses mixtes — la plupart avec une forte majo- rité Canadienne 18 Prêtres Canadiens ou français 20 Couvents Canadiens 6 Ligues du Sacré-Cœur pour les Hommes 7 Population Catholique du diocèse J^6p00 Population Canadienne 32,204- DIOOÈSE DE BURLINGTON (1851-1890) PAROISSES CANADIENNES Date de fondation. 1 — Burlington (1850) 2 — Swanton (iSS6) S — Winoosld (1868) Jf, — Easi Rutland (1869) 5 — Fair-Haven (1869) 6 — St Albans (1871) 7 — Alburg — Ile Lamothe (1872) S — Montgomery (1890) St Johnnbury Newport 13 PAROISSES CANADIENNES DIOCÈSE DE BUkLINGTON BURLINGTON, Pop. 14,460 PAROISSE ST-JOSEPH (1851) Curé fondateur: Rév. Jos. Quévillon (1851-1854,) ^ème Curé: RR PP.Gaudet etGauvin O.MJ.( 185^-1857) Sème Guré: Rév. H. Cardinal (1857-1859) iènie Curé: Rév. J. M. Cloarec (1859- ; St Joseph de Burlington fut la première paroisse distincte que les Canadiens établirent dans les États de la Nouvelle-Angleterre. Jusqu'en 1837, Canadiens et Irlanc(ais n'avaient eu qu'une seule église dans la ville de Burlington. Les 184 PAROISSES CANADIENNES Knownothings l'ayant brûlée cette année ; les Canadiens résolurent alors de se séparer des Irlandais. Tout près de remplacement de l'ancienne église, ils élevèrent une modeste chapelle, qui fut successivement desservie par deux prêtres français, MM. Petithomme et Ancé. Mais vers l?s45, M. Ancé ayant quitté Burlington, toute l'entreprise s'en alla en ruine. La petite chapelle vendue à un M. Baxter fut convertie en magasin et les Cana- diens se réunirent d Nombreuses sont les histoires dont le P. Cam est 1© héros. Il les entend de belle humeur, et rit de bon cœur avec ses confrères. Quelques unes de ces histoires, lui laissent pourtant une saveur uû p3U acre au goût, U 198 PAROISSES CANADIENNES ' , entr'autres celle que Mgr de Goësbriand conte avec une bonhomie charmante. La voici : L'Evêque devait confirmer dans la paroisse de Swanton,, et, selon sa coutume, il allait questionner les enfants sur la religion. Le P. Cam tout radieux, lui présenta une petite canadienne, à l'œil vif, à la ligure très intelli- gente : " Monseigneur, lui dit-il, voici une enfant qui sait " son catéchisme à merveille, vous pouvez l'interroger, " vous verrez comme elle saura vous répondre. " — " Eb " bien, mon enfant, dit l'éveque, si tu voyais une petite " fille sur le point de mourir, et qui n'aurait pas encore " été baptisée, que ferais-tu ? " — " — Je braillerais, reprit " aussitôt la fillette. " Depuis cette réponse fameuse, le P. Cam n'a plus iamais vanté la science de ses enfants à Févêque. Que le Père me pardonne ces détails intimes. Ils mettent en relief une figure remarquable de mis- si'^nnaire dévoué,de prêtre esclave de son devoir jusqu'au scrupule, de bon et fidèle serviteur du divin maître, je ne dirai pas de saint, car pour le coup le P. Cam se fâcherait tout rouge, et je tiens à rester toujours son ami. POPULATION CANADIENNE DE SWANTON Familles, Ames, Couvent, Propr,, Elect^ ^0, 4S0, 210 élèves. 16. ^ SI Ligue du S. G. 167. .^ ^■:i i^s f^- .'^^ \ AI ST. FRANÇOIS-XAVIER, WINOOSKI, VT. WINOOSKI, Pop. 4,421 PAROISSE SAINT FRANÇOIS-XAVIER (1868) G wré fondateur : le Rév. J. A. Audet (1868 , . . .) La première église St Joseph avait été bâtie sur une colline, à mi-chemin entre Burlington et Winooski qui comptait bon nombre de Canadiens. En 1868, la population de ce village ayant beaucoup augmenté, l'Evêque résolut d'y fonder une nouvelle paroisse. Il obtint de Mgr de St Hyacinthe un jeune prêtre qui venait d'être ordonné. C'était le Rév. J, A. Audet. Le 4 mars 1868, du haut de la colline de St Joseph, Mgr de Goësbriand, montrant à M. Audet le village de Winooski : " Mon cher «uré, lui dit-il, voilà le champ 200 PAROISSES CANADIENNES " de VOS travaux. J'ai loué une sali© pour y dire la " messe. J'y ai fait placer 100 bancs, vous commencerez " Dimanche prochain. Faites de votre mieux, travaillez, " débrouillez-vous." — " Très bien, Monseigneur, mais " pour louer les bancs, quel sera votre tarif ?" — Mon " t'jrif ? mais je n'en ai pas ; faites comme vous pourrez. " Les Canadiens Sont pauvres et peu donnant, vous le " savez. Si vous pouvez avoir $250 pour vos bancs, ce " sera très beau. Cela couvrira à peu près le prix de la " location et les frais du culte. En attendant, logez-vous " à l'évêchë.'* Le Dimanche suivant, le jeune curé était au milieu de ses ouailles. La salle vieùànt k peine d'être finie; Ton n'avait pas encore eu le temps d'enlever les barriques de plâtre et les boîtes à chaux qui avaient servi aux travaux. M. Audet prend une de ces boîtes, la dresse debout et pose en travers ùïië planche propre, ce fut l'atiteL Les cbaridelier^ faîsahlj ' défaut, îl icôlle leà chandelles sùrla planche, et la messe bômmence. La sà/Ué était côÈttble il y avait là ptoidé 400 Ganadieûs. A la âti de M liûtessë, MôfaSeîgheur à^HVa, fet jetaïitlin c6tip d'œil rapide y ir l'installation. --i-'^C^estbieû, hïes " fenfants, vdillî. tiii bôh bbiiitnemîetïïent; |)rénê2 bieii soin " de votre curé, Dieu vous bénira." ïi ieraps ^fâ,a venu 'cfe'fè^pplepïid fei6ip\*li*-à. dii:§, dj^lanm hs banq-St .Gp début cieyait avçir , des véiivà- ta^s impQri/antf§, non-seulemeût, pouç; la paroisse nouvelle, mais; aussi pour boB nombre d'auiires ç^,ntres, qui .Ron- geaient dès lors à se séparer. Les Canadiens étaient-ils capables iie fonder des pa- roisses à eux et de faire vivre leurs prêtres ? Telle était la question qui allait se résoudre à Winooski. M. Audet avait préparé d'avance tout son plan de bataille. La messe finie, il adresse à ses Canadiens une chaleureuse allocution, leur exposant la situation et les exhortant à faire leur devoir avec générosité. Puis, selon ses propres expressions, " quand il les eût bien ** dans la main et qu'il vit les yeux leur flamber dans la " tête, " il mit les bancs à l'enchère. Ijc résultat dépassa toutes les espérances. Le soir, de retour à l'Evêché, Monseigneur lui demanda : " Eh bien, M. Audet, vos bancs se sont-ils loués 200 pias- tres ? — Mieux que cela, Monseigneur — Comment, mieux que cela? Avez- vous eu $300 ? — Encore mieux que cela, Monseigneur, devinez — Etes- vous allé à 4 ou 600 piastres - — Tenez, Monseigneui:, reprit M. Audot, regardez, et il lui montra un énorme rouleau de billets ; mes bancs pour l'année sont loués 1600 piastres et voici le.paiement du premier quartier. " Vous le voyez, l'affaire marchera.-' Le bon évêque n'en revenait pas de surprise et de joie. Les larmes aux yeux, il dit au jeune prêtre : " mon "cher curé, vous venez de m'apprendre un grand secret, *\e'est que j[i(mr tétbssir:avec ImGanadiens/ilfaiitlemr 202 PAUOISSES CANADIENNES Ce fut là désormais le programme de l'évêque de Burlington. L'année suivante (1869); il s'en allait faire une campagne en Canada pour recruter des prêtres Canadiens, et il écrivit en faveur des émigrés la lettre touchante dont nous avons parlé plus haut. *** M. Audet se mit à l'œuvre pour organiser sa nouvelle paroisse, et la Providence lui vint en aide d'une manière bien opportune. Il y avait à Winooski un Canadien nommé J. Leclaire. Dieu l'avait béni dans ses entreprises, cet liomrae était devenu riche, mais, ce qui valait mieux encore, il était resté bon Canadien et chrétien excellent. M. Leclaire offrit au Curé de bâtir l'église à ses frais, ne demandant qu'à être remboursé du capital, et encore quand on le pourrait. Les intérêts, il les abandonnait à Dieu. M. Audet accepta, bien entendu, une offre aussi géné- reuse. Il fit construire une grande église surmontée de deux belles flèches de 158 pieds de hauteur. Comprenant l'importance de l'école paroissiale pour garder la religion et la langue française chez les enfants, dès le début de son administration, et avant même d'avoir une ésrlise. il ouvrit une école modèle, qu'il confia aux Sœurs de la Providence de Montréal - *** .-'- . . ■ . Les Canadiens voulaient bâtir un presbytère. M. Audet les encouragea à ramasser de l'argent, puis, DIOCÈSE DE BURLINGTON 203 quand on eût collecté une somme assez ronde, il leur donna une instruction solide sur les bienfaits de l'édu- cation, et, à la place d'un presbytère, les décida à bâtir un grand couvent pour les enfants des deux sexes. Cette académie fut terminée en 1878. Là plus de 500 enfants canadiens reçoivent aujourd'hui ime éducation catholique et française. En 1888, après avoir bien logé et le bon Dieu et les bonnes Sœurs, M. Audet crut qu'il était temps enfin de se bien lofjer lui-même. Il fit les choses en «x^and, et se bâtit un des plus beaux et des plus comfortables presbytères de toute la Nouvelle -Angleterre. Eglise et presbytère sont dans une situation magni- fique, sur le sommet d'une colline où l'on domine le village de Winooski et la ville de Burlington, avec une perspective très étendue sur le lac Champlain et la chaîne des Adirondaks. L'ensemble de ces constructions a coûté plus de^ $60,000. POPULATION CANADIENNE DE WINOOSKI Famillds, Ames, Gonv. Srs. Provid., Propr., Eleot, iS2. nipl. 350éUv3s. 176 319 Société S, J. B 135 membres. EAST RUTLAND, Pop. 12,149 PAROISSE DU SACRÉ-CŒUR DE MARIl Curé fondateur . . . . Uév. Ls Gagnier.. . . . ( 1869-1870 J Mme Curé Rév. Jér. Cloarec (1870) Sèvie Curé Rév. H, Cardinal,. . . (1870-1876) 4è'me Curé. Rév. Jer. Gélot (1876-1887) Sème Curé. Rév. G. Caissy (1887-1888) 6ème Curé Rév. K Proulx (1889) East Rutland est un des centres les plus importants du Vermont. Nombre de Canadiens y sont employés à travailler le marbre. Ce fut là que Monseigneur de Burlington voulut placer le berceau de l'xiieuvre des missionnaires, qu'il projetait d'établir en faveur des Canadiens émigrés. Mgr Bourget, évêque de Montréal, entrant de tout cœur MÔGÈSE DE BU«LINGTQN 2^ dans les vues du zélé prélat, lui céda le Rév. Ls Gagnier. Plusieurs autres prêtres, les RR. Pelletier et Lavoie, du dipçèse de Québec, Gfendrjeau, de St-Hyacinthe, s'ofFrirQi;it aussi pour l'œuvre et l'on commença en 1869. Dès cette première année, le P. Gagnier entreprit de construire trois églises pour les Canadiens ; l'une à East, l'autre à West Rutland et la troisième à Fairhaven. Comprenant les grands avantages d'un couvent Cana- dien, pour maintenir la langue et la religion des émigrés, le P. Gagnier décida les religieuses de Jésus-Marie (Hochelaga, Montréal) à bâtir une Académie à East Rutland. Malheureusement, l'œuvre des missionnaires ne put prendre racine. L'année suivante, M Gagnier s'en allait dans le diocèse de Springfîeld, jeter les fondements de nom- breuses paroisses canadiennes, et le Rév. J. Cloarec, un des prêtres que Mgr de Burlington avait ramenés avec lui de Bretagne, le remplaçait temporairement à Rutland. Cette année là, une crise survint qui mit la congréga- tion naissante à un doigt de sa ruine. Les ateliers du chemin de fer furent transportés à St Albans, et M. Cloarec resta avec seulement 86 familles canadiennes à East, et 46 à West Rutland. Il se maintint tant bien que mal, et peu 4 peu les affaires se réta- blirent. 206 PAROISSES CANADIENNES En 1870 le Rév. Hervé Cardinal devint curé, et il y resta Jusqu'en 1876. M. Jér. Gélot le remplaça (1876-1887.) Les Sœurs de Jésus-Marie, de Montréal, avaient acheté à leurs frais deux grandes maisons sur l'une des rues principales de E-utland, et les avaient transformées en académie (1869). Ce fut, je crois, le premier couvent cana- dien ouvert dans la Nouvelle- Angleterre. En 1882, des difficultés regrettables amenèrent la retraite des Sœurs de Jésus-Marie. Elle fermèrent leur académie et vendirent leur convent aux protestants. Une église anglicane remplaça l'école paroissiale cana- dienne, et l'ancienne maison des religieuses sert aujour- d'hui de résidence au ministre protestant. C'est là un triste souvenir pour les Canadiens de Rutland. Ils ne se sont pas encore remis du coup que leur porta la disparition du couvent. En 1887, M. Gélot fut remplacé comme curé de Rutland par le Rév. G. Caissy, qui mourut l'année suivante. Le Rév. N. Proulx, ancien curé de Newport, lui suc- céda. *** Le départ des sœurs et ces changements répétés avaient jeté les Canadiens de Rutland dans une sorte DIOCÈSE DE BURLINGTON 207 d'apathie religieuse, qu'il semblait bien difficile de secouer. Mais le nouveau curé était un homme actif, énergique. Tout d'abord il sut se concilier l'affection et la confiance de ses compatriotes. Or, quand un prêtre a la confiance des Canadiens, il peut aller de l'avant, on le suivra. C'est ce qu'à fait le Rév. N. Proulx. La vieille dette de l'église a été presque réduite à zéro. Cette église tombe en ruine, la restaurer est impos- sible, le mieux serait de la faire disparaître, et de reconstruire à nouveau, et plus grand et plus beau. Telle est aussi la conclusion où en est venu M. Proulx» et déjà l'on s'est mis à l'œuvre pour réaliser ce dessein. A Noël dernier, une souscription volontaire organisée à domicile donnait la jolie somme de 1130 piastres. C'est encourageant pour l'avenir. Bientôt, sans doute, les Canadiens de Rutland auront une belle église neuve, et les bonnes religieuses du Canada reviendront, je l'espère, prendre possession de ce qui fut le premier couvent Canadien de la Nouvelle- Angleterre. POPULATION CANADIENNE DE EAST ET WEST RUTLAND Familles, Ames, Ecole, Prop., Elcct. 556. 2789, 372 élèves. 39. 261 Société S. /. B., 14-6 membres. Ç^IEiHAVEN, Pop. 2,glJ PAROISSE SAINT-LplJI§ (1869) Guré fondateur., Rév. Ls Gagnier (1869ji Sème Guré. Rév. J. A. Boissonneault . ( 1870-1876 X Sème Curé Rév. J. Goathuel. ....... (1875-1877) imae Guré Rév. Jér. Gélot . (1888) Le Rév. P. Gagnier bâtit l'église de Fairhaven en 1869, la même année qu'il construisait celle de East et, West Rutland. Le Rev. M. Boissonnault fut le 1er curé, résident en 1870. En 1875 le Rév. M. Coathuel le rem- plaça pendant deux ans, puis les Canadiens ayanli dimi- nué en nombre, se réunirent aux Irlandais jusqu'en 1888, où ils se séparèrent de nouveau. Ils sont desservis de Poultney p$ir tes MM. Jérôme , et J. M. Gélot. POPULATION CANADIENNE DE FAIRHAVEN Familles Ame^s PT.opv- Elect 169 197 9 ' U SAINT ALBANS, Pop. 7,195 PAROISSE DES SAINTS ANGES (1871) €urê fondateur Rév. G, Caissy (1871-1886) Sème Curé Rév. J. Daignaidt (1886 ; Un grand nombre de Canadiens travaillaient à St Albans. Dans l'intérêt de ces émigrés, efc pour plaider plus efficacement leur cause en Canada, un prêtre français écrivain distingué, le Rév. Z. Druon, fonda en 1868 un journal français nommé Le Protecteur et durant plu- sieurs années, le rédigea lui-même avec zèle et talent. Ce fut le premier journal français fondé à l'Est dans les intérêts des Canadiens, et, nous l'avons vu, le 13 mai 1869, Le Protecteur publiait la fameuse lettre de Mgr de Goësbriand qui fit en Canada, une impression si heu- reuse, en faveur des émigrés. 210 eu DIOCÈSE DE BURLINGTON En 1871, les Canadiens de St Albans formèrent une paroisse distincte, avec le Rév G. Caissy comme curé. Il bâtit un grand soubassement, où les offices divins furent célébrés jusqu'en 1886. A cette époque, M. Caissy sentant sa santé fort affai- blie, voulut faire un voyage en Europe. Il fut remplacé à St Albans par M. J. Daignault. Les Canadiens étaient fatigués de rester depuis 13 ans dans un soubassement qui, mal construit du reste, s'en allait en ruine. Voyant leurs bonnes dispositions, M. Daignault en profita pour leur bâtir une grande et belle église. En 1888, il l'a fit décorer à fresques par M. Mélochè, de Montréal, puis il acheta tout près une grande maison pour servir d'école paroissiale et la confia aux religieuses de la Congréga- tion. De retour de ses voyages, M. Caissy s'en alla curé à. East Rutland, où il mourut l'année suivante. Population Canadienne de St. Albans Familles. Ames Cong K-R Propr. Elect. 416 2089 348 élèves. 26 221 ALBURG— ILE LAMOTHE PAROISSE ST-AMÉDÉE— ST-JOSEPH Curé fondateur... . Mgr Raj)p, ancien évéque de Cleveland (1873-1877) ^ème curé résident : Rév. J. Kerlidon .... (1886- . . . . ) Les Canadiens des îles et des bords du lac Champlain pauvres et pour la plupart travaillant sur les terres, au service des Américains, se trouvaient depuis longtemps dans une situation religieuse déplorable. Incapables de se bâtir même de modestes chapelles, ils ne pouvaient que recevoir de temps à autre la visite des prêtres du Cana- da ou de Burlington, qui venaient, en passant, leur ap- porter les secours de la religion. Dieu leur envoya enfin un missionnaire et un apôtre 212 paroisses canadiennes Mgr Rapp et les Canadiens du Vermont. En 1870, Mgr Rapp, évêque démissionnaire de Cleve- land, se retirait chez son ami Mgr de Goësbriand. Encore vigoureux et plein d'un zèle tout apostolique, Mgr Rapp reprit aussitôt en faveur des Canadiens du Vermont, la vie de missionnaire par laquelle il avait débuté dans l'ouest. Il se mit à parcourir les centres isolés du Ver- mont, prêchant, catéchisant, réveillant partout la foi endormie dans les cœurs. *** L'on garde encore un pieux souvenir des travaux héroïques de l'Évêque missionnaire et des mortifications qu'il pratiquait. L'on se rappelle aussi la belle humeur avec laquelle il supportait les incidents variés de sa vie d'apôtre. A Alburg, il se retirait dans une pauvre cabane isolée, tout près du cimetière, et à plusieurs milles de toute habitation. Là il passait lia ïi\îit, là plupart du teMp^ èàlaé fèli, tètlveloppé seulement dans ses couvertes. Et encore, sën BÔmmeil était-il troublé par des tatstapageûl-s qui, ëli quête de pitance s'en prenant parfois à la gardc- i-bbe de levêque, tandis qu'à son réveil, Sa Gmndeùr ^iait saluée par une bandé de crapeaUx 'qui, la tête h^ôrs de leurs trous, le contemplaient ** avec des yôulx îsi DIOCÈSE DE BURLINGTON 21-'^' Jamais, du reste, le bon évoque n'eût la pensée de ^ troubler ces hôtes étranges depuis longtemps en posses- sion de la vieille masure. * ^ * A Enosburg, Mgr Rapp pensionnait chez un vieux Canadien, no:nmé Lafontaine. Le père Lafontaine était pauvre, bien pauvre, mais il avait un bon cœur et un fonds inépuisable de belle humeur, (|u'il mettait bien simplement au service de révé(|ue missionnaire. " Monseigneur vous aimez le poulet, n'est-ce pas, la -' dinde, un gigot de mouton ? Eh bien, vous n'avez qu'à " parler, Monseigneur, vous serez servi. En attendant, " voici ce que j'ai à vous offrii*. "—Et le vieux déposait solennellement sur la table, au déjeûner, au dîner et au souper, les humbles grillades de lard, iianquées du sem- piternel plat de patates cuites à i'e;iu, ([ui composaient tout le menu du repas. L'évéqvie riait de bon cœur et mangeait de bel appétit. Parfois pourtant, le bonhomme jouait, sans le savoir, des tours moins plaisants à son hôte. Un soir, faute de chaise dans le réduit, Mgr avait jeté ses vêtements sur un petit poêle, qui se trouvait au milieu de l'appartement, et s'était endormi profondé- ment. Or, ce soir là, contre son habitude, le vieux La- fontaine avait allumé le poêle, sans en rien dire à l'é- véqu*^', au milieu de la nuit. Mgr se réveille à moitié 214 PAROISSES CANADIENNES sufloqiic par h\ fumée, il se lève en toute hâte, et sauve à grand'ijciiie, ccmiinc il peut, les restes de sa garde robe t|ui biiiuiit. Le l'cn évêque était le premier à rire de ces mésaven- tures. 11 coiitiiiunit avec ardeur ses courses apostoliques, regrettant seulement de n'avoir à mettre au service de ses pauvres Canadiens, que son grand cœur et son zèle d'apotre, quand la Providence lui vint en aide d'une manière fort extraordinaire. *** Lorsque Mgr Rapp était évêque de Cleveland, un américain lui avait donné plusieurs actions sur une mine d'argent du lac Supérieur. Durant de longues années, ces titres parurent n'avoir aucune valeur, quand tout-à coup, en 1872, l'évêque apprit à sa grande joie, que ses actions lui donnaient droit à des dividendes considérables. Jamais fortune n'arriva plus à propos, ni à un homme disposé à en faire meilleur usage. Aussitôt il employa pour les Can«*i.diens, la plus grande partie de cet argent providentiel. A Enosburg il leur bâtit une école qui sert aujourd'hui de presbytère au prêtre résident : il donna au P. Cam, de Swanton, une somme considérable pour son couvent, il construisit une jolie petite église pour les pauvres catholiques d'Alburg, une autre à l'île Lamothe, se réservant pour lui-même un petit appartement, immédiatement au dessus de la sacristie. C'était bien modeste. Il y avait là juste place pour un lit, un prie - Dieu, et une table de DIOCÈSE DE BURLINGTON 215 travail, et Févêque en entrant chez lui devait courber sa haute stature pour ne pas aller donner de la tête contre les soliveaux de la toiture. N'importe, Mgr Rapp était content. Pendant plusieurs années, il desservit ces populations comme un simple missionnaire. Après avoir donné la messe à ses catholiques d'Aiburg, il franchissait souvent à pied, hiver comme été, les sept milles de distance qui le séparaient de ses enfants de Tîie Lamothe. Là surtout, au milieu de cette population simple et bonne, Févêque se sentait en famille. Jeunes et vieux il les réunissait à l'église, et durant de longues heures leur parlait du bon Dieu et de la religion, puis, le soir venu, il faisait la prière avec eux, comme un père de famille au milieu de ses enfants. Il chercha même à améliorer généreusement leur con- dition matérielle. La plupart de ces Canadiens étaient des journa- liei's, au service des Américains. Mgr Rapp rêva de les faire propriétaires. Il leur avança à chacun quel- ques centaines de piastres pour s'acheter un emplace- ment et se bâtir un petit chez eux. L'essai, il faut le dire, ne fut pas très satisfaisant. Ces pauvres gens comptant trop sur la générosité du bon évêque, négli- gèrent le travail, et leurs petits cottages furent bien vite mangés par les hypothèques. Pourtant l'élan était donné, et aujourd'hui bon nombre de ces Canadiens ont une modeste maison et quelques arpents de terre à eux autour de leur église. 216 PAROISSES CANADIENNES Mo-r Eapp se proposait encore de bâtir d'autres cha- pelles pour les Canadiens des Lords du lac Cliamplain, quand la mort vint tout-à-coup arrêter ses desseins cha- ritables. 11 prêchait- une retraite à la Grande Ile, lorsqu'une hernie dont il souffrait depuis longtemps, se débanda. Il n'y avait pas de médecin sur l'île, il fallut donc, au milieu de (Tiandes souffrances, transporter le malade à St Albans chez son ami M. Druon. Mgr Rapp eut à peine le temps de recevoir les derniers sacrements, puis il expira le jour de la Nativité de la Ste Yierge, le 8 septembre 1877. Le vaillant missionnaire avait • disparu, mais son œavre resta pour dire son zèle des âmes et son amour- pour les Canadiens du Vermont. Il y a quelques années, Mgr de Burlington put enfin donner un ciiré résident à ces petites paroisses du lac Chainplain. Ce fut le Rév. M. Kerlidou, prêtre pieux et zélé, qui, à force de privations et de sacrifices, a réussi à mettre ces centres Canadiens sur un très bon pied. En 1888, il acheta à l'île du Nord, un grand hangar à marchandises, qu'il transforma en église fort conve- nable. Tous ces centres sont pauvres, très pauvres, et M. Kerlidou n'a pas à sa disposition la mine d'argent de Mgr Rapp. Quehjues minots de patates, des légumes, de temps à autre un quart de farine, sont à peu près les seuls présents qu'il reçoit de ses i aroissiens : mais M. DIOCÈSE J)E BURLINGTOX 217 Kerîidou est breton et apôtre. Il a réussi depuis quatre ans à tenir la situation, et il espère bien la tenir long- temps encore. Entre ses courses de unssionnaire, le bon M. Iverlidou a trouvé le moyen d'écrire l'histoire du fort Ste Anne, bâti jadis par les français à Tile Laniothe. Sur l'em- placement de ce fort, il a rêvé de construire une chapelle à la patronne des Bretons et des Canadiens, et (Yen faire un lieu de pèlerinage pour les catlioli(iues dus États voisins. Puisse ce rêve devenir bientôt une réalité ! Puissent des âmes généreuses aidei- de le'urs aumônes le vaillant luissionra're, h exécub'r un dessein si pa- triotiqvie et en même temps si glorieux pour la bonne Ste Anne. P0PULATI(3X OAXADIEXXE 1) ALP.ritG, lEE LAMOTHE, ILE ])l^ XOUl) Finnilhx, Ame.s, Ecole, Fro])i\, Elev.t., AihiiVij ss. Ji-u i). :^r. IleLarauthe. oO. 2(Ul. ÔO éUmn 27. Jf6. Ile du Nord. 1,0. WO Lvjiie du S. G. 100. MONTGOMMERY PAROISSE (1890) 1er Curé résident Rév. Clare/niont Mgr de Goësbriand vient de placer un prêtre résident à Montgommery. Il aura soin, en même temps, des mis- sions échelonnées le long de la frontière. Bon nombre de ces Canadiens ont des terres à eux et cultivent. La présence d'un prêtre leur donnera plus de^ stabilité, d'autres viendront les rejoindre, et bientôt là comme ailleurs, la paroisse nouvelle se fortifiera et S€^ développera. POPULATION CANADIENNE DE MONTGOMMERY ET MISSIONS Familles, Ames, 50. £50. N. D. DES VICTOIRES, ST. JOHNSBURY, VT. ST-JOHNSBURY, Pop. 5,806 PAROISSE N.iD. DES VICTOIRES (1858) Ouré fondateur . . . Rév. S. Daniéloit ( 1858-187 J/.) ferrie Curé Rév. J. A. Boissonneault . ...(1874-) Trois cent quarante familles canadiennes et soixante familles irlandaises forment la belle paroisse de N.-D. des Victoires à St-Johnsbury. Au centre du village, sur un plateau élevé, tout planté d'arbres, et descendant par des terraces successives jusque sur la Main street, se trouvent des établissements magnifiques qui représentent 250,000 piastres données en quelque 30 ans par les catholiques, à Dieu et à son Église. La singulière théorie exposée tout récemment dans une publication canadienne que " .... la construction " des églises, la fondation des couvents. ... ne sont pas, " comme on l'a dit, la résultante de la foi, du dévouement " et du patriotisme de tout un peuple, mais bien l'œuvre *■ du clergé canadien encouragé et soutenu par un groupe 220 PATIOISSES CAXADIEXNES " d hommes dévoué.^, amis sincères de leur nationalité « tandis que les sympathies réduites à leur plus " simple expression ont été la seule manifestation de la ^'' foi et du patriotisme dw grand r?.om6r^, " a de quoi surprendre ceux: qui connaissent l'histoire des paroisses de la Nouvelle- Angleterre. Cette théorie, on le voit, n'a pas, à coup sûr, son appli- cation à St-Johnsbury, ou bien, le groupe d'hommes dévoués a dû comprendre presque tous les catholiques de cette paroisse. Da reste, la même remarque doit sappli(|uer, à part quelques grandes villes, à toutes les paroisses canadiennes de l'Est. C'est bien l'œuvre de tout un peuple qui, par sa foi, son dévouement et son patriotisme, a su prélever sur de modestes salaires, les centaines de mille piastres nécessaires pour bâtir ces éoflises et ces couvents. Pourquoi donc marchander ainsi à ce peuple, une admiration à laquelle il a droit ? Pourquoi refuser à ces catholiques les sympathies que méritent leur générosité et leur énergie ? Est-ce donc faire insulte aux Canadiens du Canada que de rendre justice aux Canadiens des États ? .*. * A' Le Rév. 8. Daniélou, l'un des prêtres bretons venus au Vermont avec Mgr de Goësbriand, f ut le premier curé résident de St-Johnsbury. Il finit la vieille église commencée en 1857 par M. O'Reilly, et bâtit une école pour les garçons. Déjà les Sœurs de la Merci avaient un couvent pour les jeunes filles ; et la paroisse se trouva ainsi parfaitement organisée. DIOCÈSE DE BURLINGTON 221 En 1874, M. Daniélou quittait St-Jolmslniiy pour aller exercer le ministère dans le New-Jersey. M. J. A. Boissonneault le remplaça. Ce l'ut sous l'aduiiiiistratiou de ce prêtre zélé et halâle i]ue la paroisse de X.-I). des Victoires devint l'une dics plus florissantes de tout le diocèse de Burlington. En 1874, il teniiina l'école di^^'^ ^arçons, près de la vieille église. En ]87(), il acheta, un grand cimetière pour la paroisse. En Ï87.S, aidé g^'iiéreuseiiieiit ])ar Mgr Rapp, il bâtit le Iteau couvent où les S(eurs de la Con- grégation donnent anjourd'hui aux ])t'tites liiles une excellente éducation anglaise et française. Enfin en 1882, la vieille église étant devenue iiîsuffi- sante pour les besoins de la population, M. Boissonneault entreprit de construire un monuruent qui surpassât en beauté tous les tem])les protestants de la ville, et fut une gloire pour la religion et la paroisse. 11 réussit au delà de toutes les espérances. En descendant à la station de St-Jolinsbur}', vous remarquerez sur l'une des collines où le village est bâti, une maiestueuse con.-^truction en pierres de taille, de 140 X 05 avec un élégant clocher de 200 pieds d'élévation, portant fièrement dans les airs, bien au-dessus de tous les autres monuments de la ville, le signe de notre rédemption ; c'est l'église de N.-I). des Victoires. PAR01!5SES CANADIENNES Je ne sache pas qu'il y ait dans tout le Vermont rien* de plus beau et de mieux fini. L'intérieur est décoré avec goût et sobriété, et deux magnifiques verrières de 20 pieds de large y laissent pénétrer un demi-jour favorable au recueillement et à la prière Les alentours de l'église sont ornés de bouquets d'arbres, de corbeilles de fleurs, de pelouses de verdure ; tout y est d'une propreté et d'une élégance qui fait plaisir à voir. Voilà l'œuvre d'un prêtre Canadien qui, depuis W ans, a mis son zèle et sa vie au service des catholiques de St-Johnsbury. Sa prudente charité a toujours main- tenu une entente parfaite entre les deux fractions de sa paroisse. Jamais le plus léger désaccord ne s'éleva entre elles, quand il fut question de faire toutes ces cons- tructions. Les hommes du métier le savent, c'est là un phénomène assez rare pour mériter d'être signalé. Cette harmonie constante fait le plus bel éloge du tact du pasteur et de la bonne volonté des paroissiens. En 1890, les FF. de St Gabriel ont pris la direction de l'école des garçons. Tout près de St-Johnsbury est Lyndonville, suc- cursale de la paroisse. M. Boissonneault y a bâti une église de 40x25. Il y a là une population catholique de 75 familles Canadiennes et 25 irlandaises. POPULATION CAN4DIENNE DE SAINT JOHNSBURY Familles, Ames, Couv. Gong. N.-l)., S^O. 1700. ^ 160 élèves. FF. St Gabriel, Propriétaires, Electeurs, 150 élevés. Ï75. NEWPORT Vt, Pop. 2,426. PAROISSE DE L'ETOILE DE LA MER Curé fondateur . . . .Rév. J. Michaitd (1S75-1S79) 'Jème Curé Rév. Jos. Kerlidou. . . .(1879-1880) Shiœ Curé Rév. N. Proulx ( 1880-1888 ) Jf^èrrie Curé Rév. F. Yvinec (1888- . . . .) L'Étoile de la Mer, tel est le nom poétique donné à cette paroisse, et jamais nom ne fut mieux choisi. L'église en effet, comme un phare de salut domine la jolie petite ville de Newport, toute entourée d'un amphi- théâtre de collines qui s'ouvrent du côté du lac, et laissent voir des îles de verdure, des promontoires aux formes bizarres, tout couverts de grands et beaux ormes, qui rendent la navigation si pittoresque sur le lac Memphremagog. M. Michaud, prêtre Canadien, né aux États-Unis, fonda cette paroisse en 1875. Un vieux Canadien me racontait d'une manière assez originale les origines de Newport et de Barton. M. Michaud avait réuni son monde dans une salle 224 PAROISSES CANADIENNES publique. Il leur exposa le but de sa mission : " Mes chers " amis, je ne viens point vous arracher votre argent de la " poche, mais je viens vous consoler, vous aider à bien " pratiquer votre religion, à bien élever vos enfants, à " rester de bons Canadiens et de bons chrétiens." — " En " entendant ce sermon, le cœur nous sautait de joie, me " disait le vieux Canadien.— A la bonne heure, voilà un " curé conmie il nous en fallait un. Il est bien avenant, il " va travailler pour nous autres, et il ne veut pas d'ar- *' gcnt, Cfsf Jxn superbe ! mais, ajoutait le vieux bon- " homme avec malice, ça ne dura pas longtemps, et '■ bientôt il fallut de l'argent au Père Michaud tout " connue aux autres curés." ^ On lui en donna généreusement, et il l'employa bien. Il bâtit la jolie église de Newport, et à côté le presby- tère qui, en été du moins, est gracieux comme un petit paradis terrestre. Le Rév. X. Proulx, un prêtre Canadien, lui succéda. RÉV. N. Proulx (1880-1888) Le curé de Newport avait alors une vraie vie de mis- sionnaire. Fidèle au plan qu'il avait essayé de réaliser par son 1. Un mot encore sur ce brave liojnine. "Quand je vins en Amérique, me *• dit-il, j'avais ma vieille mère avec moi et six enfants. Je travaillais chez " les américains. Ma mère mourut. J 'étais trop pauvre pour la faire '* enterrer. Les américains firent une souscription, et donnèrent un beau " cercueil à ma vieille mère, mais ils voulaient la mettre dans le cimetière " protestant. Que faire ? on était dans l'hiver et l'église catholique était à 12 " milles. Je me levai de bon matin et je m'en allai jeter de l'eau bénite dans " la fosse qu'on avait creusée pour ma mère. C'était tout ce que je ptjuvais " faire pour elle. " DIOCÈSE DE BUIILINGTOX 225 œuvre de Rutland, Mgr de Goësbriand le mettait en pratique, avec les prêtres que le Canada lui envoyait. 11 établissait le curé dans un centre assez populeux déjà, et, de là, le faisait rayonner dans un immense circuit, en attendant que ces groupes isolés fussent assez forts pour supporter un prêtre résident. Qu'on juge de la besogne de ces curés-missionnaires par les localités (ju'avait à desservir le curé de Newport. C'était d'abord Barton, 15 milles, puis Lowell, 18 milles, Island-Pond, 2o milles, Wells River, (55 Jtiilles et enfin, llile, 100 milles. On n'avait pas alors, on le voit, Ijeaucoup de temps pour s'ennuyer au presbv^tère. M. Proulx bâtit une école de paroisse, attenante au presb\"tère, et mit toutes choses sur un ti'ès bon pied. En 1888, il fut transféré à Rutland, et le Rév. Fr. Yvinec le remplaçait à Newport. Rkv. F.YviXEr(1888- ) M. Y\inec appartient au dernier détachement (pie Mgr de Burlington alla chercher dans la vieille Bre- tagne. 11 prit aisément racine en Amérique, comme tous les autres prêtres bretons, du reste, mais en même temps, il o-arda fidèlement dans ses allui'es et dans sa personne, les traits les plus caractéristiipies comme aussi les plus originaux de la vieille race d'Armoricpie. C'est plaisir de voir le calme liabituel, la simplicité patriarcale, la bonhomie aimable de ce breton-américain. 2^6 PAROISSES CANADIENNES C*est réjouissant d'entendre les saillies curieuses qui, sans apprêt, mais non sans finesse, lui partent droit de la tête ou du cœur. Connu de tous les prêtres du Ver- mont, aimé aussi de tous, M. Yvinec est ce qu'on nom- mait au XVIIe siècle un fo7't galant hoinnœ, ce qu'on appelle aujourd'hui un bon cœur d'homme. Ce qui est à lui, est aussi à ses amis, c'est-à-dire, à tous ceux qui le connaissent. Il n'aura jamais, j'en suis sûr, 5,000 piastres, ni même 1,000 piastres en banque. Jamais du reste, l'idée ne lui viendra de songer à pareille folie. Si vous voulez passer quelques jours agréables, allez frapper à la porte du presbytère de Newport. Vous y recevrez une hospitalité franche et cordiale qui vous fera du bien au cœur. Si vous êtes breton, et que par conséquent, vous ayiez un faible pour la galette de sarrazin, l'on vous en servira d'excellente, accompagnée bien entendu, du pichet de cidre, qui aide efficacement la galette bretonne à faire son chemin. POPULATION CANADIENNE DE NEWPORT Familles, Ames, École 'parois., Fropr., Élect. 180. 900. 100 élèves. 46. ' 5^, ' Ligue du S. C. ISO membres DIOCÈSE DE BURLINGTON 227 PAROISSES MIXTES Dans presque toutes les paroisses du diocèse, à part trois ou quatre exceptions au plus, les Canadiens forment une portion considérable de la population catholique totale. Souvent, ils sont la moitié ou )nénie les trois-quarts de la paroisse. Ce que l'on nomme paroisses nvixtes dans le diocèse de Burlington, ce sont donc des paroisses où il y a un fort PTand nombre de Canadiens. Cette situation, nous l'avons dit ailleurs, )end plus difficile la conservation de la langue et des traditions françaises, chez la génération élevée aux États. Pour- tant, si les parents ont à cct^ur l'avenir de leurs enfants, et que, fidèles aux exhortations du clergé et aux appels des conventions nationales, ils exigent de leurs enfants le français à la, maison, longtemps encore, je l'espère, ils maintiendront debout cette barrière de la langue, si puissante contre l'influence protestante. Je suis heureux de rendre cet hommage aux prêtres du Vermont, chargés de paroisses-mixtes. Presque tous acceptent loyalement la situation. Ils prêchent dans les \ —Fittsjeld.. .....(1868) :. ^ — Holyde.. : . (1869) ;^ _ Southhridge .(1869) 4 _ Worceder. ...':....... (1870) 5 _ Webster .(1870) 0 _ N'ortk Adams (1871) 7 __ Ware ..(1871) 8 —T.IndÀan Orchard. (1871) V— MancJmug. . : . ..... .1 ......... .-.-. . .(187;2) 10 — SpringfieU. . . : . .(1875) 11 _ Three Rivers... ... .... .' . . . .... .(1883) 1 2 — South Adani.^ (1884) 13 _ Mittineagne. . ... .... ... ... (1884) 14 _ Turnc/rs Falls (1885) 15 _ NorUiampton (1885) 1 (j _ Milbury (1885) '■i7^_ West Gardner:. '.■}.:'}.. .". . . . . : . . : . .(1885) '^iS^— Chicopee ;.:::';.::.•. ... {ISHii) 19 _ Spencer (1886) 20 _ Fitchhurg (1886) 21 — WeM Fitchhurg (1890) 22 — Holyok^ (1890) i PAROISSES CANADIENNES DIOCKSE DE SPHINGFIELl) PITTSFIELD, Pop. 14,466 PAROISSE NOTRE-DAME (18()8) ^(Jv/ré fondatewr . . . . Hév. Ant. iJerbad. . . . (IS68-1870) 2eme Curé Rév. Jos. Quévillon. . . (1870-1884) Sème Curé Rév. Alex. Désaulniers(1884--1890) 4hne Curé Rév. 0. Triganne. ..... (1890- . . . . ) Le Rév. Ant. Derbuel fonda la paroisse canadienne de Pittsfield, et la desservit jusqu'en 1870. Ce fut la première église canadienne bâtie dans le diocèse de Springfield. En 1870, le Rév. Jos. Quévillon en devint curé, et la •desservit avec zèle durant 13 ans. En 1883, le vaillant 234 PAROISSES CANADIENNES missionnaire, étant déjà avancé en âge, fut affligé d'une surdité qui lui rendait difficile l'exercice continu du saint ministère. Mgr O'Reilly lui donna alors comme assistant le Rév. M. A. Désaulniers. Mais le P. Quévillon, comme tous les vieux travail- leurs, accoutumés à conduire leur barque par eux- mêmes, et tout seuls, se trouva bientôt quelque peu désorienté dans sa situation nouvelle. Au bout d'un an, il donnait sa démission et se retirait tranquillement sous sa tente. Survint alors une autre difficulté. Même à 1 âge de 82 ans, le repos était antipathique à la nature ardente du vieux missionnaire, il lui fallait du travail. Il établit donc, dans sa chapelle privée, une confrérie du Tiers-Ordre dé St François, et depuis lors il dirige avec zèle les âmes pieuses qui viennent se mettre sous sa conduite. Les prêtres de la Nouvelle-Angleterre ont célébré avec joie l'année dernière les noces de diamant de l'apôtre zélé qui, le premier, vint aux États consacrer son ministère à ses compatriotes émigrés. Tous le respectent et l'aiment. C'est une de ces heureuses natures qui, même dans le cours d'une longue carrière, n'a jamais dû avoir d'en- nemis. Une grande affabilité de caractère, des manières courtoises et distinguées, un esprit vif, alerte, prompt à la réplique, mais gardant toujours la charité dans ses saillies, ont fait du Père Quévillon un type des plus remarquables, comme aussi des plus aimables parmi les prê£res Canadiens de là Nouvelle -Angleterre. DIOCÈSE DE SPRINGFJELD 235 * * M. Alex. Désaulniers desservit la paroisse de Pittsfield jusqu'en 1890. Il fut alors nommé curé de Gardner, et le Rév. O. Triganne le remplaça. Les traditions de courtoisie et de dévouement se Con- tinueront à Pittsfield. POPULATION c;anadienne de pittsfield FiimiUes, Ames, École, Propr., Élect. mo, msi. 97 élèves. m 122. Soo-iété St J.-B.. 35 memh^es. HOLYOKE, Pop. 35,528 PAROISSE DU PRÉCIEUX-SANG (1869) Curé fondateur. . . . Rév. A. Dufresne. . . . (1869-1887) ^ème Curé Rév. H. Landry (1887-1890) Sème Curé Rév. Chs Crevier . . ... (1890- . , . .) En 1868, le Rév. A. Dufresne, alors curé de Sutton, dans les cantons de TEst, obtint de son évêque la per- mission de se consacrer à l'évangélisation des Canadiens émigrés aux États. Il se mit à parcourir en missionnaire le Maine, le New Hamphire et le Massachussetts, prêchant, confes- sant, donnant des missions et partout exhortant les Canadiens à se former en paroisses distinctes. A la fin de 1868, il arrivait à Holyoke. Ce n'était alors qu'un petit village manufacturier, situé à sept milles de Springfield, mais les pouvoirs d'eau étaient magnifiques. M. Dufresne comprenant aussitôt, PRECIEUX SANG, HOLYOKE, MASS. DIOCÈSE DE SPRINGFIELD 237 avec une justesse de coup d'œil remarquable, 1 impor- tance que ce centre d'industrie ne tarderait pas à prendre, résolut de s'y fixer. A l'ouest de la ville, se trouvait un vaste terrain sablonneux et inoccupé. La compagnie qui en était pro- priétaire permit volontiers à M. Dufresne d'y élever une modeste chapelle en bois, et, quelques années plus tard elle donnait à l'évêque de Springfield les titres de cette propriété qui allait devenir l'une des plus florissantes paroisses de la Nouvelle -Angleterre. : * En 1873, M. Dufresne jeta les fondements de la grande et belle église du Précieux-Sang ; déjà même le soubasse- ment était presque terminé, (piand une terrible calamité vint éprouver la paroisse nouvelle. Les exercices du mois de Marie se faisaient dans une chapelle en bois attenant à l'église en construction. Tout-à-coup le feu prend dans les tentures de l'autel, et en quelques instants il gagne le sanctuaire et le reste de l'édifice. 11 y eut alors une panique indescriptible. Au lieu de se sauver facilement en sautant par les fenêtres sur les échaufaudages de la nouvelle église, les quels se trouvaient tout proche, les personnes assises dans les galeries se précipitèrent dans les escaliers et vinrent se heurter à la masse compacte qui sortait par la grande allée. Ce fut alors un spectacle horrible. De nombreux assistants entouraient la chapelle en feu, 238 PAROISSES CANADIENNES impuissants à porter secours aux malheureux que mena- çait une mort terrible. Le feu s'avançait toujours ; bientôt, passant sur la tête de cette foule qui ne pouvait plus ni avancer, ni reculer, il prend dans les vêtement?. Alors on vit des mains crispées s'agiter dans l'air, l'on entendit un cri suprême d'agonie et de terreur, puis le silence se fit. Soixante-sept victimes, parmi lesquelles un des frères de M. Dufresne, avaient péri dans les flammes. Le Curé ne se laissa pas abattre par cette catastrophe. Il transféra aussitôt ses paroissiens dans le soubasse- ment de l'église nouvelle, fit hâter les travaux, et l'année suivante, en 1874, il prenait possession de l'église du Précieux-Sang, l'une des plus grandes et des plus belles que les Canadiens aient bâties dans la Nouvelle- Angle- terre. Alors commença pour la paroisse de Holyoke une ère de prospérité qui alla toujours en augmentant depuis. De nombreux et beaux blocs s'alignèrent autour de l'église, et des milliers de Canadiens furent heureux de venir habiter à l'ombre du clocher catholique. Seul pour desservir une population qui comptait déjà plus de 4,000 âmes, sans presbytère, couchant sur un canapé dans sa sacristie, M. Dufresne faisait face à tous les besoins. Son activité était infatigable, son initiative ne se ralentissait pas un seul instant. Il ne cessait d'aider ses compatriotes de ses conseils, souvent même de sa bourse. Aussi, en quelques années, réussit-il DIOCÈSE DE SPRINGFIELD 239 à créer à Holyoke un centre important et exclusivement Canadien. Ardent promoteur des principes de l'Église en ma- tière d'éducation ; intimement convaincu que, pour les Canadiens, comme du reste pour les autres catho- liques, l'école paroissiale est le seul moyen de garder la religion, M. Dufresne bâtit, en 1883, un grand couvent qu'il confia aux Sœurs Grises de Saint- Hyacinthe. Huit cents enfants, arrachés aux écoles publiques, vinrent recevoir une éducation catholique et française. *** En 1884, à la suite d'une grande mission prêchée pour les hommes par le R. P. Hamon, S. J,, la Ligue du Sacré- Cœur fut établie à Holyoke. Cinq cents hommes s'y enrôlèrent, et leur nombre n'a fait qu'augmenter depuis ; aujourd'hui ils sont un millier. Cette Ligue, berceau de toutes les autres Ligues qui ont été fondées aux États, s'est toujours distinguée par sa ferveur et son ardent patriotisme. Le Rév. M. Dufresne en avait fait son œuvre de pré- dilection. Fidèle à réunir ses hommes, à les préparer aux communions générales, son cœur de prêtre jouissait du saisissant spectacle qu'offrait alors la grande église de Holyoke. Au sanctuaire flottait lé beau drapeau de la Ligue, don de M. Dufresne. De cinq à six cents Ligueurs, l'insigne du Sacré - Cœur sur la poitrine, venaient dans un ordre parfait recevoir la communion des mains de leur curé, et renouveler leurs promesses au Cœur de Jésus. 240 PAROISSES CANADIENNES En 1887, l'infatigable pasteur songeait à avoir une école de frères ; déjà même le terrain était acheté, l'on allait bâtir quand la mort vint arrêter le rude travail- leur. M. Dufresne mourut le 24 mai 1887. *** D'une activité extraordinaire, d'une énergie de volonté que rien ne décourageait, et qui finissait par triompher des obstacles, M. Dufresne sut façonner peu à peu les éléments divers et difficiles qu'il avait sous la main, et les former en paroisse régulière et disciplinée comme l'une des vieilles paroisses du Canada. Bien que seul, il réussit cependant à mener à bonne fin de nombreuses entreprises religieuses et patriotiques. Il rencontra des critiques, il eut même des ennemis déclarés : (quel prêtre dans sa situation aurait pu éviter cette épreuve ?) Il laissa dire les critiques et alla son chemin. Par ses vertus sacerdotales il réduisit ses ennemis à l'impuis- sance, ou, — triomphe encore plus beau, — les força enfin à rendre hommage à son zèle et à son dévoue- ment. Du reste, il ne garda jamais dans le creur le moindre ressentiment contre ceux qui, trop souvent payèrent des services reçus par la persécution la plus injuste. Dans l'intimité de la conversation il les plai- gnait, et son seul désir était de les voir revenir à Dieu et à la pratique de leurs devoirs de chrétien*. Obligeant envers ses confrères, toujours disposé à leur rendre service, il était, en outre, pour eux d'une cha- DIOCESE DE SPRINGFIELD 241 rite à toute épreuve. Jamais on ne l'entendit critiquer l'administration ni la conduite des autres, et si dans la Conversation quelqu'un relevait une imperfection ou signalait un défaut, vite le P. Dufresne trouvait quel- qu'excuse et mettait l'entretien sur un autre sujet. Tel fut l'homme et le prêtre que la Providence donna aux Canadiens des États-Unis, comme l'un de leurs pre- miers apôtres et de leurs travailleurs les plus infati- gables. Longtemps les paroissiens de Holyoke eonservennit un souvenir reconnaissant de ce grand vieillard, au corps droit conmie une flèche, au visage ascétique, amaigri par le travail et uhe vie d'abstinence vraiment étonnante. Longtemps ils se rappelleront le zèle et la charité de celui qui fut le fondateur et durant de longues années, le guide de la belle paroisse du Précieux- ,8ang de Holyoke. • '2èm(' Curé. Rév. H. Laitdrt/ (ISS7-LH90) Le Rév. H. Landry, curé de Webster, fut appelé à le remplacer. Son premier soin fut de faire un recensement exact de la paroisse, et l'on trouva plus de 13,000 Canadiens à Holyoke. Evidemment, la grande église du Précieux- Sang ne pouvait plus suffire aux besoins de la popu- lation. Kn 1890, Mgr O'Reilly créait une nouvelle paroisse Canadienne qu'il confiait au zèle de M. Bruneault, alors curé de Gardner. t42 PAROISSES ÇANAPIENNES Bientôt la ville de Holyoke aura donc deux belles églises pour les Canadiens, et peut-être même avant longtemps lui en faudra-t-il une troisième ; car ces Ca- nadiens des États, bien loin de diminuer, comme certaine prophètes l'annonçaient avec assurance, montrent jija contraire une tendance très prononcée à se multiplier au delà de toutes les prévisions. L'année même de la division du Précieux-Sang, M. H, Landry mourait le 5 juillet 1890. Le Rév. Chs Crevier, ancien curé de North Adams et d'Indian Orchard, a pris la direction de la belle paroisse du Précieux-Sang de Holyoke. POPULATION CANADIENNE DE HOLYOKE Familles, Ames, Couv. Ste Anne, Prap , Meet UtO. 1S,WB. 1171 éUves. Société Si J.B. 350 membres. Ligue du.S.-C. 1000. SOUTHBRIDGE, Pop. 7,700 PAROISSE NOTRE-DAME (1869) (Jîtré fondatewr Rév. N. Lehreton (1869-1875) '2hm Curé Rév. 0. Elz. Brochu .... (1875- .. ..) Le Rév. N. Lebreton fonda la paroisse canadienne de fSouthbridge. Il en resta curé jusqu'en 1875. Le Rév. G. Elz. Brochu, aujourd'hui Mgr Brochu, Protonotaire apostolique, le remplaça. Southbridge est un centre canadien important. Sa population est bonne, religieuse, active, mais parfois il lui arrive de se montrer d'un entrain un tant soit peu exubérant. Durant plusieurs années, elle se prêta diffi- cilement à la formation que M. Brochu désirait lui donner ; la lutte fut longue, elle eut ses crises aigties, «t fut mouvementée par des incidents qui surprirent d'une manière désagréable les Canadiens des paroisses voisines. Malgré tout M. Brochu tint bon, et enfin il eut le dernier mot. 244 PAROISSES CANADIENNES En 1880, il bâtit un couvent qu'il confia aux Sœurs de Ste Anne. La présence des religieuses produisit sur les esprits un effet merveilleux. Elles semblaient avoir apporté avec elles l'olivier de là paix. Tout rentra dans un calme parfait. En 1887, le Kév. M. Brocliu re(;ut, en récompense de ses travaux et de sa charité pour les missions du Nord- Ouest, le titre de prélat romain. C'était le premier prêtre Canadien des États de l'Est à qui Rome conférait pareil honneur. En 1890; il fut élevé à la dignité de Protonotaire apostolique. Aujourd'hui les Canadiens de Southbridge sont fiers, à i liste titre, de Monsei teneur Brochu, et celui-ci, de son côté, semble apprécier de plus en plus les qualité de ses braves paroissiens. Tout est donc pour le mieux. Il est, dit-on, question de remplacer l'église actuelle par une cathédrale du coût de 100,000 piastres, et Mgr Brochu fournirait lui-même généreusement une bonne partie de cette somme. Cet on-dit est-il exact ^ Je l'ignore, mais une chose me paraît claire : si les Canadiens de Southbridge se mettent une bonne fois en tête d'avoir une cathédrale^ ils l'auront. ..POPULATION CANADIENNE Dî: SOUTHBUIDGÉ Fiim'dléfi, Aines, Gow. Ste Anne, Prop., Elect. G69. .1^077. 627 élèves. /2o. 270, ■ Société Sf J.-B. 297 iiiembres. ' ' N. D. DES CANADIENS, WORCESTER, MASS. WORCESTER, Pop. 68,291 PAROISSE NOTRE-DAME DES CANADIENS (1870) Curé fondateur.. Rév. J.-B. Frimeau (1870-188'2) ^ème Curé. Rév. P. F. Vignon, S. J. . .(188^-1882) Sème Curé Rév. F. I. Baudry, S. J. . .(1882-1884,) Jf£.rïie Ciiré Rév. J. Brouillette (1884- ■ - ■ -) En 1852, M. M. Mignault, aidé de quelque 40 familles Canadiennes, essaya de bâtir une église à Worcester ; mais après deux a,ns d'efforts, l'on dut reconnaître que l'entreprise était trop au-dessus des ressources de la petite colonie, et l'on abandonna aux mains du Rév. Gibson le terrain, les travaux déjà faits, plus une somme d'une centaine de piastres qui avait été collectée dans ce but. L'église fut terminée ; c'est aujourd'hui la paroisse Ste Anne de Worcester. 17 246 PAROI^JSES CANADIENNES *** Cet échec n'avait cependant pas ruiné à jamais les espé- rances des catholiques Canadiens. Aussi quand M. J. B. Primeau vint à Worcester en 1869, il lui fut facile de ranimer l'ardeur de ses compatriotes, pour avoir une église à eux. Sur l'un des côtés du Parc central de la ville, un temple protestant était à vendre ; les Canadiens l'ache- tèrent, et après lui avoir fait subir les transformations nécessaires pour son nouvel usage, ils le dédièrent à la Vierge Marie. La belle paroisse de N.-D. des Canadiens de Worcester était fondée (1870). En 1880, M. Primeau fit venir les Soeurs de SteAnne et ouvrit une école paroissiale dans le soubassement de l'église. Deux ans plus tard, il donnait sa démission pour s'en aller à Toledo, dans l'ouest ; mais les Canadiens de Worcester se rappelleront longtemps la parole éloquente de M. Primeau, et lui seront reconnaissants pour les services signalés qu'il a rendus à leur paroisse nais- sante. Mgr O'Reilly demanda alors aux RR. PP. Jésuites du Canada, de prendre temporairement la desserte de la paroisse, et le Rév. P. Vignon devint curé de Worcester, avec le P. Leblanc pour assistant. «Il n'y resta toutefois que huit mois, son supérieur DIOCÈSE DE SPRINGFIELD 247 l'ayant rappelé pour diriger la maison de Trois - Rivières. Mais durant ce court espace de temps, le bon P. Vignon, par sa douceur inaltérable, sa prudence et son extrême charité, avait su gagner l'estime et la confiance des prêtres de la ville, aussi bien que l'affec- tion des Canadiens de Worcester. Son départ fut vivement regretté de tous. Le R. P. Isid. Baudry le remplaça (1882-1884). Le P. Baudry était le zèle personnifié. Toujours prê- chant, toujours confessant, il semblait ne connaître ni la fatigue, ni le repos. Une série de retraites qu'il donna lui-même, remua profondément la paroisse et y ranima la ferveur. Le P. Leblanc, de son côté, s'était rendu populaire parmi les jeunes gens et surtout auprès des enfants. La dette de la paroisse baissait notablement chaque année, les sociétés s'affermissaient, les commu- nions devenaient nombreuses ; tout, en un mot, marchait à merveille, quand les deux Pères, sur l'ordre de leurs supérieurs, dûront laisser la paroisse et reprendre le chemin du Canada. Les regrets furent nombreux et sincères parmi les Canadiens L'on garde encore un souvenir reconnaissant des travaux apostoliques du R. P. Baudry, aussi bien que de l'affection du P. Leblanc pour la jeunesse de Wor- cester. * Le Rév. Jos. Brouillet, ancien curé d'Albany, devint ensuite curé de N.-D. (1884, juin) Il se mit à la besogne, avec une activité digne de tout éloge. 248 PAROISSES CANADIENNES Les Sœurs de Ste Anne s'étaient logées, tapt bien que mal, dans le soubassement de l'église ; mais cette installation, à la fois insuffisante et malsaine, ne pou- vait durer d'evantage. M. Brouillette acheta une maison, à côté du presby- tère, et en fit le couvent des religieuses. La population de South Worcestei-, éloignée du centre, pouvait difficilement venir à N.-D. ; M. le curé acquit, à ses frais, deux grandes maisons qu'il transforma l'une en chapelle, l'autre en école. Chaque jour, des Sœurs partent de la maison mère pour aller enseigner les enfants de South Worccster. En 1888, il procura les mêmes avantages aux Canadiens de la Côte. La pop-u- lation de ces deux centres augmentant sans cesse, le jour n'est probablement pas éloigné où il faudra les détacher de l'église-mère, pour former deux nouvelles paroisses canadiennes-françaises. ^ * * Cette paroisse de N.-D., sans contredit l'une des plus florissantes, comme aussi des mieux établies de la Nou- velle-Angleterre, compte un bon nombre de Canadiens dans le commerce et les professions libérales. Toujours aussi, elle s'est fait remarquer par son patriotisme et sa résolution de maintenir intact le progfcimrne des Cana- diens émigrés. L'impulsion donnée jadis à cette colonie française par Ferd. Gagnon, ccmtinue encoie ; son esprit la vivifie, de l. Les Canadiens do la Côte viennent d'Otro formés en paroisse distincte avec le Rév. M. Graton comme Curé. DIOCÈSE DE SPRINGFIELD 249 nombreuses sociétés y entretiennent la vie nationale, tandis que le Travailleur, rédigé aujourd'hui par un jeune homme de talent et d'énergie, M. J. Tardivel, y poursuit vaillamment l'œuvre du grand patriote Cana- dien. Placé au centre de nombreuses paroisses canadiennes du Rhode Island et du Massachussetts, Worcester doit être une des plus fortes citadelles de la cause canadienne dans la Nouvelle- Angleterre. C'est là sa noble et grande mission. Que les Canadiens de Worcester Taccomplissent tou- jours avec énergie et persévérance, et que toujours aussi, ils restent fidèles à la mâle déclaration de Ferdinand Gagnon : " Soyons loyaux, respectons le dra,peau qui nous " protège, aimons le, défendons le de notre bras, .... ' mais en même temps restons Canadiens-français. *' Conservons précieusement notre langue et notre foi" " Loyaux, oui ; Français, toujours ! " POPULATION CANADIENNE DE WORCESTER Familles, Ame^, Couv. Ste Anne, Propr., Elect. 154,8. 9,135. IWOéUves. 3?35. 675. Société S. J-B. 722 membres. Ligue du S.-C. 4S0. 3150 PAROISSES CANADIENNES AUTRES SOCIÉTÉS Association Gagnon ^S membre» Cadets militaires de N.-D 50 Cercle Champlain i ... ; 50 Cercle Lafayette (militaires) 52 Société des coynmerçants " Union St Joseph SOI En 1889, M. Brouillette ouvrit à South Worcester un orphelinat pour les enfants Canadiens. Peu de temps après, il fit l'acquisition d une grande ferme à Stoneville pour y transférer cet établissement. Tout marchait à souhait et la catholique population de Worcester encourageait l'œuvre avec générosité, quand des diflScultés tout-à-fait imprévues, sont venues soudain arrêter l'élan de cette fondation charitable. Ce ne sera pourtant pas son coup de mort, je l'espère, et les bonnes Sœurs Grises de Montréal qui en ont maintenant la direction sauront bien, après quelque temps la consolider et lui faire porter les fruits heureux qu'on a le droit d'en attendre. Deux autres orphelinats pour les Canadiens vont s'ouvrir dans la Nouvelle- Angleterre : l'un à N.-D. de Lourdes (Fall River) l'autre à Biddeford (Maine). WEBSTER, Pop. 6,220 PAROISSE SAINT-LOUIS (1870) Curé fondateur Rév.M. Gosson (1870-1871) ^ème Curé Rév. A. Landry (1871-1886) Sème Guré Rév. H. Landry (1885-1887) ième Curé ....Rév. J. Legris (1887-. .,.) En 1870, M. Cosson acheta une église protestante un peu en dehors de la ville, et au centre de trois villages habités par bon nombre de Canadiens. En 1871, il fut nommé curé Qe Spencer, et M. Arsène Landry le remplaça. Prêtre distingué et savant, le Rév. A. Landry sut donner de la cohésion aux éléments divers qui compo- saient sa nouvelle paroisse. En 1883, il bâtit à ses frais un splendide couvent, qui coûta au-delà de 18,000 piastres. Les Sœurs de Ste Anne l'occupèrent. 262 PAROISSES CANADIENNES Bientôt la population américaine de Webster fut fort étonnée du changement merveilleux que les bonnes sœurs avaient, en peu de temps, opéré parmi les petits canadiens, autrefois si turbulents, maintenant si bien disciplinés. On aimait à les voir parcourir deux à deux en rang, dans un ordre parfait la longue distance qui sépare le couvent de l'église. Des séances publiques à l'Hôtel de ville, aux^quelles on invita les Américains» achevèrent de gagner les esprits. Chose étrange, bon nombre de familles protestantes demandèrent à placer leurs enfants au couvent ; mais le manque de place et d'autres considérations encore, empêchèrent M. Landry de se rendre à leurs désirs. M. Landry mourut deux ans après avoir achevé son couvent (^1885). Son frère le Rév. Hermas Landry, curé d'Indian Orchard, le remplaça à Webster. Il réorganisa la pa- roisse et rétablit les fiances laissées un peu en désarroi, par suite de la longue maladie de M. Arsène. En 1887, à la mort de M. Dufresne, M. H. Landry fut nommé curé de Holyoke. M. J. A. Le^ris lui succéda. Dans les montagnes de Shelburn' Falls, M. Legri* avait, pendant quelques années, fait un rude apprentis- sage de la vie de missionnaire. C'était, du reste, un tra- vailleur infatigable. Seul pour desservir une paroisse dé ptèé de 3,000 âmes et un grand couvent, il ne laisse rien en soùf- DIOCèSE DE SPRINGFIBLD 253 france. La dette qui restait encore sur le couvent, se paye rapidement, les sociétés religieuses sont bien suivies, la paroisse est florissante. POPULATION CANADIENNE DE WEBSTER Familles, Ames, Goiiv. 8t Anne, Propr., Elecf. 573. 294.0. 500 élèves. ^d. 269. Soc. St J.-B. 150 membre.^. Ugve du S. -G. SO^. NORTH ADAMS, Pop. 12,540 PAROISSE NOTRE-DAME DU SACRÉ-CŒUR (1871) Curé fondateur . . . .Rév Chs Grevier (1871-1886) ^hne Curé Rév. Ls Leduc (1886-. . ..) En 1871, le Rév. Chs Crerier, prêtre du diocèse de Montréal, fut envoyé par Mgr O'Reilly à North Adams pour y fonder une paroisse Canadienne. Actif et insinuant, M. Crevier sut bien vite se con- cilier la bienveillance des catholiques et des protestants de la ville. Au prix de 400 piastres par année, il loua une vieille chapelle sur Center street, et y commença les offices divins. Puis il se mit à la recherche d'un terrain favorable pour la future église. Sur la rue commerciale de North Adams, au sommet d'une colline d'où l'on domin« toute la ville et les vallées avoisinantes, il acheta un vaste emplacement avec une mai<3on qui devait servir de presbytère. DIOCÈSE DE SPRINFIELD 255 L'on se mit à l'œuvre, mais l'entreprise fut plus diffi- cile qu'on ne l'avait pensé d'abord. Le terrain était argileux. Pour soutenir une construction comme celle que l'on projetait d'élever, il fallut faire des fondations en ciment qui coûtèrent plus de 15,000 piastres. Cependant tous les obstacles furent surmontés. En 1875, les Canadiens prenaient possession d'un beau soubassement, entièrement hors de terre, de 180 pieds de longueur par 18 de hauteur. Ce soubasse- ment devait plus tard servir d'écoles de paroisse. Durant dix longues années, tous les revenus de l'église allèrent à payer les intérêts de la dette contractée par tous ces grands travaux, et à amortir quelque peu le capital. Mais les Canadiens de North Adams s'en- fiuyaient de rester dans ce soubassement, quelque beau qu'il fut : il leur fallait une église. En 1885, M. Crevier se mit à l'œuvre, et bientôt une flèche élégante de 190 pieds d'élévation, alla porter dans les airs la croix du Sauveur, et annoncer le plein succès de l'entreprise. * * Fatigué par ces travaux incessants, le brave curé sentit alors le besoin de prendre un peu de repos. A ce moment, — coïncidence heureuse — , M. Ls Leduc, de West-Troy, dont l'église venait d'être la proie des flammes, se trouvant en visite à North Adams, accepta de remplacer temporairement M. Crevier qui partit pour un voyage en Californie. 256 PAROISSES CANADIENNES A son retour, constatant les résultats heureux de l'administration de son substitut, et souhaitant, du reste, une position plus tranquille que North Adams, M. Cre- vier quitta définitivement *sa cure pour s'en aller à ]ndian Orchard succéder à M. Dùcharme qui venait de mourir. M. Ls Ledue devint alors curé en titre de North Adams. Terne Curé : Rév. Ls Leduc (1886- . . . .) L'extérieur seul de l'église était terminé, mais le nouveau 'pasteur entreprit aussitôt de fi-nir l'intérieur, bien résolu d'en faire un des plus beaux temples de la Nouvelle-Angleterre. L'on se souviendra long^temps de la fameuse soirée, où les paroissiens de North Adams, électrisés par la parole ardente de leur jeune curé, souscrivirent si généreuse- ment pour la décoration de leur église. M. Leduc voulait faire exécuter un magnifique autel en bois, qui devait coûter au moins 2,000 piastres. Deux Canadiens, MM. Vadney et Matthieu Owens, se chargent de la dépense. Il fallait des autels latéraux, en rapport avec le maître-autel qu'on allait élever. Mme Vadney, ne voulant pas le céder en générosité à son mari, donne son billet pour 500 piastres. Le Dr Matte souscrit 500 piastres pour l'autre, et Mme Dr Matte donne 200 piastres pour la lampe du sanctuaire. Il fallait quatre grandes statues, de $100.00 chacune; Des jeunes gens s'unissent et les paient: DIOCESE DE SPRINGFIELD 257 Il fallait un Chemin de Croix. La congrégation des jeunes filles s'en charge. Il fallait des verrières ; les autres sociétés et des familles particulières les promettent. Bref, dans cette séance, on avait souscrit plus de 5,000 piastres qui furent bientôt fidèlement versées entre les mains de l'habile pasteur. Ses désirs furent réalisés. En 1889, il finit l'intérieur de l'église, l'une des mieux décorées de toute la Nouvelle-iingleterre. Non content d'avoir déjà contribué généreusement à payer le maître-autel, ^L Vadiiey voulut encore doter la paroisse d'un orgue de 3,000 piastres. Enfin en 18S8, l'on plaça dans la tour un carillon de trois cloches, du prix de ^500 piastres. Voilà ce que les Canadiens de North Adams ont fait, en quelques années pour Dieu et leur église. La dette est encore considérable, il est vrai ; mais grâce à la géné- rosité des paroissiens, comme aussi à l'habileté du pas- teur, — un véritable homme d'affaires, — cette dette sera liquidée avant longtemps. Les Canadiens de North Adams sont, à bon droit, fiers de leur église. Elle fait leur gloire aussi bien que l'admi- ration des Américains de la ville qui viennent la visiter en grand nombre. En 1888, M. Leduc acheta une grande maison bâtie par M. Crevier, tout à côté de l'église, et en fit un cou- 258 PAROISSES CANADIENNES vent pour les Sœurs de Ste Anne qui, en 1890, ont pris la direction des écoles. Elles ont 540 élèves auxquelles elles enseignent l'anglais et le français. La langue n'est donc pas en danger de se perdre de sitôt dans cette localité. *** North Adaras a déjà donné naissance à une autre paroisse Canadienne, South Adams, à trois milles de distance. Or, voici que M. Leduc vient de finir à Williamston, une église en briques, du prix de 10,000 piastres. Cette église aura avant longtemps, elle aussi, son prêtre rési- dent. C'est le champ particulier que cultive avec zèle son vénérable assistant, le Rév. Joseph-Magloire Rioux, ancien curé de Saint-Flavien (Québec), La piété de ses Canadiens du Grey Lock et de Williamston, le zèle qu'ils montrent pour la religion, lui rendent la vie américaine très supportable à North Adams. Il ne s'ennuie pas trop du Canada. *** Quand M. Crevier commença son œuvre, il y avait 150 familles Canadiennes dans la ville et. la vallée de North Adams. Aujourd'hui, dans un rayon de 4 milles, il y en a 1250 avec tout près d« 7,000 âmes. DIOCÈSE DE SPRINGFIELD 259 Les prophéties qui annonçaient l'absorption des Canadiens, en quelques années, ne sont pas, on le voit, en train de se réaliser, au moins à North Adams. POPULATION CANADIENNE DE NORTH ADAMS Familles, Ame^, Couv. Ste Avne, Propr. Élect. 7m S750. olfD éUves. 10%. 281, Soc. St J.-B. 188 membres. Ligue du S.-C. 360. POPULATION CANADIENNE DU GREY LOCK ET DE WILLIAMSTOWN Familles, Atyics, Qrey Loch 35. 175 Williamstown 80. Jf.00. WARE ET GILBERTVILLE, Pop. 6,000 NOTRE-DAME DU MONT-CARMEL (1871) Curé fondateur Rév. Ls Gagnier (1871) Urne Curé Rév. P Boucher (1872-1883) Sème Curé Rév. J. T. Sheehan. . . (188S- ....) Le Rév. Ls Gagnier, le zélé missionnaire des Cana- diens, a bâti les deux églises de Ware et de Gilbert ville en 1871, et le Rév. Pierre Boucher en fut curé jusqu'en 1883. Alors, à la suite de difficultés avec ses paroissiens, il quitta Ware et s'en alla exercer le ministère dans les Etats de l'Ouest. Le Rév. J. T. Sheehan lui succéda en 1883. M. Sheehan est d'origine irlandaise, mais ayant fait ses études à Nicolet, en Canada, il parle très bien le français. Nommé d'abord vicaire à Northampton, il s'occupa activement des Canadiens de cette ville, et gagna bien vite leur affection. Lorsqu'il fut envoyé à Ware, il pouvait donc s'attendre à rencontrer même sympathie. DIOCÈSE DE SPRINGFIELD 261 Pourtant, il en alla tout autrement. La dette sur l'église de Ware était considérable. Le nouveau curé, voulut l'éteindre rapidement, et dans ce but il fit des quêtes souvent répétées. De plus, désirant doter sa paroisse d'un grand couvent, il obtint de l'évêque l'autorisation d'imposer un supplément de 25 centins par quartier sur chaque place de banc. Cette mesure fut le prétexte d'un soulèvement consi- dérable. * * Il y avait à Ware un certain groupe de Canadiens animés d'un assez mauvais esprit, et qui déjà avaient causé bien du trouble au prédécesseur de M. Sheehan. La révolte commença. Elle donna lieu, à diverses reprises, à des scènes de violence des plus regrettables. En vain, Mgr O'Reilly, accompagné du Rév. Ls Gagnier, vint-il en personne essayer de calmer les esprits agités ; en vain M. Sheehan fît-il donner une grande retraite, en 1886, et offrit-il aux mécontents les conditions de retour les plus favorables : tout fut inutile. Les chefs cabalèrent. Durant la retraite i\h louèrent une salle publique, puis s'en allant de maison en maison ils forcèrent leurs adhérents à se rendre à cette contre- mission. Un Jeune étudiant en droit, mandé pour l'occasion, vint tout exprès de Montréal débiter à ces pauvres gens toutes sortes d'inepties sur le Droit Canon et l'appel à Rome. Ces Canadiens, qui n'avaient pas 25 centins à donner, chaque trois mois, pour se bâtir un couvent, 18 262 PAROISSES CANADIENNES trouvèrent moyen de souscrire une somme considérable pour porter leur cause à Rome, et, de plus, ils présen- tèrent une montre d'or au jeune homme entreprenant, qui leur avait dit des choses si merveilleuses sur le Droit Canon en général, et leur droit de révolte, en par- ticulier. Les troubles continuèrent. Les Suisses, toujours aux aguets pour profiter de l'occasion, essayèrent d'ouvrir une chapelle à Ware. Pourtant, disons-le en justice pour ces Canadiens, tous refusèrent de prêter l'oreille aux distributeurs de Tracts, et attendirent avec patience la victoire certaine que le brillant jeune homme de Montréal leur avait promise, à courte échéance. Ils attendent encore, bien entendu. Au milieu de cette tempête le Rév. J. Sheehan resta ferme comme un roc. * En 1836, il avait fait l'acquisition d'un grand et ma- gnifique terrain tout près de la ville. En 1888, il bâtit un vaste couvent qu'il confia aux religieuses de Ste Anne, leur donnant, en même temps, le soin des écoles de Gilbertville. Peu à peu le calme se rétablit. Les mécontents quit- tèrent la paroisse en bon nombre, de nouvelles familles, mieux disposées, les remplacèrent, et le couvent fut à Ware, comme ailleurs, un agent efficace d'apaisement et d'union entre le pasteur et ses paroissiens. DIOCÈSE DE SPRINGFIELD 263 Gilbertville est un village situé à 3 milles de Ware. Il y a là une belle église et une population catholique moitié canadienne et moitié irlandaise. Avant longtemps Gilbertville pourra former une bonne et belle paroisse. POPULATION CANADIENNE DE WARE ET DE GILBERTVILLE Familles, Ames, Coiiv. Ste Anne, Propr., ElecL, Ware HO- 1^61. 300 élèves. 58 20^. Gilbertv. 165. 868. 100 "- IJ,. 76. Cercle Gatholique : J^D rnemhres. Lir/wc dti S G. 160. INDIAN ORCHARD, Pop. 3,000 PAROISSE SAINT -LOUIS (1878) Curé fondateur . . .Rév.Ls Gagnier (1873-1877) reme Curé Rév.H. Landry (1877-1886) Sème Curé Rév. Chs Ducharme (1886-1887) Jf^hiie Curé Rév. Chs Crevier (1887-1890) Berne Curé Rév. Clov. Beaudoin .... (1890- . . . .) A quatre milles de Spiingtield, au fond d'une vallée toute ombragée d'arbres, s'élève le joli village d'Indian Orchard, peuplé en grande partie par les Canadiens. Là se trouve une des nombreUv«es paroisses fondées par M. Gagnier, de 1870 à 1875. M. Hermas Landry en fut le premier curé résident (1877). • M. Landry était un jeune prêtre du diocèse de Mont- tréal. D'une faible santé, ainsi que son frère Arsène, l'un et l'autre menacés de consomption au dire des mé- DIOCÈSE DE SPRINGFIELD 265 decins, les deux frères s'en allèrent travailler comme missionnaires en Floride. Au bout de quelques années, se trouvant parfaitement rétablis, ils vinrent offrir leurs services à l'évêque de Springfield, Mgr O'Reilly, qui les accepta. M. Arsène Landry fut nommé à la cure de Webster, et son frère Hermas eût celle d'Indian Orchard et de Ohicopee. M Laidry fit de suite bâtir un grand et beau pres- bytère, puis il construisit poui' sa succursale de Cliicopee, Q à trois milles de distance, une éo-lise gothique de fort l^on goût. * * * La population d'Orchard était tianquille et pieuse. M. Landry régla sa paroisse comme une véritable com- munauté religieuse. Il forma une confrérie de la Bonne Sainte Aime, et en 1884, à la suite d'une mission, il établit la Ligue des Hommes avec 170 membres. Ce fut la 2ème Ligue fondée dans le diocèse de Springfield. Comprenant l'importance d'avoir dans sa paroisse une société d'hommes fervents, pour diriger et moraliser les familles, M. Landry n'épargna ni fatigues, ni travaux, afin de maintenir sa Ligue florissante. Av3c le franc parler qu'on lui connaissait, il ne se gênait pas de dire à l'occasion. " On donne trop de " temps aux femmes, et pas assez aux hommes. Occu- '' pons-nous des hommes, et les femmes suivront, c'est ^'' dans Tordre. " Et ce qu'il disait, il le faisait aussi. 266 PAROISSES CANADIENNES Jamais il ne manquait, chaque mois, de réunir ses hommes de la Ligue, pour les encourager et les main- tenir. Avec le plus grand soin aussi, il veillait à ce qu'ils fissent régulièrement les communions générales qu'ils avaient promises. Tant qu'il resta curé d'Indian Orchard, il cultiva de la sorte sa belle société d'hommes, et, plus tard, à Webster et à Holyoke, il continua de porter le même intérêt aux Ligues qu'il y trouva établies. Disons-le en passant, partout où les prêtres prendront ainsi un soin spécial des hommes^ ils en seront récom- pensés par les fruits les plus abondants, et les plus con- solants pour leur ministère. *** Orateur à la parole facile et impétueuse, travailleur infatigable, M. Landry cachait sous des manières parfois un peu brusques, un cœur bon et vraiment charitable. Il ne savait refuser ni une faveur qu'on lui demandait, ni une aumône qu'on sollicitait. Un de ces quêteurs habitués de presbytère, venait-il demander d'être assisté ? M. Landry commençait d'abord \ ar disputer, par reprocher à l'homme sa paresse ou son inconduite. Puis, lui mettant brusquement quelques dollars dans la main, il l'invitait, d'une voix rude, à partir et à ne plus revenir. L'homme partait, mais la semaine suivante, bien entendu, il revenait au'presbytère, et la même scène se renouvelait encore. DiaCÈSE DE SPRINGFTELD 2(j7' A Indian Orchard, durant plusieurs hivers, M. Landry paya de ses propres deniers la subsistance et le chauf- fage de nombreuses familles dans le besoin. Son bon cœur et son caractère fort, qui, malgré des impétuosités parfois un peu déconcertantes, était pour- tant celui d'un homme capable d'exercer une grande influence sur son entourage, lui assurèrent des dévoue- ments solides et durables. Il en est un surtout que je ne puis passer sous silence. A Indian Orchard, à Webster, à Holyoke, partout enfin où M. Landry fut successivement curé, qui n'a connu M. Robert ? Cet homme, à la fois zélé et modeste, fut pour le curé un ami sur lequel il pouvait compter à la vie à la mort. Il lui avait confié la rente des bancs, ainsi qu'une grande partie de ce qui regardait le temporel de la paroisse. Et jamais homme d'aifaires ne s'acquitta de sa charge avec plus d'exactitude, jamais canadien ne s'employa avec plus de fidélité au service de l'église et du pasteur qui lui avait donné sa confiance entière et son amitié. *** En 1886, M. Landry, à la mort de son frère Arsène, le remplaça à Webster, et M. Ducharme lui succéda. M. Chs Ducharme était un jeune prêtre de grand talent, d'une tendre piété et de manières courtoises et distinguées. Malheureusement, en acceptant cette cure, 268 PAROISSES CANADIENNES il avait trop présumé de ses forces ; la maladie de poi- trine qui le minait depuis longtemps, fit soudain des progrès rapides, et quelques mois à peine après sa nomi- nation, M. Ducharme tombait à son poste. Le Rév. Chs Crevier, ancien curé de North Adams, le remplaça. Là depuis 3 ans, il se repose de ses anciens travaux, en attendant un poste plus en rapport avec une activité que les années n'ont pu éteindre. ^ POPULATION CANADIENNE D'iNDIANORCHARD Familles, Aines, École parois., Fropr., Élect. 4-74: ^^92. ^80 élèves. 41. 112. Société S. J.-B. 127 membres. Ligue du S.-G. WO. (1) M. Crevier vient d'être nommé curé de Holyoke, {1890) M. Cl. Baudoin lui succède à Indïan Orchard, EAST DOUGLASS ET MANCHAUG PAROISSE ST DENIS (1871) Curé fondatenr . . . . Rév. Ls Gagnier (1871- . . . .) ^ème Curé Rév. M. Couillard (1872-1880) Semé Curé Rév. A. Del];)}) os (1880- ; Le Rév. Ls Gagnier organisa la paroisse mixte d'East Douglass et Manchaug. (1871) Le Rév. M. Couillard la desservit jusqu'à sa mort arrivée en 1880. Le Rév. A. Delplios lui succéda. (1880) En 1885, la population canadienne de Manchaug, petit village à un mille et demi de Douglass, ayant augmenté considérablement, M. Delphos, un artiste, leur bâtit une élégante église, qu'il orna à l'intérieur avec un goût parfait. Cette jolie église de Manchaug n'a qu'un défaut ; elle n'est pas payée. Mais grâce à des combinaisons ingé- nieuses que M. Delphos a acceptées, de la meilleure 270 PAROISSES CANADIENNES façon du monde, ce défaut disparaîtra bien vite. Peut- être même, avant peu d'années, les Canadiens de Mauchaug, pourront-ils, au nom des droits de la majo- rité, réclamer la résidence du curé, avec un bon couvent paroissial pour leur florissant village. POPULATION CANADIENNE DE DOUGLASS ET MANCHAUG Familles, Ames, Ecole, Propr., Elect, Douglass. .. ^3J. 1161. 160 élèves. 22. 61 Manchaug.. 326. 1626. 125 " 32. 127. Société St J-B. 13Ji. membres. Ligue du S.-C. 270. ST. JOSEPH, SPRINGFIELD, MASS. SPRINGFIELD, Pop. 44,164 PAROISSE ST-JOSEPH (1873) Curé fondateur Rév. Ls Gagnier (1873- . , . ) Nous retrouvons à Spriufield, le vaillant missionnaire qui, depuis 22 ans, n'a cessé de se dévouer corps et âme au bien spirituel de ses compatriotes émigrés. Nombre de paroisses du diocèse de Springfield doivent leur fondation au Rév. Ls Gagnier, Bien plus, il est peu de centres canadiens du Connecticut et du Rhode Island qui n'aient entendu la parole pathétique de ce prêtre zélé, M. Gagnier a donc droit, en toute justice, au titre glorieux d'apôtre des Canadiens - français dans les diocèses de la Nonvelle-Angleterre. *** En 1869, répondant au touchant appel de Mgr de Burlington, il obtint de Mgr Bourget, évêque de Mont- 272 PAROISSES CANADIENNES réal, la permission de se dévouer au salut de ses com- patriotes émigrés. Il fut mis par Mgr de Goësbriand à la tête de la bande de missionnaires qui devaient évan- géliser le Vermont. Durant cette première année, le P. Gagnier bâtit trois églises pour les Canadiens : l'une à East Rutland, l'autre à West Rutland et la 3ème à Fairhaven. Cette maison de missionnaires ne réussit pas, nous l'avons vu. ^ L'année suivante, les membres se disper- sèrent et le P. Gagnier s'en allait travailler dans le diocèse de Springfield. Mais cet insuccès apparent ne fit que donner plus de largeur à l'œuvre générale qu'on avait en vue. Mgr de Goësbriand voulait réunir les Canadiens, et partout où la chose serait possible, leur bâtir une église et laisser un des missionnaires comme curé desservant. Le P. Gagnier adopta ce plan et, à lui seul, il entreprit de le réaliser pour les nombreux Canadiens du diocèse de Springfield. * * Parcourant ces centres dispersés, réunissant les catho- liques dans les salles publiques, dans les maisons, dans les granges au besoin, il prêchait, catéchisait et partout réveillait la foi endormie au fond des cœurs. Puis com- muniquant aux autres l'enthousiasme qui l'animait lui-même, il décidait ces hommes à se former au plus vite en paroisse distincte. L'élan était donné, le missionnaire se faisait à la fois architecte et bâtisseur d'églises, \ Voir page 177. DIOCÈSE DE SPRINGFIELD . 278 Qu'on juge de l'étendue de ses travaux par les pa- roisses qu'il fonda ou organisa, de 1869 à 1875. 1869 — Eglise du S.-C. de Jésus, bâtie à East Rutland. 1869 — Église du Saint Cœur de Marie à W. Rutland. 1869 — Église de St Louis à Fairhaven. 1870-71 — Établissement de la paroisse St Patrice à E. Douglass. 1871-72 — Église du Mont-Cariiiel bâtie à Ware. 1871-72— Église St Louis bâtie à Gilbertville. 1872 — Église bâtie à East Warren. 1872— Église bâtie à W. Warren. 1873 — Église St Joseph bâtie à Springfield. 1873 — Église St Louis bâtie à Indian Orchard. 1874 — Église St Guillaume bâtie à Mittineague. L'église construite et la paroisse formée, M. Ga- gnier y faisait placer un des jeunes prêtres qui com- mençaient alors à venir en nombre du Canada. Pour lui, il s'en allait ailleurs reprendre bravement sa rude tâche de pionnier de l'Évangile. Une constitution robuste, secondant à merveille un zèle infatigable, lui permit de supporter, sans trop de peine, des travaux qui eussent mis a terre, en peu de temps, ,des ouvriers moins vigoureux. En 1873, M. Gagnier jetait les fondements de St Joseph de Springtield, la plus grande comme aussi la plus belle de toutes les nombreuses églises qu'il a bâties Depuis lors, il en est resté curé. $74 PAROISSES CANADIENNES Le Rév. M. Gagnier arrive à la soixantaine. Ce serait le temps pour lui de jouir d'un repos si bien mérité. Et cependant, sa position de curé de Springfield lui cause parfois des inquiétudes assez vives. Il y a sur cette éo-lise St-Joseph une dette relativement considérable, et quand l'époque des échéances approche, le bon P. Ga- gnier se demande avec anxiété où il trouvera l'argent pour faire honneur à ses engagements. C'est dans ces temps de crise qu'il lui arrive quel- quefois de faire entendre des plaintes et de pousser quelques gémissements ; mais son ingéniosité, secondée par le concours de personnes qui lui sont sincèrement dévouées, lui fait toujours heureusement doubler le Cap des tourmentes, 6t la sérénité revient à bord. M. Gagnier a certainement accompli une grande ceuvre pour les Canadiens émigrés. Pendant un apostolat de plus de 20 années, il a con- tribué plus que tout autre, à leur avoir des églises distinctes et des prêtres canadiens. Aujourd'hui il a la consolation de voir l'arbre qu'il planta le premier et qu'il arrosa de ses sueurs, enfoncer solidement ses racines dans le sol, et pousser chaque année de nouvelles branches vigoureuses. Désormais il n'a plus rien à craindre des coups de vent ni des orages. J'ai parfois entendu faire une remarque qui à mon avis, manque complètement de justesse. " Il bâtissait des églises, c'est vrai, mais il laissait «nsuite à d'autres le soin de les organiser " C'était pré- DIOCÈSE DE SPRINGFIELD 275 cisément là ce qu'il fallait faire. Si M. Gagnier eût agi autrement et se fut installé dans la première paroisse qu'il fonda, il eût tout simplement manqué sa mission. En suivant le plan que Mgr de Goësbriand avait conçu, il a multiplié partout les paroisses canadiennes, et toutes ces paroisses commencées par M. Gagnier, puis confiées à d'autres prêtres sont aujourd'hui dans,un état florissant. En voyant le développement magnifique que l'œuvre des Canadiens a prise dans le diocèse de Springfield et dans les autres diocèses de la Nouvelle- Angle terre, il n'y a plus qu'une voix pour rendre hommage au vieux mis- sionnaire qui, durant de longues années, en fut le pro- moteur infatigable. Tous aussi aiment les belles qualités de cœur du bon curé de St Joseph, sa charité pour ses confrères, ainsi que la bonhomie patriarcale avec laquelle il les accueille dans son humble presbytère de Springfield. POPULATION CANADIENNE DE SPRINGFIELD Familles, Ames, Couvent, Propr., Elect. 304,1. ^91 élèves. 31. 91. Société St J.-B. 127 membres. Ligue du S.-C. 190. THREE RIVERS, Pop. 3,400 PAROISSE DE ST ANTOINE (1883) Curé fondateur Rév. A. Lamy (188S-18S9). ^2ème Curé Rév. J. Marchand. . . .(1886- } Bon nombre de Canadiens habitaient les petits villages de Three Rivers et de Bondsville, à peu de distance de Springfield. Ils demandèrent à l'Evêque un prêtre Ca- nadien pour les desservir. Monseigneur parla de cette démarche à M. A. Lamy, alors vicaire à Southbridge : " Voyez- vous même ce que " vous pouvez faire ; mais je ne pense pas qu'il y ait " possibilité de bâtir là une église et de soutenir un " prêtre. En tout cas, si vous acceptez, Je vous nomme " curé de Three Rivers et de Bondsville." M. Lamy accepta. Il obtint de la municipalité l'usage d'un ancien temple protestant, servant alors de mairie, visita ses DIOCÈSE DE SPRINGFIELD 277 Canadiens, organisa des bazars, pic-nies, etc Le résultat fut qu'au bout de deux ans, M. Lamy avait bâti et payé, en grande partie, une jolie église gothique du prix de 10,000 piastres. En 1888, tout près de son église, il construisit un élégant presbytère, et trouva même moyen d'élever une chapelle pour les Canadiens de Bondsville, à deux milles de distance. Et les Canadiens, tout seuls, menèrent à bonne fin cette entreprise ; car les Irlandais catholiques de Three Rivers ont eu la défense expresse de prendre des places de bancs dans l'église française. En 1889, M. Lamy fut appelé à la cure de Spencer, et le Rév. J. Marchand le remplaça à Three Rivers. POPULATION CANADIENNE DE THREE RIVERS Familles, Aynes, Ecole, Prop., Elect. Wl. m9S. 100 élèves. 2^. 63. Cercle Gan. 'B6 membres. Ligue du S.-C. 176. 19 SOUTH ADAMS, Pop. 2,S«8 PAROISSE NOTRE-DAME DES SEPT DOULEURS (1884) Curé fonddteur , .Rév. J.B. Gharbonneati . .(1884- *- • -) En 1884, cette succursale de Korth Adams, ayant une population de 1200 communiants, fut détachée de l'église mère et le Rév. J. B. Charbonneau en devint le 1er curé résident. . . A peine installé, il fit un vrai coup de maître. Au centre du village de South Adams, se trouvait la maison du principal agent des manufactures. Elle était bâtie au fond d'un grand verger, ayant la figure d'un triangle isocèle, dont les deux côtés étaient bornés par de belles rues, plantées d'érables. Cette propriété valait au moins 20,000 piastres. Par sympathie pour les Canadiens, on la leur offrit au prix de 1 8,000 piastres. M. Charbonneau Tacheta, et se trouva M. D. LES SEPT. DOULEURS, S. ADAMS, MASS. DIOCÈSE DE SPRINOFIELD 279 ainsi possesseur d'un bon presbytère et d'un vaste terrain où il pourrait plus tard, construire église et couvent. Oe plus tard iw se tib guère attendre. Les protestants eux-mêmes, ayant à leur tête M. Brown, un des plus riches manufacturiers de l'endroit, et l'ami constant des Canadiens, pressèrent le curé de bâtir aussitôt une église qui fût un ornement pour South Adams. Ils lui promettaient un ccmcours actif et généreux. M. Charbonneau se décida. 11 fit faire à Montréal, par MM. Perrault et Ménard, les plans d'une église romane <^ui, bâtie en brique, devait coûter quelque 40,000 piastres. Le printenips suivant, en 1887, l'on se mit à l'œuvre. Dix huit mois plus tard, les Canadiens étaient installés dans leur nouvelle église, certainement l'une des plus régulières et des mieux finies de toute la Nouvelle- Angleterre. La vieille chapelle sert aujourd'hui d'école paroissiale, en attendant le couvent qui devra un jour faire pendant à la belle église de South Adams. Les Américains, fidèles à leur parole, ont généreuse- ment contribué aux dépenses de la construction, et le Rév. M. Quévillon, l'ami de cœur de M. Charbonneau, lui a fait présent d'un magnifique maître-autel exécuté à Malines. 280 PAROISSES CANADIENNES *** Le curé de South Adams peut être fier de son œuvre. Il n'a plus de presbytère, il est vrai, il en est réduit à pensionner au 1er étage d'une maison privée ; mais il a réussi à bien loger le bon Dieu. Le tour du serviteur zélé viendra bientôt, je l'espère. ^ Le coût du terrain et de l'église s'est élevé à $53,000. Au bout de 6 ans, il ne restait plus que quelques $20,000 de dette. Voilà ce que le Rév. M. Charbonneau et ses Canadiens ont su faire à South Adams. POPULATION CANADIENNE DE SOUTH ADAMS Familles, Ames, Ecole par., Fro'pr., Elect S51, W87. lU élèves, 91. ,12ê. Société St J.-B. 126 niem^bres. Ligue du S.- G. 1 C'est fait En 1890, M. Charbonneau a construit un beau presbytère, à. côté de son ^lise. A bientôt le couvent. MITTINEAGUE PAROISSE ST-GUILLAUM K (1884) Curé fondateur .Rév. Ls (Jagnier. . . .{187S-. . . .) 1er Curé réaident Rév. E. Pelletier (1884,-1836) Term Curé Rév. J. B. Campeau.( 1886-1888) Terne. Curé Rév. A. Biron (1888-1889) prru' Curé Rév. J. Bonnev'dlf . .(1889- ) Mittineagiie est un petit village, à 2 mill€^s de Springfield. Kn 1878, le Rév. Ls Gagtiier y bâtit une église qu'il desservit jusqu'en 1884. M. E. Pelletier fut alors nommé curé résident de Mittineague, avec la desserte des deux missions de Long Meadow. A Mittineague, la situation était assez précaire. Il y avait sur la chapelle une dette relativement considé- 282 PAROISSES CANADIENNES rable pour la localité. De plus, ces braves Ganadieiis, toujours prêts à se rendre à la messe et aux exercices religieux, étaient d'une apathie désespérante, dès qu'il était question de finances. Ils ne voulaient ni payer la. dette, ni prendre des places de bancs à l'église, ni même la chauffer en hiver. L'histoire du fameux chaudron circulant de maison en maison, pour ramasser du combustible, afin de ne pas geler le Dimanche, est restée célèbre aux environs. M. Pelletier améliora notablement la position. Mais en 1886, nommé curé de Chicopee, il fut remplacé par le Rév. J. B. Campeau qui, lui, eut la gloire de rendre la situation décidément très acceptable à Mittineague. . Habile et insinuant, M. Gampeau gagna aisément les esprits de ses paroissiens et sut enfin les faire rougir de leur engourdissement. (3n acheta un presbytère, tous les bancs furent loués à l'église, et la célèbre tournée au chaudron, devint enfin une légende du bon vieux temps. La jeune paroisse prenait racine. En 1887, M. Campeau avait commencé à bâtir une nouvelle église à Long Meadow, quaiid Mgr O'Reilly l'appela à la cure importante de West Bolyston, laissée vacante par la mort du Rév. M. Derbuel. Le jeune curé va donc avoir un champ plus vaste pour déployer le.s qualités de sa bonne i!i$.ture. DIOCÈSE DE SPRINGFIÏLI) 288 *** M. Biron le remplaça à Mittineague (1888-89). A peine un an après, la mort frappait ce jeune prêtre plein de talents et d'espérance. Le Rév. M. Bonneville lui a succédé (1889). Son acti- vité a imprimé un nouvel élan à cette paroisse ainsi qu'aux deux missions annexes. Il y a quatre ans, la situation du curé de Mittineague était bien modeste ; aujourd'hui plus d'un jeune prêtre jeterait un œil d'envie sur ce poste, si M. Bonneville venait à le quitter. POPULATION CANADIENNE DE MITTJNEACUE E'I" LONG MEADOW Familles, A'fïoes. Propr.. Elect, Mittineague 10^. r^r:\ #. '22. Long Meadow 68. ms. 70. ^7. TURNER'S FALLS PAROISSE STE-ANNE (1884) Curé fondateur .... Rév. Jos. PerreauU . . . .(tSSJf,- . . . . ) Tumer's Falls est une jolie petite ville en train de se bâtir sur les bords du Connecticut. Chaque année, l'on trace dans le bois avenues et rues nouvelles quô néces- site l'accroissement de la population, attirée par les fabriques de coutellerie qui ont donné l'élan à cette localité. Bon norabre de Canadiens travaillaient dans ces fabriques. En 1884, ils demandèrent un prêtre à l'évêque de Springfield. Il leur envoya l'ancien secrétaire de Mgr Bourget, M. J. Perreault, venu aux Etats pour refaire sa santé délabrée. STE. ANNE, TURNER'S FALLS, MASS. DI 285 * * * Le 16 juillet 1884,1e nouveau curé arrivait à Turner's Falls, et aussitôt, avec un entrain qui ne s'est pas démenti depuis, il se mettait à organiser sa paroisse. Tout était à créer. Mais le jeune curé avait de l'habi- leté et du dévouement, les Canadiens se montraient disposés à le seconder de toutes leui\s forces, l'on devait réussir et l'on réussit. J écris cette notice d'après les renseignements <^ue M. Perreault lui-même, a eu la bonté df me fournir ou de vive voix, ou par lettre. " Un premier recensement donna une population " canadienne de 230 familles, dont une centaine à " peine frégiuentaient V église de temps en temps.'' Toujours la vieille histoire ! Toujours aussi confirma- tion nouvelle de ce que disait en 1869, l'ami dévoué des Canadiens, Mgr de Goësbriand " si on ne vole au '" secours de ces émigrés, même à l'ombre de la croix ils "vont perdre la foi et déshonorer leur nation. Les émi- " grés ne trouvent pas de bancs à louer, on se fatigue '' de rester debout à la porte de l'église. Tls finissent par '' ne plus jamais assister aux offices . . . . " " Les Canadiens ont besoin de missionnaires de leur " nation, ils .ont besoin d'églises distinctes." M. Perreault loua une maison pour lui, une salle pour ses paroissiens, et la besogne commença. Bientôt, grâce aux bazars, soirées, quêtes à domicile et autres industries semblables, à fusa ge des curés bâtisseurs, l'on eut assez DKXîÈSE DE SPR[NGFIEL1) 285 Le 16 juillet 1884,1e nouveau curé arrivait à Turner's Falls, et aussitôt, avec un entrain qui ne s'est pas démenti depuis, il se mettait à organiser sa paroisse. Tout était à créer. Mais le jeune curé avait de Thabi- leté et du dévouement, les Canadiens se montraient disposés à le seconder de toutes leurs forces, l'on devait réussir et l'on réussit. J écris cette notice d'après les renseignements (^ue M. Perreault lui-même, a eu la honte de me fournir ou de vive voix, ou par lettre. " Un premier recensement donna une population *' canadienne de 230 familles, dont une centaine à " peine fréquentaient V église de temps en temps.'' Toujours la vieille histoire ! Toujours aussi conlirma- tion nouvelle de ce que disait en 1869, l'ami dévoué des Canadiens, Mgr de Goësbriand " si on ne vole au '" secours de ces émigrés, même à Fombre de la croix ils "vont perdre la foi et déshonorer leur nation. Les émi- " grés ne trouvent pas de bancs à louer, on se fatigue '' de rester debout à la porte de l'église. Ils finissent par " ne plus jamais assister aux offices . . . . " " Les Canadiens ont besoin de missionnaires de leur " nation, ils .ont besoin d'églises distinctes." M. Perreault loua une maison pour lui, une salle pour ses paroissiens, et la besogne commença. Bientôt, grâce aux bazars, soirées, quêtes à domicile et autres industries semblables, à Fusage des curés bâtisseurs, l'on eut assez PAROISSES CANADIENNES d'argent pour acheter un terrain et jeter les fondations de la nouvelle paroisse. Avoir une modeste église en bois, était toute l'ambi- tion des Canadiens ; mais la Providence les aida d'une manière tout-à-fait inespérée à faire bien mieux que cela. A Turner's Falls vivait un brave catholique qui, par son travail, avait amassé une fortune considérable. Voyant le zèle et l'activité que M. Perreault déployait pour son œuvre, il se prit pour lui d'une vive admira- tion, qui bientôt se changea en amitié profonde. Un jour, en compagnie du curé, il visitait les fonda- tions de l'église qui sortait de terre " — M. le Curé, " comptej-.-vous bâtir en brique ? " — " Non, cela nous "coûterait trop cher" — "Allons donc, bâtissez tou- " jours, et liez- v^ous à la Providence, elle vous viendra " en aide." Là- dessus on se sépara. M. Perreault finissait justement une neu vaine à la bonne» S te Anne, pour trouver de l'argent ; il n'y en avait plus dans la caisse. Le lendemain l'entrepreneur se présente, et lui dit qu'une personne bien intentionnée offrait de fournir toute la brique nécessaire pour l'église, à la condition qu'il payât seulement la main-d'œuvre. Le Curé devinant sans peine qui était cette perso nme bien intentionnée, accepta avec reconnaissance, et peu de jours après, les larmes aux yeux il remerciait l'homme généreux qui donnait ainsi plusieurs milliers de piastres, pour la gloire de Dieu. DIOCèsE DE SPRINGFIELD 287 La bonne 8te Anne s'étant, elle aussi, trouvée mêlée à cette heureuse affaire, il fut décidé que l'église porte- rait son nom. * * A la tin de 1884, le soubassement étant terminé, on en prit possession, et le P. Hamon vint de Worcester faire le sermon de circonstance. L'église avait été bâtie dans le bois, au milieu de rochers et de ravines qui avaient nécessité d<^s travaux de nivellement considérables. Le 31 décembre 1884, la pluie qui tombait à torrents depuis plus de 24 heures avait défoncé les chemins en construction, et l'on était dans la boue, bien au dessus de la cheville du pied ; pourtant, malgré tout, il man- quait bien peu de Canadiens ce soir-là, à la bénédiction de leur nouvelle église. Ces braves g(ins étaient si heureux d'avoir réussi, et d'être enfin chez eux 1 Quelques années plus tard, en mai 1890, Mgr O'Eeilly bénissait l'église 8te-Anne complètement finie, et décorée à l'intérieui- de fresques et de verrières magniiiques. Monseigneur félicita à bon droit les C^madiens de leur succès. Ces pauvres ouvriers avaient trouvé moyen de bâtir en 6 ans, une église de 32,000 piastres, avec un beau presbytère de 7,000 piastres pour leur curé. Ils ont aujourd'hui une propriété ecclésiastique de la valeur de 50,000 piastres. ' 2SS PA.BOISSES CANADIENNES La singulière théorie d'églises bâties aux États " par " des groupes seulement de catholiques, tandis que la " 'masse reste indifférente et apathique'' ne trouve guère, on le voit, son application à Turner's Falls, pas plus qu'ailleurs du reste, au moins dans les Etats de l'Est. Depuis de longues années, les catholiques de langue anglaise priaient dans une église qui rappelait à l'esprit l'humble grange de Bethléem. L'exemple des Canadiens les stimula et leur fit élever un temple digne de Dieu et de la religion. L'émulation religieuse n'est pas, on le voit, sans ame- ner des résultats heureux pour la gloire de l'Église et le bien des âmes. *** De ce temps-ci, certains écrivains affirment dans les journaux du Canada, que les Canadiens des États sont en train de perdre leur religion et leur nationalité. Ecoutons le témoignage de ceux qui peuvent avec le plus de compétence, répondre à ces assertions. ÉTAT SPIRITUEL DES CANADIENS DE TURNERS FALLS ' Recensement de 1890 : 265 familles, dont pas une " seule qui ne fréquente l'église assidûment ; à peine une " dizaine d'hommes qui ne fassent pas leurs Pâques, et " encore ces hommes ne comptent-ils ni par la position '' ni par le caractère." Ligue du Sacré-Cœur WO membres Petite Ligue des enfants 80 Dames de charité IW " Enfants de Marie > 75 '' DIOCÈSE DE SPRINGFIELD 289 SOCIÉTÉS DE SECOURS MUTUELS Société St Jean-Baptiste 115 membres L Union Canadienne 90 Club de naturalisât ion 80 " L'été prochain, nous bâtissons nos écoles." CONCLUSION PRATIQUE " Mes familles sont cent fois jjIus catholiques et plus '' canadiennes- française s dans leurs aspirations et leur " langue, qu'il y a six ans, date de mon arrivée." J. Perreault, Pire, Curé été *' trop bien élevés pour cela, en Canada ; mais, Monsei- " gneur, que vont devenir nos enfants ? Sans école " catholique, sans église, sans prêtre pour leur parler " du bon Dieu, ils vont grandir dans l'ignorance et *' l'impiété. Nous comptions sur eux pour nos vieux " jours ; mais s'ils sont infidèles à leur Dieu, ils le " seront aussi à leurs parents, et de la sorte, nous DIOCÈSE DE SPRINFIELI) 295 ^' aurons tout perdu. En notre nom, Monseigneur, et au ^- nom de nos enfants, laissez- vous donc toucher et don - •' nez-nous ce que nous vous demandons, un prêtre Cana- " dien pour instruire nos enfants, nous consoler et nous " aider." L'évêque attendri, leur promit un prêtre et nonniia M Charland curé des Canadiens de Milbury. C'était le jeudi. Avec une énergie admirable, le nou- veau curé se mit à la besogn ■. Il loua la salle de l'Hôtel-de-ville, emprunta des vêtements, des vases sacrés, dressa un autel, et le Dimanche suivant 500 Canadiens entendaient la Ste Messe et bénissaient Dieu d'avoir enfin exaucé leurs désirs. Protestants et catholiques secondant également les «efforts du zélé pasteur, deux ans plus tard il acheta un grand terrain aijprès de la station du chemin de fer, et bâtit une belle église avec presbytère et école. Monseigneur, à sa première visite, félicita les Cana- diens du succès de leur entreprise. Depuis lors, tout va bien à Milbury. POPULATION CANADIENNE DE MILIUTRY Familles, A'mes, Fropr., Klect. Société S. J,-B. 1//) membres. Ligue du S.-C. "150. WEST GARDNER, Pop. 7.263 PAROISSE N.-D. DU ST-ROSAIRE (1885) Curé fondateur. .Rév. F.-X. Soly (18SÔ-1887) nme Curé Rév. G. E. Bruneault (1887-1890) Sème Curé Rév. Alex. Désaulnier^. . .(1890- . . . .) Le fondateur de la paroisse de N.-D. dut sa vocation de missionnaire aux États-Unis à un incident assez banal, mais qui montre que Dieu se sert parfois de bien petites causes pour produire des résultats importants. M. Soly était Curé d'une paroisse du diocèse de St Hyacinthe. Prêtre zélé et vertueux, mais d'un© voix DIOCÈSE DE SPRINGFIELD 297 faible efc d'une défiance de lui-même excessive, il n'osait presque jamais se risquer à adresser la parole à son peuple. Or, un jour, on vendait les bancs à l'église. La vente finie l'un des marguillers se permit une plaisan- terie, à coup sûr très déplacée " — Encore un siège à " vendre, s'écrie -t- il ?" " — Lequel donc ?" — "Mais " celui là, dit-il, en désignant la^ chaire ; pour l'usage '' qu'en fait notre Curé, on. peut tout aussi bien la " mettre aux enchères. " Cette mauvaise plaisanterie alla droit au c(eur du Curé. Il donna sa démission et s'en vint vicaire à Worcester. Quatre ans plus tard, Monseigneur le nommait desservant de Oardner. M. Soly, avec ses économies, éleva une construction qui servit à la fois d'église, d'école et de presbytère. Mais en 1887, menacé de perdre complètement la vue, il fut forcé de prendre sa retra*te définitive. M. C. E. Bruneault le remplaça. Eloquent prédicateur, bon musicien, le nouveau Curé se concilia bien vite l'afiection de ses paroissiens, il calma les esprits un peu agités, fit prendre des places de bancs, remboursa M. Soly des sommes qu'il avait dépensées pour la construction de la nouvelle église, et mit la paroisse sur un pied excellent. En 1890, Monseigneur de Springfield confiait à M Bruneault la formation de la paroisse canadienne qu'il vient de détacher du Précieux-Sang de Holyoke. Nul 2f^8 PAROISSES CANADIENNHS «loute que le nouveau Curé ne mène avajit peu l'entre- prise à bonne fin. M. Alex. Désaulniers le remplace à Gardner. POPULATION CANADIENNE DE GARDNER Familles, Ames, Ecole par.- Projy., Mecf. S5^. I8O4,. 160 éUves. 14^. 1^7. Soc, St J.-B. IW membres. Ligne du S.-G. SOO.. CHICOPEE ET CHICOPEE FALLS, Pop. 13,000 PAROISSE DE L ASSOMPTION Curé fondaU'wr et 1er desservant. Rév. A.Dufresne (1S76) ^ème Gttré desservant. . . Rév. A. Landry. . (1877-1886) 1er Curé réside.nt Rév. E. Pelletier (1886) Chicopee et Chicopee Falls sont deux tlorissants villages manufacturiers, à deux milles de distance l'un de l'autre, et à 4 milles de Springfield. Un grand nombre de Canadiens travaillaient dans ces fabriques, M. Du- fresne voulut leur donner une chapelle. A mi-chemin entre les deux villages, il acheta, en son nom, un vaste terrain, et sur le sommet d'une colline, bâtit une grande maison pour les Canadiens. En 1877, quand Indian Orchard,à 5 milles de distance, devint paroisse, M. Dufresne céda au nouveau Curé, M. H. Landry, la desserte de Chicopee, en même temps que la propriété du terrain sur lequel l'église était bâtie. Mais il garda le reste comme son bien personnel. 300 PAROISSES CANADIENî^fES * * C'est ce que l'on nomme dans le pays, la colonie de défrichement du P. Dufresne. Voici pourquoi : Par une originalité assez caractéristique, quand le Curé de Holyoke trouvait des Canadiens trop pauvres, disaient-ils, pour payer leur place de bancs à l'église, ou qui, faute d'ouvrage, sollicitaient une aumône, il les envoyait travailler au nivellement de la fameuse colline leur promettant quelqu'argent pour leur journée. Mais, inutile de le dire, la besogne allait petit train. Sur cette colonie de défrichement M. Dufresne son- geait, parait-il, à établir un orphelinat et une maison de refuge pour les personnes âgées. La mort ne lui laissa pas, malheureusement, le temp« de réaliser ce projet charitable. * . * . * En 1886, le Rév. E. Pelletier, 1er Curé de Mettineague fut nonmié curé résident de Chicopee. Il transforma la maison de bois de M. Dufresne en un presbytère très vaste, sinon très beau, restaura l'église, et fit de son mieux pour- garder entre les deux villages, une stricte et bienveillante impartialité. C'est là, en eflfet, le problème ardu que devra résoudre le Curé de Chicopee et de Chicopee- Falls, tant que ces centres resteront ensemble. Ces deux villages, d'égale force et de développements simultanés, se jalousent terriblement depuis leur origine- DrOCÈSE DE SPIUNOFÏELD 801 Si Ton veut avoir la paix dans la paroisse, il faut tenir la balance des faveurs bien égale, entre les deux frac- tions rivales. Ce fut même la raison qui décida M. Dufresne à bâtir l'église sur cette colline, entre les deux villages ; mais cecliOix fut regrettable, car l'église est restée dans un isolement complet, et il est impos- sible d'y avoir ni écoles, ni dévotions spéciales, excepté en été. Le remède à cet état de choses serait, sans doute, de doter chaque village d'une église, et d'employer le ter- rain actuel à quelqu'œuvre pieuse, comme l'avait rêvé M. Dufresne .... Mais il est temps de nous rappeler le proverbe américain si plein de bon sens '' ïnind your oivn husi'ïiess ! " - C'est juste, taisons-nous donc, et passons. A force de diplomatie, M. Pelletier réussit à maintenir l'union entre ses ombrageux paroissiens. Il conduit tranquillement sa bar([ue entre les écueils dangereux de Chicopee et dp Chicopee F'alls. l'OPlJLATlON CANADIENNÎE DE nHl(X)i»EE FamiUeS: Ames, Propv., Elect, 27S. Wm. 27. 172. ■ SPENCER, Pop. 8,572 PAROISSE 8TE-MARIE (1886) 1er Curé résident Rév. Chs Viens (1886-1889) ^èm£ Curé. . Rév. A Lamy (1889-. . . .) Spencer est une des plus anciennes paroisses du diocèse de Springfield. Pendant de longues années, les RR. PP. Jésuites du collège de Worcester, qui n'est qu'à quelques milles de là, desservirent les catholiques irlandais et canadiens de Leicester, Spencer et autres localités voisines. En 1883, le P. Peters, dont le souvenir reste toujours vivant dans le cœur des vieux paroissiens, bâtit l'église Ste Marie pour les catholiques de Spencer. En 1871, le Rév. M. Cosson fut nommé curé résident, et demeura à ce poste, jusqu'à sa mort, arrivée en 1879. ©lOORSE I>K SPIiIN(3*^IELD 30:^ •^ * * Le Rév. Th. Beaven le remplaça. Dès 1880, les Canadiens de Spencer, qui déjà formaient plus de la moitié de la population catholique de Ste- Marie, avaient demandé à l'évêque de se séparer ; mais leur demande ne fut pas agréée. Elle avait, du reste, été assez mollement appuyée par la masse des Canadiens, satisfaite des arrangements que le nouveau Curé avait faits en leur faveur. Par des manières courtoises et bienveillantes, le Rév. Th. Beaven s'était tout d'abord gagné l'afFections de ses paroissiens. De plus, il trouva un moyen ingénieux de contenter à la fois les deux fractions de sa paroisse. Chaque Dimanche, il avait deux grand'Messes avec sermon, l'une pour les Canadiens, l'autre pour les Irlan- dais. Ainsi, tout en se servant de la même église, les deux conofrécrations ne se rencontraient jamais ensemble. De plus, il établit pour les Canadiens, la confrérie de la bonne Ste Anne, et la Ligue des Honunes qu'il main- tint avec zèle. Cette Ligue compte au delà de 500 membres. En 1883, le P. Beaven commença la construction de la nouvelle église du St-Rosaire. Elle fut terminée en 1886. Durant ce temps, les Canadiens contribuèrent comme les autres catholiques, et par les rentes de bancs, et par 304 PAROISSES CANADIENNES des offrandes volontaires, à l'érection du nouveau temple. Mais après avoir donné ce concours gracieux à leurs frères irlandais, ils crurent le temps venu de travailler pour eux-mêmes et d'avoir enfin une église distincte. Une députation se rendit donc auprès de l'évêque de Springfield. Cette fois elle revint avec la permission souhaitée. M. Chs Viens, vicaire à Spencer, et le premier prêtre canadien du diocèse de Springfield, fut nommé Curé de la nouvelle paroisse. Il se mit à Foeuvre avec courage. Ses manières douces et avenantes le faisaient beau- coup aimer de ses paroissiens ; mais sa santé toujours délicate ne put supporter une pareille charge et le jeune curé mourut en 1882, à l'âge de 28 ans. Dans son affection pour les Canadiens de Spencer, et pour les aider à bâtir plus tard, une nouvelle église, il leur laissa par testament, une assurance de 5,000 piastres, qu'il avait prise sur sa vie. *** Le Rév. Ant. Lamy lui succéda. C'est un habile financier, qui a déjà fait ses preuves à Three Rivers. Les Canadiens de Spencer peuveAt être assurés que leurs intérêts spirituels et temporels sont entrie bonnes mains. DIOCÈSE DE SPRINGFIELD 305 Pour le présent, M. X«amy s'est contenté de faire restaurer la vieille église Ste-Marie ; mais il a, dit-on, formé de grands projets pour sa paroisse de Spencer, et, avant peu d'années, il sera, sans doute, en mesure de les mettre à exécution. Spencer est une des meilleures paroisses canadiennes du diocèse de Springfield. Il y règne un grand esprit d'union et un généreux patriotisme. Dés associations pieuses, comme les Dames de la Bonne Ste-Anne, la Ligue des Hommes, s'y main- tiennent florissantes et actives. Quand les Canadiens de Spencer auront bâti une et belle église, puis, tout à côté, un couvent pour leurs enfants, ils pourront se vanter que leur paroisse soutiendrait avantageusement la comparaison avec les meilleures paroisses du Canada. Spencer est un centre important de cordonnerie. Ncmibre de Canadiens y sont propriétaires de cottages d'une valeur de deux à quatre mille piastres. POPULATION CANADIENNE DE SPENCER Familles, Arries, Ecole, Propr., Elect. 573. 1500. 356 élevés. 216. 600. Soc. St J.-B. 66 Jf membres. Ligue du S.-C. 600. FITCHBURG, Pop. 15,375 PAROISSE DE L'IMMACULÉE-CONCEPTION (1886) Curé fondateur Rév. CL Beaudoin (1886-1890) nme Curé Uév. Jules Gratov .... (1890- ; Pour rester fidèles à la vérité des faits, nous avons dû constater qu'en maintes circonstances, la séparation des Canadiens d'avec l 'église-mère, s'était opérée un peu à la façon d'Agar et du jeune Ismaël, quittant jadis les tentes du patriarche Abraham. C'est donc avec plaisir que dans la formation de la paroisse de Fitchburg, nous avons à relater toute une série d'actes bienveillants, auxquels les Canadiens furent d'autant plus sensibles, qu'on les avait moins accoutu- més ailleurs, à des procédés aussi gracieux. J>IOC>;vSE DE SPRINGB^IELI) 307 Depuis longtemps déjà, ils demandaient à l'évêque lin prêtre qui s'occupât spécialement de leurs âmes. En 1886, le Rév. F. Garrigan, Curé de la paroisse St Bernard, s'intéressant à leur cause, mit à leur disposition le soubassement de son église, et leur fît donner une Messe spéciale le Dimanche avec sermon en français. Le Rév. M. Feehan qui, par son affabilité, s'était con- cilié l'affection des Canadiens de W-est Boylston, où il avait été Curé, peu de temps auparavant, se chargea de desservir cette congrégation naissante. Il le fit avec zèle ■et succès, du mois d'avril au mois d'octobre 1886 époque à laquelle M. Cl. Beaudoin, vicaire à Ware, fit nommé Curé en titre des Canadiens de Fitchburg. Presqu'aussitôt, il eût une bonne chance d'acquérir un terrain favorable pour la paroisse nouvelle. Sur Walnut Street, on mit en vente une maison ■entourée d'un jardin de 50,000 pieds de superficie. Ce verger planté d'arbres fruitiers et de vieux ormes forme une sorte de promontoire se prolongeant jusqu'à la rivière qui traverse la ville. L'emplacement était, on ne peut plus favorable pour l'établissement projeté. M. Beaudoin l'acheta au prix de 2,000 piastres. Aussitôt il s'installa dans la maison et bâtit, dans le verger, une chapelle temporaire de 80 pieds, dout le soubassement sert d'école paroissiale. La congrégation de Fitchburg était fondée. 308 PAROISSES CANADIENNES Elle grandit si rapidement que Monseigneur vient de juger une division nécessaire. La paroisse primitive a presqu'achevé de payer sa dette, et ses revenus vont sans doute lui permettre d'avoir bientôt un beau couvent qui recevra les enfants canadiens de Fitchburg. En 1890, les PP. Hamon et Caron donnèrent une grande et fructueuse mission de 15 jours. Ils établirent trois branches distinctes de la grande société connue sous le nom d'Apostolat de la Prière, Ligue du Cœur de Jésus. Ligue des Hommes J^OO membres Apostolat de la prière pour les fe7nines . . 150 " Petite Ligue des garçons SO " Le zélé fondateur de Fitchburg, M. Beaudoin, dési- rant une position moins fatigante pour sa faible santé, vient de donner sa démission, et a été nommé Curé d'Indian Orchard. Le Rév. J. Gratou l'a remplacé à Fitchburg. Les œuvres fondées durant la mission, sont entre bonnes mains. POPULATION CANADIENNE DE FITCHBURG Familles, ATïies, École, Propr. Élect., 750. 3750. WO. 62. . 102. NOUVELLES PAROISSES FITGHBURG PAROISSE DE ST JOSEPH (1890) Divis i(m de rinimacu lée - Con ception . Curé prqanisateur Rév. C. Jannotte. IIOLYOKE PAROISSE DE N.-D. DU PERPÉTUEL SECOURS (1890) Curé fondateur Rév. C. E. Brwneaidt. Division de la paroisse du Précieux- Sa 7i g. Église - École en construction. WORCESTER PAROISSE DE ST JOSEPH (Mars 1891) Curé organisateur Rév. J. Oratton. 21 310 PAROIÎ^ES CANADIENNES Paroisses mixtes. Outre ces paroisses exclusivement canadiennes, il y a encore dans le diocèse de Springfield,un bon nombre de centres où les Canadiens forment la moitié ou même les deux tiers, de la population catholique totale. Voici la liste de ces centres : Paroisses, Fam.Can., Ames, Propr., Eleci., -NorthBrookjield.. 400 2000 47 196 East Brookfield . . . 150 750 47 102 West Brookfield. . . 150 750 77 96 Fiskdale,.,. 112 615 10 25 -Qilbertville 165 868 14 76 -Urafton 205 1017 15 42 -Oxford 97 466 10 64 Shelburn Faits ... 117 '602 32 86 W. Bolyston 291 1473 30 57 ^W. Warren 300 1500 25 34 --Wittinsville. , . , . . 170 859 8 27 ^(Williamstown... 80 400 ... XOray Lock 35 175 "Y Winchendov 200 1000 [Ashhurnham. ... 70 800 ... 2,542 12,275 268 620 ÉTAT DU MASSACHUSSETTS ET DU RHODE ISLAND DIOCESE DE PROVIDENCE • Paroisses Canadiennes 1/^ Paroisses mixtes avec bon nombre de Canadiens.. . . ^ Prêtres Canadiens ou Français 18 CouventsICanadiens 6 JAgues du Sacré-Cœur pour les Hommes .^ Population catholique du diocèse 196,000 Population canadienne S 1,603 DIOCECE DE PROVIDENCE PAROISSES CANADIENNES 1 _ Fait River 1870 2 __ Fall River 1872 3 — Manville 1872 4 — Woonsocket 1873 5 _ Centreville ..:,.' 1873 6 — Pawhicket Centrait F ails 1874 7 — Pawtucket Woodlawn 1 878 S — New Bedford 1877 9 — Providence 1878 10 _ Warren 1882 11 — Taunton '. 1884 12 — Fall River 1884 13 — New Bedford „ 1890 14 _ Woonsocket. 1890 FALL RIVER PAROISSE 8TE-ANNE (1870) Garé foiidateiir. . liév. Al. de Montauhricq . .(1870-1879) 2ème Curé Rév. T. Briscoë (1889-1888) Sème Givré RR. FF. Domimioains.. .(1888- ) Ste Anne de Fall River a été la preiuière paroisse canadienne-française établie dans le diocèse de Provi- dence. Elle fut fondée par le Rév. M. de Montaubricq, un prêtre français, homme aimable et dévoué, qui se concilia l'affection des (./anadiens^et leur bâtit une église en 1870. M. de Montaubricq desservit cette église jusqu'en 1879, époque à laquelle il fut remplacé par le Rév. Th. Briscoë (1879-1888). Depuis l'heureuse issue des troubles de Fall River, les Canadiens de Ste Anne souhaitaient, eux aussi, d'être desservis par des prêtres de leur nationalité. 314 PAROISSES CANADIENNES En 1888, Mgr Harkins transféra le Rév. M. Briscoë à Providence, et offrit la paroisse de Ste Anne aux RR^ PP. Dominicains de Lewiston, qui acceptèrent. Ils vont, parait-il, reconstruire Téglise, devenue trop petite pour la population, et bâtir un grand couvent de 100 X 60. Avant longtemps Ste Anne de Fall River, sera, sans aucun doute, dans un état aussi florissant qu'est leur belle paroisse de Lewiston. POPULATION CANADIENNE DE STE ANNE Familles, Ames, Couv. Ste Croix, Propr., Elect, lJt26. 7880. 4S6 élèves. 102. 381. PALL RIVER PAROISSE NOTRE DAME DE LOURDES (1872 Curé fondateur. . . . Rév. P. G. Bédard { 187^^-188 Jf,) Administrateur . . . Rév. McGee r ... Rév. Clark j (1881^-1886) .. .Rév. Féron I. 2èr)U Curé Rév. M. Laflamrap (1886-1888) Sème Curé Rév. J. Prévost . . .• (Ï.888- ; Dix-sept mille Canadiens, trois grandes paroisses françaises, un journal influent, Y Indépendant, de nom- breuses sociétés religieuses, patriotiques et littéraires, font de Fall River un des centres Canadiens les plus importants de la Nouvelle- Angleterre. L'église Ste Anne bâtie en 1870, était très insuffi- sante pour les milliers de catholiques employés dès lors dans les filatures de Fall River. Le Rév. P. G. Bédard, prêtre canadien, actif et plein de zèle, entreprit de leur donner une seconde paroisse. 316 PAROISSES CANADIENNES * * La Flint était alqrs un terrain désert, un peu en dehors de la ville. M. Bédard, prévoyant les agrandisse- ments qui se feraient de ce côté, acheta un vaste empla- cement et bâtit une église. Bientôt, en effet, les Cana- diens accoururent en foule, autour de ce nouveau centre de vie, et formèrent un florissant village qui, depuis, n'a cessé de grandir et de prospérer. Après l'église, vinrent les écoles. Les Révérendes Dames de Jésus-Marie, de Sillery (Québec), construi- sirent en 1877 un des plus beaux couvents de toute la Nouvelle- Angleterre. C'est un grand édifice de 120 x 50, à quatre étages avec toit français et d'élégantes tou- relles aux quatre angles. D'une activité extraordinaire, d'un patriotisme ardent, se jetant corps et âme dans son œuvre, M. Bédard entre- prit de stimuler partout le zèle de ses compatriotes émigrés. Il les pressa de s'unir pour se donner plus de consistance, il les poussa à fonder des sociétés nationales, à se rallier, à Fall River et ailleurs, au programme qui, sur la terre étrangère, devait conserver leur Religion, leur Langue, leurs Traditions catholiques et cana- diennes. Ferdinand Gagnon, l'habile rédacteur du Tra- vailleur de Worcester, eut en lui un allié puissant, un auxiliaire infatigable, pour organiser les conventions DiOCÈSE DE PROVIDENCE 317 nationales et lés faire réussir. En un mot, M. Bédard était partout où il y avait des Canadiens, il se mêlait de tout ce qui pouvait contribuer à les unir comme peuple, et en toutes circonstances, sa parole, inculte parfois, mais toujours chaleureuse et énergique, ne cessa d'exciter parmi les émigrés un véritable enthousiasme. Nul prêtre dans la Nouvelle-Angleterre n'eut sur les Canadiens un ascendant plus considérable, et nul ne contribua davantage à leur inspirer l'esprit patriotique qui n'a cessé de les animer depuis. Parfois, malheureusement, l'ardeur de la lutte l'en- traîna au delà des limites de la prudence et d'une sage modération. Il eut des excès de parole, quelquefois même, des attaques peu mesurées contre des catlioliques de nationalité différente. Les passions humaines s'en mêlèrent. Bientôt elles produisirent les tristes résultats qu'il était facile de prévoir : la lutte devint archarnée. Ceux qui se crurent visés par des paroles inconsidérées ou atteints par des plaisanteries qu'il eût été plus digne de ne pas relever, formèrent une coalition et réussirent à aliéner l'esprit de l'évêque Hendricken, jusqu'alors très sympathique aux Canadiens. L'on en vint même à dire publiquement que le French jyriesf, M. Bédard, serait le premier et le dernier curé Canadien de N.-D. de Lourdes. Ces détails sont nécessaires pour comprendre les graves événements qui survinrent plus tard à Fall River. 318 PAROISSES CANADIENNES *** M. Bédard, ayant terminé une retraite de huit jours^ chez les R.R. PP. Jésuites, au Sault-au-RécoUet, venait, de rentrer dans sa paroisse, quand il mourut subitement d'apoplexie, en 1884. Cette mort fut le signal d'un dé- chaînement de passions des plus regrettables. Non con- tent de s'attaquer à l'œuvre même du curé Canadien, on poussa la méchanceté jusqu'à mettre en circulation, à propos de cette mort subite, les rumeurs les plus odieuses comme aussi les plus invraisemblables. Les faits cités plus haut, sans qu'il soit nécessaire de donner le témoi- gnage de prêtres qui furent présents à cette catastrophe, suffisent pour faire justice de ces calomnies. Cette haine aveugle et implacable d'une part, et d'autre part, l'ardeur enthousiaste avec laquelle les Ca- nadiens avaient toujours soutenu leur Curé, et fait de sa cause leur propre cause, expliquent, sans la justifier pourtant, l'acrimonie de la lutte qui commença à la mort de M. Bédard. *** Les adversaires du French priest, s'étaient donc vantés, avons - nous dit, d'imposer aux Canadiens un Curé de leur choix. Ceux-ci se préparèrent à résister. Mgr Hendricken nomma le Rév. S. McGee administra- teur de N.-D. de Lourdes. M. McGee était un bon prêtre, de manières affables, parlant bien le français. En toute autre circonstance, il DIOCÈSE DE PROVIDENCE 319 eût sans doute été bien accueilli par la population cana- dienne de N.-E>. de Lourdes ; mais dans les conjoncturels présentes, il lui était impossible de réussir. Bien résolus à n'accepter comme Curé qu'un prêtre de leur nationa- lité, les Canadiens refusèrent obstinément de reconnaîtr<^ le nouveau {)asteur. Ils remirent leurs bancs et s'abs- tinrent en masse d'aller à l'Église. L'Évêque, voyant qu'il ne pouvait rien gagner, fit enlever le St Sacrement de l'Église et jeta l'interdit sur N.-D. de Lourdes. La cause fut immédiatement portée à Rome. Bientôt l'ordre arriva de lever l'interdit, mais les Ca- nadiens, persistant dans leur résolution, continuèrent à ne pas vouloir venir à l'église. Au bout d'un an, M. McGee, comprenant que la situation était, intenable, donna sa résignation. Le Rév. M. Clark prit sa place. L'opposition redoubla de violence. L'élément féminin de la paroisse, lui-même, se mit de la partie et fit la lutte, comme des femmes surexitées, seules, peuvent la faire, à coups de langue et à coups d'épingles, M. Clark, lui aussi, dût céder à l'orage et se retirer. Le Rév. M. Féron, qui lui succéda, crut qu'en se don- nant un vicaire Canadien, il réussirait à calmer les esprits. Il fit donc venir M. Laflamme, ancien curé' d'Upton, dans le diocèse de St Hyacinthe. C'était un homme distingué, bon orateur, de manières, faciles et agréables, mais dans l'état d'excitation où étaient alors les Canadiens, cette demi mesure, ne produisit aucun' bon résultat. Le Rév. M, Féron donna sa démission. 320 PAROISSES CANADIENNE» L'affaire, avons-nous dit, avait été portée à Rome Dès le commencement de 1885, M. Martineau fut délé- gué par les Canadiens de Fall River pour aller plaider la cause de ses compatriotes. Enfin après deux ans de lutte et de changements répétés, arriva la décision du Préfet de la Propagande. Sans trancher directement la question, Rome invitait rÉvêque de Providence, dans l'intérêt de la paix et pour le bien des âmes, à donner aux Canadiens des prêtres de leur nationalité. Mgr Hendricken se rendit à ce désir. Il nomma le Rév, M. Laflamme curé de N.-D. de Lourdes, et lui associa le Rév. M. Payan comme vicaire. Cette même année 1886, le RR. PP. Rédemptoristes donnèrent une grande mission, et bientôt tout rentra dans le calme le plus complet. Les nombreuses congrégations fondées par M. Bédard, reprirent leurs exercices de dévotion, les Canadiens, la pratique de leur religion, et cette violente tempête qui avait agité les esprits des catholiques dans toute la Nouvelle- Angleterre et au Canada, ne parut pas avoir laissé la moindre trace dans la belle paroisse de N.-D. de Lourdes. *** En 188cS, M. Laflamme fut forcé d'abandonner son poste, pour raisons de santé, et le Rév. J. Prévost, alors curé de New Bedford, fut appelé à le remplacer. DIOCÈSE DE PROVIDENCE 321 La mort imprévue de M. Bédard avait laissé la paroisse de N.-D. dans une situation financière des plus embarrassées. Les exécuteurs testamentaires du curé défunt étaient MM. Gaboury et Dauray. Par leur pru- dence et leur habileté, ils réussirent à sauver la situa- tion ; mais il restait encore sur l'Eglise et le collège une dette considérable. Ce fut pour rétablir définitivement l'équilibre dans les finances que Mgr Harkins, le nouvel évêque de Providence, demanda au Rév. M. Prévost de (juitter sa florissante paroisse de New Bedford, pour prendre la cure de N,-D. de Lourdes. Habile financier autant que piètre zélé, M. Prévost réussit, en deux ans, à éteindre presque complètement la dette de la paroisse, et à consolider tontes les oeuvres commencées par M. Bédard. Ces troubles de Fall River, tout regrettables qu'ils aient été, ont produit cependant, pour la cause des Ca- nadiens, les résultats les plus importants. Rome, il est vrai, n'a pas reconnu et ne pouvait pas leur reconnaître un strict droit de justice à n'être des- servis que par des prêtres Canadiens, mais, concession précieuse pour les émigrés, Rome admit la valeur des raisons de haute convenance, et d'intérêt religieux de premier ordre, qu'il y avait de donner, autant que pos- sible, à ces catholiques, des prêtres de leur propre nationalité. Les Canadiens se déclarèrent pleinement satisfaits de cette décision. 322 PAROISSES CANADIENNES Depuis ce temps, la lettre du Souverain Pontife aux Évêques d'Amérique, pour leur recommander les Ita- liens émigrés, et l'action directe du Pape, envoyant à ces catholiques des prêtres de leur pays, ont défiilitivement tranché cette question délicate. A partir de 1886, nombre de paroisses avec des prêtres Canadiens à leur tête, ont été établies dans les États de la Nouvelle- Angleterre. Les E.R. PP. Dominicains de Lewiston ont pris la direction de S te Anne et dans un des faubourgs de Fall River, à Bowen ville, une paroisse nouvelle est en voie de formation. Les Canadiens vont donc avoir trois églises à eux dans ce grand centre manufacturier. * * Après avoir payé la dette de N.-D. de Lourdes, M. Prévost a entrepris des œuvres considérables pour sa belle paroisse. L'an dernier il ouvrit un Orphelinat que dirigent les Révérendes Sœurs Grises de Québec. Mgr Harkins, si sympathique aux Canadiens, à cause de ses vues larges et de l'intérêt qu'il porte à la cause catholique, sans distinction de nationalité, va demander à toutes les paroisses françaises de contribuer à la fon- dation de ce grand établissement de charité. Pour remplacer l'église temporaire bâtie par M. Bé- dard, l'on va commencer au printemps, "k construire un temple magnifique de 200 X 80 et qui coûtera environ 200,000 piastres. DIOCÈSE DE PROVIDENCE 323 Les RR. PP. Dominicains de Ste Anne, sont, eux aussi, de leur côté à rebâtir sur de grandes dimensions. Dans quelques années trois églises nouvelles témoigneront de la foi et de la générosité des Canadiens-français de Fall River. POPULATION CANADIENNE DE N.-l). DE LOURDES Familles, A7)ies, Couv. J. M., Fropr., Elecf , 1075. , 63^5. 700 élèves. ^8^. Jf27. SOCIÉTÉS DE FALL RIVER Cercle Salaherry 75 membres Secours mutuel (jeunes gens) 100 '' Ligue du patriotes 275 U. G. St J.-B , 135 Soc. St Jean-Baptiste 319 POPULATION CANADIENNE TOTALE DE FALL RIVER 3 paroisses : Ste Anne, — N.-D. de Lourdes — St Mathieu. Familles, Am^es, 2 Couvents, Fropr., Elect., 16,961. 1537 élèves. 4-66. 1009. MANVILLE, Pop. 3,200 PAROISSE ST JACQUES (1872) Curé fondateur. .Rév. Fitzsimmons ,(1872-1875) reme Curé. Rév. A. D. Bernard (1876-1887) Sème Curé Rév. E. Bachand (1887- ) Le Rév. Fitzsimmons organisa la paroisse de St Jacques et bâtit l'église en 1872. Il la desservit jusqu'en 1875, quand il fut remplacé par le Rév. A. Bernard. La paroisse ne possédait pas de presbytère. M. Ber- nard, simple dans ses goûts, indifférent, comme un vieux philosophe, aux commodités de la vie, ne crut pas devoir prendre la peine de se bâtir une maison. Il campait çà et là, louant chez des particuliers quelques chambres à son usage personnel. Douze ans durant, il vécut de la sorte. Ni les jeux des enfants, ni les cris des bébés toujours nombreux dans les familles canadiennes, ne DIOCESE DE PROVIDENCE 325 purent en aucun temps, troubler son égalité d'âme et lui faire perdre sa quiétude ordinaire. En 1887, M. Bernard fut transféré à Warren, et M. Bachand le remplaça à Manville. * * * M. Bachand, lui, était d'humeur différente. A peine installé dans la paroisse, il voulut avoir un chez soi, et aussitôt se mit à construire un presbytère. Tout près de léglise, sur un plateau dominant un paysage très étendu, quoiqu'un peu sauvage, il éleva la belle maison qu'il occupe aujourd'hui. C'était là un progrès notable. Il en entreprit d'autres encore. L'église fut restaurée, décorée à l'intérieur, peinturée à l'extérieur, et les alentours nivelés et arrangés avec soin. Puis il ouvrit de bonnes écoles paroissiales, en attendant un grand couvent (|ui fera de Manville une des paroisses les plus florissantes du diocèse de Provi- dence. Ce petit village de Manville est, en très grande partie peuplé par les Canadiens. Sur une population de 3,000 âmes, ils comptent pour 2,542. La plupart travaillent dans une manufacture où l'on fabrique des indiennes de luxe, qui demandent une grande habileté, et une longue expérience dans la main d'œuvre. Les salaires y sont, pour cette raison, plus élevés que dans les autres manufactures. Les Canadiens de Manville sont très unis ensemble, l'on se croirait vraiment dans une des vieilles paroisses du Canada. 22 ti'2^ PAROISSES CANADIENNES Là, avec les Canadiens, il y a une vingtaine de familles irlandaises, la plupart établies sur les terres. M. Bachand est très populaire à Manville. Si sa santé se refait enfin, il pourra accomplir de grandes choses pour sa belle paroisse. L'an dernier, au retour d'un voyage d'Europe, toute la population se porta à sa ren- contre et le reconduisit triomphalement à son presby- tère. De plus, (preuve palpable d'estime et d'affection), on lui oflfrit une bourse de bienvenue. Cette bourse contenait une somme de 800 piastres. POPULATION CANABJENNE DE MANVILLE Fàiniilès, Ames, École, Pfùpr. Élëct., m. ^5JA irOëUves. 76. M. Société St J.-B. 155 membres. Ligue du S.-G. 375, PRÉCIEUX vSANG, WOONSOCKET, R. I. WOONSOCKET, Pop. 20,759 PAROISSE DU PRÉCIEUX SANG (1873) Cibré fondatfiitr. . . Rév. Gh%rles Daiiray . . .(187S- . . . . j Le Rév. dis Dauray est l'un des prêtres canadiens les plus en vue, comme aussi des plus estimés de la Nouvelle- Angleterre. Immédiatement après son ordina- tion, il s'en alla aux États et fut nommé premier curé de la paroisse canadienne de Pawtucket. Il était con- damné par les médecins, et devait, disait-on, mourir à courte échéance. Heureusement, dans ce cas, les médecins se trompaient : M. Dauray devait, au contraire, fournir une longue carrière et mener à bonne fin une entreprise des plus considérables. Cette œuvre fut la fondation de la grande et belle église du Précieux Sang de Woonsocket. 328 PAROISSES CANADIENNES * En 1872, le Rév. M. Bernard, avait déjà commencé à réunir les Canadiens. Bientôt il fut question de bâtir, et le Grand-Vicaire choisit lui-même le site sur lequel s'élève aujourd'hui l'église du Précieux Sang. Les tra- vaux extérieurs étaient presque finis, quand un violent cyclone s'abattit sur Woonsocket et détruisit la nouvelle construction de fond en comble. Tout était à recom- mencer. Le coup fut rude pour les pauvres émigrés. Mais en 1873, M. Dauray, transféré de Pav^^tucket à Woonsocket, releva le courage de ses compatriotes, et l'on se remit à l'œuvre. Enfin, en 1882, la vaste et belle église du Précieux Sang fut terminée. C'est une des plus remarquables de la Nouvelle- Angleterre. L'intérieur est en harn.onie parfaite avec la grandeur d'architecture et le fini de l'intérieur. M. Dauray y a mis son cachet, c'est beau, distingué, artistique. Le curé de Woonsocket, en eflfet, est né artiste : mu- sique, peinture, poésie même, il peut tout cultiver avec succès, et l'on retrouve ces goûts artistiques jusque dans l'aménagement de son presbytère. Il y a là un choix de curiosités, une collection de bibelots, un arrangement de bric-à-brac, qui, au premier coup d'œil, révèle l'ama- teur-artiste. PRECIEUX SANG, WOONSOCKET, R. I. DIOCK«SE DE PROVIDENCE 329 *** Ces qualités brillantes, fort appréciées chez les hommes du monde, n'auraient toutefois qu'une valeur assez mince chez un prêtre, s'il n'y joignait les vertus propres de son état ; le zèle des âmes, et l'accomplissement des devoirs humbles, mais fructueux, de son saint ministère. Aussi, M. Dauray, se souvenant avant tout qu'il est Curé, cultive sa paroisse avec un dévouement qui ne s'est jamais démenti. Son église finie, il se mit aussitôt à organiser ses écoles de paroisse (1884). Puis il fonda lui-même ou encouragea la formation de sociétés religieuses et nationales, si paissantes pour garder l'esprit catholique, et les moeurs du vieux paj^s, chez les Canadiens émigrés : Club national — Institu- tion Canadienne-française — Société St J.-B. — Confé- rence de St Vincent de Paul pour secourir les indigents, tout cela se trouve à Woonsocket. *&■ En 1887, les PP. Himon et Proulx établirent au Pré- cieux Sang la Ligue des Hommes. Plus de 1100 membres s'enrôlèrent dans cette société afin de maintenir l'esprit chrétien dans leurs familles, et de combattre le blasphème et l'intempérance. Cette Ligue, la plus nombreuse qui ait encore été formée aux États, reste forte et prospère, grâce à l'intérêt soutenu que M. Dauray lui porte et au zèle des prêtres ■chargés de s'en occuper d'une manière spéciale. 330 PAROISSES CANADIENNES * * * En finissant cette notice, je ne puis m'empêcher de mentionner la profonde amitié, connue de tous, qui unit, depuis de longues années, le curé de Woon- socket, M. Dauraj^ et l'ancien curé de Providence, aujourd'hui à Centreville, le Rév. M. Chs Gaboury. Ces deux hommes s'aiment comme deux frères, ils sont inséparables. Jamais la parole de l'Écriture n'eut d'application plus exacte et plus touchante : " Un ami " fidèle, c'est le baume de la vie, une protection puis- " santé. Heureux qui a trouvé un ami véritable ! " Ces deux prêtres ont rendu de grands services à la cause canadienne dans cette partie des États. Tous les deux aussi se sont vus honorés justement par le sympa- thique évêque de Providence, Mgr Harkins ; M. Chs Gaboury est l'un des conseillers de l'évêque, et M. ])auray est examinateur des jeunes clers du diocèse. Un curé zélé est toujours parmi les Canadiens, un curé populaire ; mais quand au zèle, il joint encore l'élo- quence, alors il peut faire de ses gens ce qu'il veut. C'est ce qui a créé à M. Dauray, une si belle position à Woonsocket. 8a paroisse augmente de plus en plus, déjà elle compte bien près de 10,000 âmes. Le jour n'est donc pas loin où il faudra (chose tôu- ours pénible au cœur) laisser une partie de ses ouaille& le quitter, pour aller bâtir ailleurs une autre grande et belle église. DIOCKSE DE PROVIDENCE 331 Quand le temps de ]a séparation arrivera, les partants emporteront, du moins, dans le cœur, un souvenir excellent du Précieux Sang, et de son éloquent et distingué pasteur. ^ POPULATION CANADIENNE DE WOONSOCKET Familles, Aynes, Couvent J: M , Prop., Elect. lôJ^^. 9W0. 629 élèves. 296. Jf96. Soc. St J.-B. 600 membres. Ligue du S.-C. 1200. I. La division yi&at d'avoir liexx. Le Rév. M. Leclerc, ancien vicaire à Woodlawn, est nommé curé de la nouvelle paroisse Ste Anne de Woon- aocket. CENTREVILLE, Pop. 6,500 PAROISSE ST JEAN-BAPTISTE (1873) Curéfondateur..Rév. H. Spruyt. (187 S- 1880) nme Curé Rév. J. Smith (1880-1887) Sème Curé Rév. Chs Gaboury (1887- ....) Quatre ou cinq petits villages échelonnés sur un cours d'eau, à un quart de mille de distance les uns des autres, et groupés autour de manufactures qui sont leur vie et leur raison d'être, forment la paroisse canadienne de Centreville. Un prêtre belge, le Rév. M. Spruyt bâtit l'église en 1873. Ancien professeur de Louvain, homme distingué, savant, M. Spruyt parlait et écrivait avec une grande facilité. Souvent il eut recours aux journaux de Provi*- dence, pour défendre la religion contre les attaques des- CENTREVILLE, R. I. 333 ministres protestants, ou pour expliquer, d'une manière claire et convaincante, quelques points de la doctrine de l'Église, et toujours ses articles étaient lus avec intérêt par les Américains. D'autre part, ses manières courtoises lui avaient con- cilié l'affection des Canadiens. Tout marchait à merveille quand le Rév. H. Spruyt fut soudainement atteint d'aliénation mentale. On dut le renfermer dans un asile où il mourut. Le Rév. J. Smith le remplaça (1880-1887). Il fit terminer l'intérieur de l'église, et desservit les Canadiens jusqu'en 1887. Son affabilité et sa charité inépuisable lui gagnèrent le cœur de tous ses paroissiens. Aujourd'hui encore, on parle avec affection du bon Père James Smith. * * * M. Gaboury, ancien curé de Providence, prit sa place à Centre ville. En 1888, il fit donner une mission pour établir la Ligue des Hommes, et 520 membres s'enrôlèrent dans la société. Cette base d'opération bien établie, M. Gaboury se mit à l'œuvre pour avoir un couvent. C'était ce qu'il avait déjà fait à Providence. Le couvent, en effet, ou une bonne école de paroisse, complète l'œuvre de l'église, et donne aux établissements Canadiens de la stabilité et de l'élan. C'est aussi le 334 PAROISSES CANADIENNES moyen efficace de créer promptement, une aggloméra- tion de catholiques qui, sur la terre étrangère, recons- truisent la paroisse caTiadienne, avec tous ses avantages et toutes ses consolations. L'Église seule ne suffit pas à atteindre ce but, ou bien elle ne l'atteint que lentement. Mais si, à côté de l'église, le prêtre élève un couvent et qu'aux environs, il y ait des terrains inoccupés, vous verrez vite les familles Canadiennes s'en disputer la possession, dans l'intérêt de leurs enfants. C'est ce qui est arrivé à Centreville. Il y a trois ans, église et presbytère, étaient isolés, à l'extrémité du village. Depuis que le couvent est b4ti, tous les lots vacants du voisinage ont été acketés, et déjà il y a là un joli village Canadien qui va grandir de plus en plus. *** Ce couvent de Centreville est, du reste, l'un des plus beaux et des mieux divisés de la Nouvelle- Angleterre. M. Gaboury a su profiter avec intelligence, d^ améliora- tions nombreuses, que l'expérience a fait faire en m^tifère d'éducation et de construction de couvent. Son école paroissiale, de 60 X 70, pourrait servir de modèle à celles que l'on construira dans la suite. Centreville est aujourd'hui une paroisse florissante. Sa prospérité va augmenter encore, car voici que l'on élève de nouvelles manufactures. Bientôt, sans doute, il £a.udra donner une succursale à l'église mère. COUVENT DE CENTREVILLE, R. I. DIOCÈSE DE .PROVIDENCE 835 Ces petits centres isolés offrent aux Canadiens les conditions les plus favorables pour garder, bien long- temps, leur religion et leur langue nationale. Ils sont vraiment là chez eux. Ils vivent ensembl«', se marient ensemble, ils deviennent propriétaires, près d'eux, ils ont leur église et leur couvent, que faut-il donc de plus, pour former des villages Canadiens, au centre même des États Unis ? Eglise StJ.B. 115x60 Coût $40,000 Couvent 60x70 " ISfiOO Presbytère " SfiOO POPULATION CANADIENNE DE CENTREVILLE Familles, Ames, Couvent J. M., Frop., Elect. 709. JfSlô. ^10 élèves. 17S. 189. Ligue du Scicré-Cœur 550 membres. PAWTUCKET, Pop. 19,030 PAROISSE ST JEAN-BAPTISTE (1874) Curé fondateur . ..Rév. Ghs Dauray (187^-1877,. Urne Curé Rév. Ls BovZand (1877-1881 ] Sème Curé Rév.O. Mahoney (1881- ' Le Rév. Chs Dauray organisa la paroisse canadienne de Pawtucket et la desservit jusqu'en 1877. Il fut alors nommé curé de Woonsocket. Le trop fameux Ls Bouland le remplaça. Il était diacre, du diocèse de Lyon, quand Mgr Hen- dricken le ramena avec lui de France, et, après l'avoir ordonné prêtre, il l'envoya curé à Pawtucket. Il y resta 4 ans. En 1881, M. Bouland quittait Pawtucket et le diocèse de Providence. Il réussit cependant à se faire accepter par l'archevêque de Boston, et commença, en cette ville, l'œuvre de N.-D. de Victoires, dont nous parlerons plus loin. DIOCÈSE DE PROVIDENCE 837 * Le Rév. G. Mahoney devenu curé de Pawtucket en 1881, ramena promptement le calme et le bon ordre dans la belle paroisse qui lui était confiée. Homme habile et dévoué, il est très estimé et aimé de ses Canadiens, et cependant il est Irlandais d'origine, comme le sont aussi les Curés de Taunton, Slatterville et autres paroisses de Providence, également aimés de leurs ouailles. N'est-ce pas la meilleure réponse aux accusations si souvent portées contre les Canadiens, de ne vouloir absolument être desservis que par des prêtres Cana- diens ? Quand une nouvelle paroisse se forme, Canadiens et Irlandais préféreront, sans doute, avoir pour pasteur un prêtre de leur propre nationalité. C'est un désir très naturel et qui, du reste, facilite beaucoup l'exercice du saint ministère. Mais si la chose n'est pas possible, les catholiques canadiens, comme les autres, se laisseront volontiers guider par un prêtre étranger, pourvu toute- fois que ce prêtre parle leur langue, qu'il comprenne leurs besoins spirituels, et que, par tempérament ou par vertu, il sache se plier à leurs mœurs et habitudes sociales. Les Canadiens sont profondément religieux. Il leur faut des sociétés pieuses, des dévotions spéciales qui rappellent le vieux pays. Ils ont besoin de pou- voir consulter leurs prêtres sur toutes sortes de sujets. 8S8 PAROISSES CANADIENNE» Les femmes surtout, veulent trouver en lui un confident, toujours disposé à écouter leurs peines, un cpnseiller dans toutes leurs difficultés de ménage. De plus, disons- le franchement, les Canadiens, aux États du moins, sont parfois d'un« susceptibilité quelque peu excessive. Une parole un peu brusque les blesse, une remarque faite sans trop de ménagement, leur portera ombrage, parfois même elle les piquera au vif. Alors, pendant plus ou moins de temps, ils garderont rancune pour ce qui leur aura semblé un manque d'égards ou une insulte à leurs sentiments. De plus, ils ne peuvent souffrir d'être traités un tant soit peu haut la main. Le prêtre en charge de paroisse, devra donc, s'il veut vivre en paix avec ses gens, tenir compte de cette sensi- bilité délicate. Mais s'il sait dissimuler ou excuser ces faiblesses humaines, et d'autre part, tirer parti des qualités sérieuses de ces émigrés, il est sûr de gagner leurs sympathies, et de mener sa barque sans difficultés. Après avoir fait des améliorations considérables à son église en 1889, le Rév. G. Mahoney vient d'acheter au prix de 16,000 piastres un grand terrain pour y bâtir un beau couvent Canadien. POPULATION CANADIENNE DE PAWTUCKET Familles, Arnes, Ecole, Propr., Elect 76^. 11^6. MO élèves. im. Wi. Société 8t J.-B. WS membres. NEW BEDFORD, Pop. 33,393 PAROISSE DU SACRÉ-CŒUR (1877) Curé fondateur . . . .Rév. G. Page ( 1877-1 883) Mme Curé Rév. J. Prévost (1883-1887) Sèrne Curé Rév. J. A. Payan (1887- ; M. G. Page fonda la paroisse du Sacré-Cœur en 1877. A l'extrémité de New Bedford sur une colline d'où l'on a une vue splendide de la ville et de toute la rade, il bâtit une bonne église et un grand presbytère ; mais à peine eut-il terminé ces travaux qu'il tomba malade et mourut (1883) Le Rév. J. Prévost le remplaça. Avec des ressources assez limitées, M. Prévost trouva pourtant moyen d'avoir un couvent en brique, qui coûta 18,000 piastres. Les Sœurs de Ste Croix en prirent la direction. M. Prévost jouissait en paix de fruit de ses efforts quand Mgr Harkins, confiant dans ses talents d'admi- 340 PAROISSES CANADIENNES nistrateur et de financier, lui demanda d'accepter la cure importante de N.-D. de Lourdes à Fall River. La situation était critique. La mort inopinée de M. Bédard avait créé des difficultés pécuniaires très sérieuses. M. Prévost se soumit par obéissance et, nous l'avons vu, il réussit parfaitement à Fall River. Le Rév. J. Payan devint Curé de New Bedford. La population canadienne augmentant toujours, Mgr vient de fonder une seconde paroisse, sôus le vocable de St Hyacinthe. M. Bérubé en a pris possession. POPULATION CANADIENNE DE NEW BEDFORD Familles, Ames, Couvent, Propr., Elect, 34,91. S19 élèves. m. ^6. Ligue du S. -G. SIS membres. PEOVIDENCE, Pop, 132,043 PAROISSE ST CHARLES (1878) Gwré fondateur . ..... Rév. Chs Gabowry. . .(1878-1 887) ^eme Curé Rév. E. Noheri (1887- ; Au centre de la ville, tout près du grand parc de Pro- vidence, M. Gaboury, en 1878, bâtit pour les Canadiens une élégante chapelle en bois, se réservant comme pres- bytère, quelques appartements, en arrière du sanctuaire. La population canadienne de Providence n'était pas nombreuse. Elle ne comptait guère que quelques 120 familles d'ouvriers. Cependant, M. Gaboury, confiant dans l'avenir, voulut tout de suite avoir un couvent français. D'après lui, c'était le moyen de donner de la consis- tance à sa paroisse naissante et de créer un centre où se rallieraient les Canadiens dispersés dans cette grande ville. Ces Canadiens, animés d'un esprit vraiment 23 342 PAROISSES CANADIENNES patriotique, et pleins de confiance du reste, dans l'habile administration de leur Curé, entrèrent volontiers dans ses vues. Le couvent fut bâti et confié aux religieuses de Sillery. (Québec) Les prévisions de M. Gaboury se sont réalisées. Il y a aujourd'hui à Providence plus de 300 familles canadiennes, ayant désormais tout ce qu'il faut pour former une paroisse florissante. Bientôt il faudra rebâtir l'église qui n'est plus suflfisante pour cet accroissement si rapide de la population française. En IScST, M. Gaboury dit, à reo^ret, adieu à sa bonne paroisse de Providence, pour s'en aller Curé de Centre- ville. Le Rév. M. Nobert, ancien Curé de Warren, lui suc- céda. Il a devant lui une bonne œuvre à maintenir et à développer. POPULATION CANADIENNE DE PROVIDENCE Familles, Avies, Couvent, Prop., Elect., 326. 2851. mO éUves. Jf,2. 4S. Ligue du S. -G. 220 membres. WARREN — t PAROISSE ST JEAX BAPTISTE (1882) {Juré fondateur Rév. N. Nohe/rt (J88'2-1SS7) ^èvie Curé Rév. A. Bernard ( ISS7- . . , .) Pendant plusieurs années, le Rév. N. Nobert Curé de St Patrik de Somerset, desservait en même temps Warren, où se trouvaient bon nombre de Canadiens. En 1882. il leur bâtit une élégante petite église qu'il plaça sous le vocal )le de Ste Jean- Baptiste, et vint résider parmi eux jusqu'(ui 1887. Il fut alors appelé à remplacer M. Gaboury à Providence, et M. Bernard, ancien Curé de Man ville, lui succéda à Warren. Population tran(|uille et religieuse, (jui se tient bien ensemble et garde a\'ec fidélité les mœurs du vieux- pays Ce petit centre a une association de tempérance avec une cincpiantaine de menibnis, et une .société de St dean-Baptiste qui com})te 150 membres. POPULATION' CANADIENNE DE V^'AllREN Fa I ail les, Ames, École, Propr., Élect., 1EF> 1W7. J 50 élèves. J5 69. Société de tempérance 50 membres. Société St J.-B. 150, TAUNTON, Pop. 26,389 m PAROISSE DE L'IMMACULÉE-CONCEPTION (1884) Curé fondateur . . . .Rév. J. Roach (188 If,- . . . .) Taunton est une ville considérable du Massachussetts. Il y a là de grandes , manufactures de bouilloires qui emploient beaucoup de Canadiens. Le Rév. M. J. Roach leur a bâti une élégante église, à l'extrémité de la ville, et a réussi à former une bonne congrégation Canadienne. II a pour assistant M. W. Flynn qui comme lui, a fait ses études en Canada, et parle très bien le français. Les Canadiens ont une Société St J.-B., mais elle n'est pas nombreuse, 50 membres seulement sur une popula- tion de 2122. C'est peu. POPUIv^TION CANADIENNE DE TAUNTOX Fanfiilles, Ames, Propr., Élect., nm. 4-6. 121. Société St Jean-Baptiste 60 mevibres NOUVELLES PAROISSES NEW BP]DFORD, Pop. 40,706 PAROISSE ST HYA(^INTHE (1890) Cette succursak' du Sacré-Cceur de New Bedford, com- mencée par M. Prévost et achevée par son successeur le Rév. M. Payan, vient d'être érigée en paroisse distinte sous le vocable de St Hyacinthe. M. Bérubé, vicaire à Fall River, en a été nommé le premier Curé. WOONSOCKET PAROISSE STE ANNE (1<^90) La grande paroisse du Précieux Sang, elle aussi, a été divisée, avec le Rév. X. Leclerc, comme Curé. En attendant que les (Canadiens se bâtissent une nou- velle église, M. Dauray a mis le soubassement du Pré- cieux Sang, à leur disposition. •' — Les excavations pour la nouvelle église cana- dienne (Ste Anne) sont commencées depuis mardi après- midi. C'est M. le curé Leclerc qui a enlevé la première 346 PAROISSES CANADIENNES pelletée de terre. Les traraux sont sous la direction de M. J. B. Fontaine, l'entrepreneur. L'église sera à deux étages, en briques et mesurera 36 x 1 10 pieds. On y ajoutera une aile de 36 X 40 pieds. Le premier étage servira de chapelle et l'autre l'école. L'aile servira de résidence au curé. Les travaux coûteront 17,000 piastres mais l'entrepreneur Fontaine déduisant 1,000 piastres de cette somme pour sa contribution personnelle aux fonds de l'église, les paroissiens n'auront à payer que 16,000 piastres." {Le Travailleur du 8 avril 1891). PAROISSES MIXTES DU DIOCÈSE DE PROVIDENCE Faniilles, Georgiaville 247. Harrisville 275. Natick 250. Pascoag 138. SlaMerfiville 310. Ames, Propr., Elect, 128L 15. 54. 158L 34. ^^. 1185. 17. 36. 816. 14. 27. 1850. 12. 29. ÉTAT DU CONMCTICUT DIOCESE DE HARTFORD ETAT DU CONNECTICUT DIOCÈSE DK HARTFORD PAROISSES CANADIENNES DU DlOC'àsî Paroisses canadiennes 5 Paroisses mixtes avec forte population canadienne. 10 Prêtres Belges ou Canadien!^ . P2 Couvents niixtes avec bon nombre d'élèves Canadiens. 6 Popidatio7i catholique du diocèse 263,000 Pojndation canaydienns 2Jf.,'2S./f^ ETAT DU CONNECTICUT DIOCÈSE DE HARTFORD 1 — Meriden, St Laurent. . 1880 2 — Waterhery, Ste Anne 1884 8 — Bridgeport, St Joseph 1887 4 — l^ew Haven, St Louis , 1889 5 — Hartford, Ste Anne 1889 PAROISSES CANADIENNES DU DI0(^È8E DE FIAHTFORD Grâ<îe à l'obligeance d'un prêtre de Hartford, j'ai pu me procurer quelques renseignements intéressants sur la situation des Canadiens-français do ce ])eau diocèse et les paroisses distinctes qu'ils y possèdent. Dès 1862, les Canadiens se trouvaient déjà en bon nombre dans les villes du Connecticut, mais ils n'avaient pour les desservir aucun prêtre parlant le français. Ms^r McFarland s'adressa alors au Séminaire Aposto- lique de Louvain, afin d'en obtenir du secours. Sa demande fut agréée. Le Rév. F. de Bruycker, le premier, vint travailler dans le diocèse de Hartford en 1862. Le Rév. E. J. Vygen le suivit en 1864. 362 PAROISSES CANADIENNES Il fonda la belle paroisse de Putnam, où les Canadiens forment aujourd'hui les trois-quarts de la population catholique totale. Arrivèrent ensuite successivement, pour les Canadiens surtout : Le Rév. E. Van Laar curé de Baltic. (Il se fit Oblat en 1876.) Le Rév. A. Princen, fondateur de la paroisse de Danielson ville, mort en 1883. Le Rév. H. Martial, orateur et écrivain distingué. Il établit la florissante paroisse de Grosvenordale, presque toute canadienne, et soutint chaleureusement les droits des émigrés à garder leur langue, aussi bien que les traits caractéristiques de leur nationalité. M. Martial mourut en 1882, à la suite d'un accident de voiture. Le Rév. M. Lambert aujourd'hui curé de Laconia N. H. Le Rév. F. Ariens curé de la paroisse canadienne de Bridgeport. Le Rév. J. Van der Noort qui a remplacé M. Vygen à Putnam. Le Rév. A. Van Wersch, Curé de Willimantic, mort en 1883. Le Rév. Van Oppen qui a fondé la congrégation cana- dienne de Meriden et bâti une magnifique église. *** Tous ces missionnaires Belges ont rendu de très grands services aux catholiques du Connecticut en général et aux Cànàdietis en particulier. DIOCESE DE HARTFORD 353 Travailleurs infatigables, prêtres zélés, doués d'une aptitude remarquable pour apprendre des langues diverses, ils ont aidé des milliers de Canadiens émigrés à garder la foi. Ils ont fondé bon nombre de paroisses en totalité, ou du moins, en grande partie canadiennes- françaises. Désormais ces paroisses ne peuvent que se développer et grandir de plus en plus. Ces prêtres dévoués se sont montrés dignes de l'hom- mage distingué que l'apôtre des Indes, St François- Xavier, rendait à leur nation, quand, de préférence à tous les autres missionnaires, il demandait pour l'aider dans ses rudes labeurs, les robustes et courageux enfants de la Belgique. Il y a 4 an«, les prêtres Canadiens sont venus, eux aussi, au secours de leurs compatriotes émigrés. M. E. Cartier est Curé d'une paroisse Canadienne à New^ Haven M. E. Bourret a remplacé le Rév. M. Foni s à Waterbury. M. E. Roy organise à Hartford une paroisse com- mencée par M. St Louis qui est retourné en Canada. M. E. Chapdelaine ^st vicaire à Putnam, M. Mayotte à Taftviile et M. Cadotte à Waterbury. La plupart des Canadiens du Connecticut sont des ouvriers qui gagnent des salaires élevés. Beaucoup travaillent dans les grandes manufactures d'argenterie et de bijouterie de Meriden et de Hartford. Il y a donc là tous les éléments nécessaires pour former de bonnes et florissantes paroisses. MERIDEN, Pop. 26,000 PAROISSE ST LAURENT (1880) C are fondateur . . . . Rév. Van Oppen (1880- . . . .) Canadiens-Français et Allemands ont ensemble les offices divins dans l'église St Laurent, mais le Rév. Van Open laisse aux Allemands une partie de la rente des bancs pour qu'ils puissent se bâtir une église à eux. C'est ce qu'ils sont en train de faire sous la direction intelligente et zélée d'un jeune prêtre de leur nationalité le Réy. Ignace Kôst. Les Canadiens-Français seront donc bientôt seuls dans la belle église de St Laurent. Bâtie sur le sommet d'une colline qui domine une partie de la ville de Meriden, cette église en brique a un aspect tout à fait monumental et fait grand honneur au Pasteur et aux paroissiens. ST. LAUkH OxMN. DIOCÈSE DE HARTFORD ♦Î55 Au mois de juin, on doit y placer un maître-autel exécuté à New-York et qui sera, dit-on, un œuvre d'art remarquable. Cette église a coûtée 60,000 piastres. Le Rév. Van Oppen a de plus acheté tout près de son église, de vastes terrains où il con.struira des écoles de paroisse. La population canadienne de Merideif vadonc prendre des développements de plus on plus considérables. POPULATION CANADIENNE DE MERIDEX Familles, Arties, École parois. Propi'., Lied., ^90. IJfSO. '^10 élèves, 80. 195. Société St J.-B. 150 membres. ^ Ligue du S.-C 20i). AUTRES S(.)C11':TÉS Ouvriers Canadiens. Dames de la Bonne Ste A nne. 1 Cette société ponsède un immeuble d'ir. . aleur de : ,000 piastres. I WATERBURY, Pop. 28,591 PAROISSE STE ANNE (1884) Curé fondateur. .Rév. J. W. Fones (1884,-1889) 2ème Curé... .'. . , Rév. E. Bourret (1889- ; Le Rév. J. W. Fones fonda la paroisse Ste Anne et bâtit l'église, mais épuisé par le travail il mourut en 1889. Le Rév. E. Bourret l'a remplacé. Ste Anne de Waterbury est une paroisse exclusive- ment canadienne. Les Canadiens, pour la plupart ouvriers dans les diverses industries de la ville, y gagnent de fort bon salaires. Ils ont plusieurs sociétés religieuses et nationales florissantes, tout ce qu'il faut, en un mot pour se maintenir et prospérer. DIOCÈSE DE HARTFORD 357 POPULATION CANADIENNE DE WATERBURY Familles, Ames, Propr., Elect., 600. 3000. Jfi, 72, SOCIÉTÉS Bande St Jean-Baptiste 2ù meynbres Institut Canadien SO " Société St Jean- Baptiste 125 " Société St Joseph 14£ Le Rév. J. Fones avait commencé une Ligue du S.-C. pour les Hommes, mais la mort l'a empêché de lui donner sa formation régulière. Le nouveau Curé aura sans doute à cœur d'organiser solidement cette société qui peut faire tant de bien aux Hommes. BRIDGEPORT, Pop. 48,850 PAROISSE ST JOSEPH (1887) Le Rév. P. Ariens, Curé POPULATION CANADIENNE DE BRIDGEPORT tamiUes, Ames, Propr., Elect 115. 502. S. Jfl Société St Jean-Baptiste 32 membres. 24 NEW HÀVEN, Pop. 81,431 PAROISSE ST LOUIS (1889) Eglise bâtie pour les Canadiens-français par M. E. Boiuret. En 1888, il est nommé Curé de Waterbury à la mort du Rév. J. Fones. M. E. Cartier le remplace à New Haven. POPULATION CANADIENNE DE NEW HAVEN ^amitiés, Araès, Prbpr., Étect. """ 1000. m. 116. Société St Jean-Baptiste Jp8 Tïiembres. HARTFORD. Pop. 53,182 PAROISSE STE ANNE (1889) Le Rév. A. St Louis commence la formation de la paroisse canadienne, puis se retire pour raison Je santé. Le Rév. E. Roy le remplace (1890) et entreprend de construire une église. Il va bientôt mener l'entreprise à bonne fin. POPULATION CANADIENNE DE HARTFORD Fa7)fiilles, Ames, Prdpr., Etect '^00. 1000. 6. lie. SociÈéSt Jéàn-Êàpïîste 100 immhrm. PAROISSES MIXTES DU DIOCÈSE DE HARTFORD AVEC FORTE POPULATION CANADIENNE DANIELSONVILLE PAROISSE ST JAMES POPULATION CANADIENNE DE DANIELSONVILLE Familles, Ames, Propr., Elect. 300. 1600. 18. 46. Société St Jean- Baptiste 130 m^emhres. GROSVENORDALE PAROISSE ST JOSEPH POPULATION CANADIENNE DE GROSVENORDALE Familles, Ames, Couv. Ste Croix, Propr., Elect, 4-00. ^WO. 400 élèves. 36. 71. SOCIÉTÉS Tempérance 76 membres Société St Jean-Ba-ptiste 120 Société St Joseph 60 PUTNAM PAROISSE STE MARIE POPULATION CANADIENNE DE PUTNAM Familles, Ames, Gouv. delà Merci, Propr., Elect, 4,60. ^300. 495 élevés. 76. W^. * — Société St Jean- Baptiste ^65 memhrés TAFTVILLE PAROISSE DU SACRÉ-CŒUR POPULATION CANADIENNE DE TAFTVILLE Familles, Ames, Couv. Srs de Chamté, Propr., Elect., 440. moo. 4,10 éUves. m. ô^. Sociétés St Jean- Baptiste 125 Tïiembres. WILLIMANTIC PAROISSE ST JOSEPH P(3PULATI0N CANADIENNE DE WILLIMANTIC Familles, Atyics, Couv. Sr s de Charité, Propr., Elect., 800. 1500. 640 élevés. 63. 109. Société St Jean-Baptiste 60 membres. AUTRES PAROISSES AVEC UN CERTAIN NOMBRE DE CANADIENS Ames. Baltic 258 Birmingham 100 Bristol , 50 Gollinsville 150 Bay ville et m^issions 1 000 Forestville 25 Jewett City 800 Mechanicsville 100 Moosup 500 Montville 200 Nangatuck 100 New Boston 200 New Britain 200 New London 300 New Hartford 500 Norwich 500 Occum 200 Oneco 200 Saybrook 50 Stafford Springs 400 Southington 50 Thompsonville 150 Voluntown 300 Wallingford 100 Wauregan 800 Winsted 300 ETAT DU MASSACHUSSETTS ARCHIDIOCESE DE BOSTON ETAT DU MASSACHUSSETTS ARCHID10CÈ8E DE BOS^rON PAROISSES CANADIENNES DE L ARCHIDIOCKSE DE BOSTON Paroisses Canadiennes 9 Paroisses mixtes avec bon nombre de Canadiens.. . . f> Pràres'lCanadiens ou Framçais W Couvents Canadiens 6 Ligihôs du Sacré-Cœur 3 Population catholique du diocèse. ^ 510,000 Population canadienne J/SfilO 4. Les deux tiers, au moins de ces catholiques sont dans la ville de lioston. BTAT pu MASSACHUSSETTS ARCHIDIOCÈSE DE BOSTON i»^RpISSES CANADÏEÏfNES D^ l'aRCHIDIOCÈSE DE BO§'?X)N 1 — Lowell 186^ 2 — MarUioro 18^2 3 — Lawrence l-y^l 4 — Haverhill 1873 5 — Salem lH%ô 6 — Boston 1881 7 — Lynn ' 1887 8 — Gochituate 1890 9 — Lowell, 2è7ne paroisse. .' 1890 PAROISSES CANADIENNES m L'aRCHIDIOCÈSE de BOSTON LOWELL, Pop. 77,605 PAROISSE ST JOSEPH (1869) PAROISSE ST JEAN-BAPTISTE (1889) Curé fondateur Rév.' P. Garin, 0. M. 1 Curés desservants RR PP. Ohlats. Lowell est l'un des centres les mieux connus de la Nouvelle- Angleterre. Quand l'émigration commença, c'est - à - dire vers 1864, les Canadiens vinrent en grand nombre tra- vailler dans les fabriques de Lowell, et les RR. PP. Oblats s'empressèrent de voler au secours de leurs com- patriotes émigrés, multipliant les missions, exhortant p^rt/put les Canadiens à se former au plus vite en 368 PAROISSES CANADIENNES paroisse, et à bâtir églises et écoles pour conserver leur religion et leur nationalité. Le mérite des PP. Oblats est d'autant plus grand que durant de longues années, ils furent les seuls mission- naires employés à cette œuvre patriotique et religieuse. Ils portèrent vaillamment le poids du jour et de la cha- leur, et dans toute la Nouvelle-Angleterre il est bien peu de centres Canadiens, si même il y en a un seul, où la voix de ces apôtres zélés ne se soit pas fait entendre. Energiquement aussi, ils ont travaillé à ranimer la foi endormie dans le cœur des émigrés, et les ont aidés avec un dévouement héroïque à garder fidèlement la religion, la langue et les mœurs du vieux pays. A Lowell, leur résidence principale, les RR. PP. ont mis en pratique ce qu'ils prêchaient avec tant d'ardeur dans leurs missions. En 1869, le Rév. P. Garin bâtit pour les Canadiens l'église St Joseph et leur donna de bonnes écoles de paroisse, La population canadienne de Lowell augmentant de plus en plus, il a fallu songer à, bâtir une nouvelle église qui sera placée sous le vocable de St Jean-Baptiste. Le soubassement est terminé. Construit en pierres de taille, il a les dimensions d'une grande basilique, 1 85 x 80 et 15 pieds d'élévation. Une fois finie, cette église sera certainement l'une des plus belles de toute la Nouvelle- Angleterre. Le P. Garin, un vieux grenadier de la vieille garde, est l'âme de toutes ces entreprises. Il y a 20 ans et plus ARCHIDIOCÈSE DE BOSTON 369 qu'il travaille à la cause canadienne avec une activité que rien ne fatigue, et c'est à lui que nombre de paroisses du Massachussetts et du New Hampshire doivent leur existence. Le vieux missionnaire mûrit encore des plans qui, une fois réalisés, vont assurer de plus en plus la stabilité et l'importance des établissements Canadiens de cette partie des États. Sous la direction sage et paternelle des RR. PP Oblats, la grande colonie canadienne de Lowell va con- tinuer de prospérer et de grandir. Sept Pères Oblats sont aujourd'hui employés à des- servir ces catholiques. Ce nombre n'est certes pas trop considérable, pour une population de 16^000 âmes et les œuvres nombreuses que le zèle des RR. Pères a su créer dans les intérêts de la religion et de la cause nationale. Voici ces œuvres : Cercle Canadien 20 membres Club de naturalisation 200 Gardes Salaberry 100 Association de l'Ange-Gardien 125 AssociaMon Catholique 57 Corps St André. : 182 ClubLavallée 25 Société St Jean-Baptiste 509 Union littéraire 50 U7iion St Joseph. 500 POPULATION CANADIENNE DE LOWELL Familles, Ames, Couvent, Propr., ElecL, £7^1. 16,326. 1360 élèves, 191. 728. MARLBORO, Poï>. 10,941 PAROISSE STE MARIE (1872) ' Curé fondatev/r Rév. Fr,. Gouesse (1872-187S) 2è7ne Curé Rév. Oct. Lépine (1873-1878) deme Curé Rév. Z. Dumontier (1878-1889) Jik,me Curé Rév. G. Gaisse (1879-. . . .) Marlboro, centre important de cordonnerie, esi bâti sur des collines peu élevées à 12 milles de Worcester. Au sommet de ces collines se. trouve une rue plantée de beaux ormes, bordée de spacieux trottoirs en asphalte et de chaque côté, s'alignent de gracieux cottages tout entourés de verdure ; c'est le quartier Canadien. Au centre s'élève Téglise, avec pelouse en avant, corbeilles de fleurs et bouquets de lilas qui descendent jusqu'à la rue. Tout annonce le confort, l'aisance, la vie heureuse et tranquille. AftCHIDÏOCÈiSE DE BOStON 37 1 ^ Là paroisse Ste Marie fut organisée par M. Gouesse eh 1872. M. Oct. Lépine la desservit de 1872 à 1878. M. Zéph. Dumontier en fut alors nommé curé. Son caractère aimable, son zèle ardent lui concilièrent bien vite l'affection des Canadiens, et durant plusieurs années, tout marcha à merveille. M. Dumontier fit res- taurer l'église qui menaçait ruine, il bâtit un spacieux presbytère, et acheta en arrière un vaste terrain, pour y construire plus tard ses écoles de paroisse. L'harmonie la plus complète n'avait cessé de régner entre le pasteur et son troupeau Soudain, une violente tempête éclata, au moment même où M. Dumontier songeait à couronner sa carrière par la réalisation d'un double projet, qu'il avait fort à cœur : rebâtir l'église et avoir un couvent. Le Curé désirait une grande et belle académie où l'on prendrait des pensionnaires, les paroissiens, eux, ne vou- laient que des écoles de paroisse. De là, une opposition qui se fit de plus en plus opiniâtre. Enfin M. Dumontier, désespérant de pouvoir jamais se faire aider par la paroisse pour son entreprise, résolut d'aller de l'avant, et de bâtir l'Académie avec ses propres ressources. Sur un vaste plateau, d'où l'œil embrasse un paysage magnifique, et se repose avec délices sur un gracieux petit lac, tout au pied de la colline, il fit construire un pensionnat qui coûta quelque 20,000 piastres, et le 372 PAROISSES CANADIENNES donna, avec le reste du terrain, aux religieuses de Ste Anne. Elles songent, dit-on, à y fonder une maison-mère pour les Etats de l'Est, où elles dirigent de nombreux couvents. Ce serait sans doute un excellet projet qui donnerait de plus, des avantages considérables aux paroissiens de Marlboro. Mais les procédés de M. Dumontier avaient froissé les Canadiens, la division se mit dans la paroisse. Bientôt une autre cause vint encore augmenter le malaise. Le bon Curé, pour raisons de santé, ou par charité pour ses confrères, faisait de longs et fréquents voyages. Ces absences répétées avaient peu à peu refroidi l'affec- tion des paroissiens pour leur pasteur, et, chose plus grave encore, elles avaient sensiblement diminué Tin- tluençe qu'il exerçait autrefois sur les esprits. On ne le voyait plus dans les familles, il n'était plus au courant des difficultés de la paroisse, on ne pouvait plus le con- sulter comme on faisait auparavant ; tout cela causait du malaise et donnait lieu à des murmures, qui n'atten- daient qu'une occasion pour se produire au dehors. M. Dumontier ne se doutait de rien, quand une circonstance imprévue, vint tout-à-coup lui révéler tris- tement la profondeur du mal. Il y avait dans la paroisse une espèce de médecin empirique que les Canadiens encourageaient et sou- tenaient. A diverses reprises, le Curé aj^ant eu à se AUCIIIDIOCKSE DE BOSTON 378 |)laiiidre de l'igtiorance ou de j 'incurie de cet hoimne pour l'appeler auprès des malades, avait mis ses parois- siens en garde contre «et incapable : rien n'y fit. Enfin il lui déclara ])ubli([ueineiit la guerre, mais l'affaire tourna mal. Pour les raisons données plus liaut, et aussi pài- certaine disposition (pie les hommes ont assez souvent dans ces cas, à se mettre à l'encontre de l'autorité plus celle-ci se montrait hostile à ce soit-disant médecin plus ils le favorisaient et l'employaient. La situation s'aggrava, des murmures se firent entendre. Les Suisses, toujours sur le qui vive i)Our pêcher en eau trouble, s'abat.tirent sur Marlboro, et malheureuse- ment ils réussirent à détacher de léglise un certain nombre de familles mécontentes. Vite on organisa pour ces apostats une sorte de congrégation protestante, que soutient volontiers l'argent des puritains fanatiques de la Nouvelle-Angleterre, Ce fut là un grand crève-cœur [)Our le bon M. Du- montier. Il en conçut un chagrin profond qui certaine- ment hâta sa fin. En 1889, il mourait subitement à New Bedford, où il s'était rendu pour les 40 heures de la paroisse. 25 374 PAROISSES CANADIENNES *** Le Rév. C. Caisse, prêtre distingué du diocèse de Montréal, le remplaça. La prudence du nouveau Curé, jointe à son zèle pour le bien spirituel de ses paroissiens, ramènera bientôt, je l'espère, l'union et le calme dans cette belle paroisse de Marlboro. ^ POPULATION CANADIENNE DE MARLBORO Familles, Ames, Couv. Ste Anne, Propr., Elect.^ 576. 35m. 433 élevés. 308. 285. Société S. J.-B. U6 membres. Ligue du S.-G. 350. STE. ANNE, LAWRENCE, M/.SS. LAWRENCE, Pof. 38,845 PAROISSE STE ANNE Curé fondateur.. . . Rév. P. Gnri/ri, 0. M. I. . .(ÎS71-187S) 1er Curé résident .. B,év. J. A, Midiaud. . . .(187 S -1875) Sème {Juré Rév. Oliv. Boucher (1875-1882) Sème Curé RR. PP. Mariâtes (1882- ; Le P. Garin organisa la paroisoc; canadienne de Lawrence. En 1871, il acheta dans la rue Lowell une cha- pelle protestante qu'il transforma en église, et, durant trois ans, il venait de Lowell, chaque Dimanche, donner les oiSces divins aux Canadiens émigrés. En 1873, il s'assura les services de M. Michaud qui travaillait alors à Chicago et l'installa à Lawrence comme premier Curé résident. M. Michaud était un prêtre plein de zèle et d'activité. Il acheta le terrain où est bâtie l'église et commença le soubassement. Malheureusement, ses talents de financier n'étaient pas en rapport avec son zèle. £7G i'AUoi.^:.si:s canadiknxes En 1875, il partit soudainement laissant la paroisse naissante sous le poids d'une dette de 15,000 piastres. L'archevêque de Boston demanda au Rév. M. Boucher, curé de Salem, de prendre cette succession embarras- sante. Il accepta, et, en quelques années réussit, non seulement à éteindre cette dette, mais encore à finir complètement l'extérieur de l'église. En 1882, il remit sa paroisse aux matins des RR. PP. Maristes. Le P. Godin le remplaça comme Curé. Le Rév. P. Godin, plein d'activité et de zèle, se mit aussitôt à l'œuvre et finit avec beaucoup de goût l'inté- rieur de l'église, puis transportant le vieux presbytère en bois quelques arpents plus loin, il en fit une école de paroisse. A la place de ce presbytère, le Rév. P. Godin bâtit une belle et large maison qui sert aujourd'hui de résidence aux PP. Maristes.. Cette paroisse de Lawrence est on ne peut mieux organisée, mais l'église est trop petite pour la population qui va toujours en augmentant et il est impossible de l'agrandir. Le R. P. Portai, le Curé actuel, aura besoin dj toute son ingéniosité pour trouver un remède à ce défaut radical. Etablis depuis quelques années seulement au milieu des Canadiens émigrés, les RR. PP. Maristes ont déjà sous leur direction plusieurs œuvres importantes. Outre la belle paroisse de Lawrence, ils desservent AKCHIDIOCESE DE BOSTON :^77 encore l'éi^^lise de N -I). des Victoires, à Boston. Leur présence dans cette ville va être une grande bénédiction pour les milliers de Canadiens et d'Acadiens qui s'y trouvent. Ces catholiques avaient besoin d'un centre puissant pour les rallier, et de prêtres zélés pour les aider à garder religion et nationalité. Les PP. Maristes vont rendre le même service aux 7 à 8000 Canadiens qui habitent la ville de St Paul Minesota. Ils ont accepté, il 3^ a 2 ans, la desserte de la paroisse. De là, leur influence pourra s'étendre aux colonies nombreuses de l'Ouest qui ont tant besoin d'en- couragement et de soutien pour rester catholiques et canadiennes-françaises. Enfin dans la vallée de la Madawaska, ils ont ouvert un collège commercial et classique à St Bruno. Cette fondation de plus en plus prospère, donnera un élan considérable à la colonisation française qui, rapidement s'empare de cette vallée et de tout le Nord de l'état du Maine. Entr-e les mains des RR. PP. Maristes, la cause des Canadiens- français est bien placée. Elle n'a pas à redouter des Gssuisd' amer ica7iisat ion qui l'aiïaiblie- raient et seraient sa ruine. POI'UI^TION CANADIENNE DE LAWRENCE Familles, Aines, Couv. B. P., Propr., Elect., 1160. 5800. 510 élèves. 60. <260. . Société St J.-B. SW membres. Liaue du S.-C. 4.6O. HAVERHILL, Pop. 21,795 PAROISSE ST JOSEPH (1871) Organisateur Rév. P. Garin (1S71- . . . .) 1er Curé résident. .... Rév. Ls Casgrain. . .(1874-1878) ^èwe Curé . .Rév. Oliv. Boucher. .(1888- ) Un incident assez vif donna naissance à la paroisse canadienne de Haverhill. Un jeune Canadien, ayant offert, à l'occasion de son mariage, une contribution considérée comme insuffi- sante, fut évincé de la maison, d'une manière un peu brusque et sans cérémonie. De là grand émoi parmi ses compatriotes. L'excitation augmentait, les esprits s'échauffaient de plus en plus, quand le P. Garin arriva juste à temps pour les calmer par des sages paroles et les diriger par de prudents conseils. ST. JOSEPH, HAVERHILL, MASS. ARCHIDIOCÈSE DE BOSTON 379 L'on fit le recensement des Canadiens de Haverhill, puis une députation fat envoyée à Boston pour deman- der une paroisse distincte. La demande fut agréée Le P. Garin fonda la paroisse et desservit les Cana- diens jusqu'à l'arrivée de M. Michaud à Lawrence. En 1873, le 11 janvier, M. Casgrain, alors prêtre assistant à Lawrence, devint le 1er Curé résident de Haverhill. Un comité de citoyens fut orgaiiisé et l'on Ijâtit une église en bois de 65 x 45. M. Casgrain ayant donné sa dérnission, M. Oliv. Bou- cher le remplaça. (1886) M. Boucher est un bâtisseur et un financier. En 1886, il allongea l'église et ouvrit AND Paroisses Canadiennes .• 17 Paroisses inixtes avec bon nombre de Canadiens. . . 8 Prêtres Canadiens ou Français 26 Couvents Canadiens ou mixtes 0 Ligues du S.-C. pour les hommes t? Population' catholique du diocèse 71,t()0 Population Canadienne ^3,500 * ETAT DU MAINE DIOCÈSE DE PORTLAND PAROISSES CANADIENNES DU DIOCÈSE DE PORTLAND / — 1 — Waterville, St François de Sales (1869) 2 — Lewiston, St Pierre (1871) 3 — Biddeford, St Joseph (1872) 4 -^ Augusta, St Augustin (1888) 5 — Fairfield, Cœur Immaculé de Marie.. (1890) 6 — Dans la région de la Madawaska, 12 paroisses entièrement Canadiennes. / PAROISSES CANADIENNES DIOCESE DE PORTLAND Le diocèse de Portiand est l'un des plus français de tou3 les diocèses de l'Est. Sur une population catholique totale de 171,000 âmes, les Canadiens comptent pour plus de 43,000, et par conséquent forment la majorité. Etablis dans des centres importants comme Biddeford, Lewiston, Waterville, Brunswick et Augusta, ils ont des établissements considérables, et reçoivent déjà une large part des offices publics et des charges munici- pales. Cette émigration, venue en grande partie de la Beauce et du diocèse de Rimouski, est solide et religieuse. Ce sont de bons habitants qui, avec leurs nombreuses familles, sont allés se fixer partout dans le Maine et le New Hampshire ; les prêtres Canadiens les ont suivis de bonne heure, et, en quelques années, ils ont réussi à fonder des paroisses catholiques qui, par la piété •402 PAROISSES CANADIENNES la bonne conduite et la générosité, feraient honneur à n'importe quelle paroisse du Canada. Les Canadiens possèdent 18 églises dans le diocèse de Portland. La belle vallée de la Madawaska est déjà toute française. Il y a là 12 paroisses canadiennes, avec plus 15,000 âmes. Les RR. PP. Maristes ont fondé à Van Buren, en 1885, un collège commercial et classique qui est appelé à faire un bien considérable, en contribuant à l'avancement rapide de la colonisation dans cette partie du Maine. Les paroisses vont donc se multiplier et continuer à descendre vers le sud, tandis que la Beauce enverra ses enfants prendre possession des terres encore inoccupées, qui se trouvent au nord-ouest du Maine et du New Hamphire. Aux 43,000 Canadiens du Maine, joignez les 40 et quelques mille du diocèse voisin de Manchester qui se trouvent aussi dans des conditions à peu près sem- blables, vous aurez ainsi un contingent français de plus de 80,000 âmes massé dans ce coin des États de l'Est, à quelques heures de chemin de fer du Canada. Ces hommes, non seulement ont les chances les plus favo- rables de maintenir leur religion et leur langue, mais encore, selon toute probabilité, vont continuer de grandir et de s'étendre de plus en plus. Il faudrait vraiment être bien pessimiste pour pré- tendre que ces 80,000 Canadiens du Maine et du New Hampshire, sont destinées à être absorbés par un élément américain qui, loin d'augmenter, se retire au contraire peu à peu devant le flot toujours montant de l'émigra- tion canadienne. ST. FRANÇOIS DE SALES, WATERViLLE, ME. WATERVILLE, Pop. 6,175 PAROISSE ST-FRANÇOIS DE SALES (1869) Curé fondateur Rév. F. Ficart (1869-1877) 2ème Curé. Rév. D. Halde (1877-1881) Sème Curé Rév. N. Charland (1881- ; Le Rév. F. Picart fonda cette paroisse et la desservit jusqu'en 1877. Il fut alors remplacé par M. D. Halde. Les débuts de St-François de Sales furent difficiles. Ce ne fut que peu à peu, avec grande peine que la paroisse nouvelle parvint à enfoncer ses racines dans le sol. En 1881, le Rév. N. Charland en prit la direction, et réussit enfin, à force de travail et de dévouement, à rétablir sur des bases solides et durables. D'une main prudente et ferme, M. Charland se mit à l'œuvre. Il calma les esprits, fit taire les murmures, et par son zèle et ses vertus sacerdotales ferma bientôt la bouche aux mécontents et aux disputeurs. 404 PAROISSES CANADIENNES Aujourd'hui, tout est calme à Waterville et tout marche à, souhait. Les Canadiens ont là une belle église, un couvent d'Ursulines avec 14 religieuses et 450 élèves, une floris- sante société de St Jean-Baptiste, enfin un Curé qui, au besoin, peut essayer de faire des miracles. Que pourraient-ils souhaiter de plus ? POPULATION CANADIENNE DE WATEKVILLE Familles, Ames, Gouv. Ursul., Propr., Elect., 690. S051. iSO élèves. S07. 78L Société St J.-B., ^10 membres. ST. PIERRE DE LEWISTON, ME. LEWISTON, PoF. 22,668 PAROISSE Sï-PJERRE (187 î) Curé foTidateur. .Rév. P. Hévey (1871-1881) 2eme Curé RR. PP. Dominicains. . ,(1881-. . . .) A la fin de l'année 1869, les Canadiens de Lewiston se séparèrent des Irlandais, et sous la direction du Rév. Ls Mutsaers, prêtre flamand, se réunirent dans le sou- bassement de l'église St- Joseph. Ils étaient à peu près un millier d'âmes. En juillet 1870, le Rév. M. Létourneau, prêtre de St Hyacinthe, mis à la tête de la congrégation naissante, la transféra dans la chapelle St-Jean, rue Lincoln ; mais les progrès étaient lents, presque nuls. Il était réservé au Rév. Pierre Hévey, lui aussi du diocèse de St- Hyacinte, d'imprimer à cette paroisse un élan qui ne s'est pas ralenti depuis. 27 406 PAROISSES CANADIENNES . En 1871, M. Hévey se sentit inspiré de consacrer son ministère au salut" de ses compatriotes émigrés. Il suivit cette inspiration et bien il fit ; car il devait fournir aux États une longue carrière toute pleine de dévouement et de bonnes œuvres. *** Le 11 octobre 1871, il arrivait à Lewiston. A cette époque, le prêtre Canadien-français était bien peu de chose aux yeux des américains protestants. M. Hévey se mit à la recherche d'un logement, mais partout il reçut la réponse que les Juifs donnèrent autre- fois à St Joseph : " Il n'y a pas de place pour vous ici." Après plusieurs jours de démarches inutiles, M. Hévey trouva enfin une personne un peu moins fanatique, qui, pour la considération de Si 8.00 par mois, consentit à loger le prêtre catholique dans un galetas. Le nouveau pasteur se mit à l'œuvre. Facilement il démontra à ses paroissiens la nécessité de construire une église, le projet fut accepté d'enthou- siasme et l'on ouvrit une souscription. Hélas ! il n'y avait pas même assez d'argent pour com- mencer les travaux. Que faire ? Ce fut alors que M. Hévey déploya, pour la première fois, cette fécondité de ressources qui plus tard, devait lui permettre de mener à bonne fin tant d'entreprises importantes. Il proposa un emprunt sous forme de banque d'épargne. Le projet fut approuvé par l'Évêque du diocèse, et le premier dépôt fut fait par M. Eleusippe Garneau le 26 février 1872. DIOCiiSE DE PORTLANI) 4Q7 Ce dépôt était de dix pastres ; mais ce grain de sénevé devait bientôt devenir un grand arbre. Dans l'espace de 9 ans, le P. Hévey reçut de ses Canadiens la jolie somme de 170,000 piastres. Le 7 juillet 1872, l'on posait la première pierre de la nouvelle église, et le 4 mai 1873, Mcrr Bacon, évêque de Portland, bénissait la paroisse de St-Pierre de Lewiston. Dès qu'ils eurent une église à eux, les Canadiens augmentèrent rapidement à Lewiston. Au début en 1869, ils n'étaient que 1000 âmes. En 1871 1,400 En 1873 2,054 En 1874 2,604 En 1875 .. 2,896 En 1890 9,250 *** Fatigué par ses travaux excessifs, M. Hévey en 1877 dût, sur avis du médecin, faire un voyage d'Europe pour sa santé. A son retour, il songea à avoir un couvent, et le 20 novembre 1878, quatre Sœurs Grises de la maison de St Hyacinthe arrivèrent à Lewiston à la grande joie de la population Canadienne. Outre les écoles, les bonnes Sœurs devaient encore avoir soin des orphelins. Elles en reçurent un certain nombre, mais les proportions de leurs établissement et la modicité de leurs revenus, ne leur permirent pas de sa-tisfaire à toutes les demandes. 408 PAROISSES CANADIENNES Cette belle œuvre ne devait avoir son épanouissem^^nt complet que quelques années plus tard. * * ♦ En 1881, le Rév. M. Hévez eut une autre bonne inspi- ration, et cette fois encore, il la suivit. Les RR. PP. Dominicains établis à St Hyacinthe désiraient un établissement permanent aux États, pour s'y employer au service des Canadiens émigrés. Du consentement de l'évêque de Portland, Mgr Healy, M. Hévey offrit aux RR. Pères de leur céder sa paroisse, ce qu'ils acceptèrent avec reconnaissance. L'ancien curé ne se réservait sur les revenus de l'église, qu'une rente viagère qu'il abandonna généreusement pour le support de l'orphelinat des Sœurs Grises. Peu de temps après avoir donné sa démission, M. Hévey prit la direction de la nouvelle paroisse Ste Marie dans la ville de Manchester. Là nous le verrons accomplir des œuvres encore plus considérables que celles qu'il avait si bien conduites à Lewiston. Le Rév. P. Mothon, fondateur de la maison-mère de St Hyacinthe, fut le premier curé dominicain de Lewiston. . En 1886, il construisit dans la rue principale de la ville, un bloc magnifique connu depuis sous le nom de domican block. Le rez-de-chaussé est occupé par des magasins tandis que les étages supérieurs servent d'école de paroisse. > DIOCÈSE DE PORTLAND 409^ L't^glise 8t Pierre étant devenue insuffisante pour l'augmentation toujours croissante de la population, les RR. PP. sont à construire une succursale à Auburn, un des faubourgs de Lswiston. Ils ont adopté le système en vogue aujourd'hui, et bâtissent une église-école. L'église au rez-de-chaussée, les écoles au dessus. Plus tard, ils élèveront le temple définitif, et la chapelle actuelle sera entièrement affectée aux enfants. Ce système mis en faveur tout d'abord par les Alle- mands de l'Ouest, commence à se répandre à l'Est, et semble s'adapter parfaitement aux besoins les plus urgents des populations catholiques : l'Lcole d'abord pour sauver les enfants, l'Eglise ensuite. I Sur une population de 22,668, les Canadiens comptent près de 10,000 âmes à Lewiston. Us ont un représentant à la législature locale, M Jos, E. Cloutier, trois juges de paix, MM. P. X. Angers, F. X. Belleau et Jos. Cloutier, un conseiller de ville, M. H, Lizotte, enfin bon nombre sont dans le commerce et font de bonnes affaires (V. Guide de la Nouvelle-Angleterre.) Sous la direction intelligente et zélée des RR. PP. Dominicains, la belle colonie canadienne de Lewiston gardera longtemps sa religion, sa langue et sa nationa- lité. 410 PAROISSES CANADIENNES POPULATION CANADIENNE DE LEWISTON Familles, Atyics, Couv. parois., Propr., Elect, 1,860. 9,^60. 1,666 élèves. 161. l,i ŒUVRES CATHOLIQUES DE LEWISTON École de garçons — Petits frères de Marie.. Jf^O élèves École des filles — Sœurs de la Congrég. N.-l). 380 " — Sœurs de Charité. 36 en fants SOCI%ÉS RELIGIEUSES ET NATIONALES Association St Dominique. 100 membres Club des Zouaves . .... .^. : ... . . . ; . . . ... . ^^6 ". Institut Jacques-Gartier . 160 " Ste Cécile 36 Union St Joseph 191 " Voici Mn extrait du Rapport du Surintendant des écoles qui aura de l'intérêt pour les Canadiens ; Population de Lewiston en 1890. . £2,668 Enfants et jeunes gems entre 4 ct'^'^s d 21 ans.. , . 7,668 NOMBRE PAR NATIONALITÉ Améric. Irl.-améric. Can.-franç. Anglais. 1890 : .' 2,195; 'l,546. 3,417/ 187. 1880 : ; 2,64^" 1,597. ! 1,678, 133' Augmentât 1,744. 54; Diminution.. 4()6. 52. ST. JOSEPH, BIDDEFORD, ME. BIDDEFORD, Pop. 14,418 PAROISSE ST^JOSEPH 0872) Curé fondateur Rév. J. Ponmrdin . . .(ÎS72-187S) ^èim Curé Rév. F. Dupont (1878- ) En 1873, au retour d'un voyage en France, nous nous trouvâmes cinq prêtres à bord de l'infortunée Ville du Havre qui, au voyage suivant, périt en mer avec plu- sieurs centaines de passagers. L'un de ces prêtres était le Rév. P. Mofehon, O, P. qui s'en allait fonder la première maison de son ordre à St. Hyacinthe ; deux autres étaient Sulpiciens : les RR. MM. Lévêsque et Deschamps, morts depuis ; l'autre enfin, était un curé français, au visage jovial et intelligent, aux manières engageantes et pleines de courtoisie. Vif à la réplique, d'une gaieté intarissable, contant avec entrain histoires sur histoires, anecdotes sur anecdotes 412 PAROISSES CANADIENNES ce joyeux compagnon fut durant la traversée, la conso- lation des affligés, l'ami de tous. C'était le Rév, Jos. Ponsardin. 11 avait entrepris de bâtir une grande église pour les Canadiens dp Biddeford. Déjà le soubassement était terminé, il voulait finir l'église et pour avoir des ressources, il avait fait le voyage de France. M. Ponsardin revenait en Amérique, le cœur content. IJ rapportait avec lui nombre de cadeaux destinés à un bazar, qui lui permettrait d'ache- ver son œuvre. Hélas ! une triste déception l'attendait à New-York. Les journaux américains ne parlaient qvie de faillites^ les maisons les plus fortes, les banques les mieux établies tombaient de toutes parts. C'était un désastre comme les "Etats-Unis n'en avaient encore jamais vu de pareil. Au moment de toucher au port, le pauvre Curé fran- çais voyait toutes ses espérances s'évanouir en un instant. Pourtant cette épreuve ne l'abattit pas. Tant bien que mal, il traversa la crise, et quelques années plus tard, il put enfin réaliser son projet. La grande et belle église de Biddeford était finie à Teatérieur. En 1878, M. Ponsardin donnait sa démission et s'en •allait fonder une nouvelle paroisse canadienne à Lead- ville (Colorado). Le Rév P. Buppnt le remplaça à Biddeford. DIOCÈSE DE PORTLAND 413 Ancien professeur de philosophie et directeur des études au séminaire de Trois-Rivières, M. Dupont résolut de se dévouer tout entier aux Canadiens établis à Bidde- ford. Cachant sous des manières lentes et réservées, une grande hardiesse de vues, il sait mûrir des plans qui, au • premier coup d'œil, font parfois hésiter les plus entre- prenants. Mais les mesures sont si bien prises, les ressources si bien calculées, que le Curé de Biddeford a toujours la satisfaction de voir ses entreprises couron- nées de succès. En 1882, il linit l^yise d la décora avec goût. Il y mit tout ce qui peut contribuer à entretenir et à développer la piété des fidèles : Statues du Sacré-Comr et de N.-D. de Pitié, Christ en Croix, de grandeur natu- relle et d'un forb beau travail. Puis il établit de nom- breuses sociétés (iui\pai' la ('uiiiiiiunioii fi-(M|U('nte, main- tiennent la ferveur dans les familles et dans la paroisse. En 1885, le P. E. Hamon, S. .T., y fondait la Ligue des Hommes avec 400 membres. Cette société s'est main- tenue depuis. Dès que son église fut terminée, M. Dupont aménag( a le soubassement pour en faire ses écoles de paroisse, qu'il confia aux Sœurs du Bon Pasteur de Quél)ec. * * Tout était donc déjà sur un bon pied, dans la belle paroisse de Biddeford ; mais l'entreprenant pasteur, ne ee contentant pas de ce ' bien relatif, voulut encore ■• 414 PABOISSES CANADIENNES réaliser le mieux. Il conçut un plan qui, par son audace, déconcerta tout d'abord et TÉvêque et les paroissiens. Au centre de Biddefôrd, sur une colline qui domine la ville et donne au loin une large perspective sur l'océan, un riche américain avait fait construire une vaste résidence privée. Des jardins plantés de pins et d'érables, faisaient de cette habitation un séjour tran- quille et délicieux. Mais l'américain seul avec sa femme, s'ennuyait dans cette grande maison. Il cherchait à vendre. M. Dupont résolut d'acheter et de faire de cette propriété, une maison-mère de religieuses enseignantes. Le coup était hardi. On offrait cette propriété pour 20,000 piastres, c'est- à-dire la moitié de sa valeur ; d'autre part, il y avait encore sur l'église une dette de quelque 40,000 piastres, se mettre sur les épaules un pareil fardeau additionnel, semblait être bien téméraire. Aussi l'Evêque hésitait, il n'osait consentir au projet, M. Dupont s'en va le voir à Portland. De vive voix il expose ses plans, additionne ses revenus certains, met dans la balance les recettes probables que donneront les bazars, soirées, etc. ; bref, il .emporte la situation de haute main et l'Evêque signe le contrat. * * En 1886, les religieuses du Bon Pasteur dé Québec prirent possession de leur magnifique établissement. Jamais elles n'avaient rêvé d'être si bien logées sur terre. Il leur fallut cependant se résigner à garder les riches candélabres, les lavabos en marbre, les tapi.% somptueux DIOCÈSE DE PORTLAND 415 que la générosité de rAméricain leur avait laissés. Les bonnes religieuses, à l'exemple de St Paul, après avM:)ir connu la pauvreté à Québec, durent se résoudre à vivre dans une maison luxueuse à Biddeford. Elles ouvrirent un noviciat de leur ordre, et l'essai fut heureux ; 16 religieuses et 10 novices habitent aujourd'hui cette maison-mère, la première que les com- munautés du Canada aient ouvert dans les Etats de l'Est. L'année suivante, M. Dupont bâtit sur ce nouveau terrain une vaste école de paroisse, et se mit à l'œuvre pour payer ses dettes. Un seul bazar rapporta 14,000 piastres. La dette sur le couvent fut réduite à quelques milliers de piastres, et celle de l'église n'a rien qui puisse inquiéter une population généreuse et du. reste, fort con- sidérable. Biddeford est un des centras Canadiens les plus importants des Etats de l'Est. Les Canadiens sont plus de la moitié de la population totale de la ville. Ils ont une larg(i part aux offices publics. M. Daniel Côté est depuis plusieurs années député à la législature locale du Maine. M. David Garnache est échevin, et MM. Jos. Carrier, Ad. Simard, Jos. Lachance et Ph. Gendron conseillers de ville. Enfin grand nombre de Canadiens sont dans le commerce et réussissent, sans avoir eu besoin pour cela, ni d'abandonner leur religion, ni de se faire francs-maçons, ainsi que le prétendent 416 PAROISSES CANADIENNES ceHains écrivains du Canada. Ils sont au contraire restés de fort bons catholique. Que ces messieurs viennent donc faire un voyage à Biddeford, Levs^iston, Lawrence, Manchester, Nashua, Spencer, Worcester, etc. ; qu'ils voient de leurs yeux la situation matérielle et religieuse des Canadiens, qu'il» interrogent les prêtres, ils modifieront Vjien vite leurs idées sur ce point et sur plusieurs autres encore, et cesseront de publier des assertions fausses que l'igno- rance explique mnis qu'elle ne justifie pas. POPULATION CANADIENNE DE BIDDEFORD Familles, Ames, Couvent, ' Fropr,, ElecL, 1631. ' 8155. 800 élèves. 159. 1101. Soc. St J.-B. 18 J^ membres. Ligue du S.-C..300. AUGUSTA, Pop. 10,521 PAROISSE ST AUGUSTIN (1888) 'Curé fondateur Rév. E. G. Plante. . .(1888-1889) reme Curé Rév, A A.Hamel. . .(1889- ; POPULATION CANADIENNE d'aUGUSTA Familles, Anus, Propr, Élect., 600. ^,600. U- 64^. FAIRFIELD (1891) Fairtield était une mission de Waterville. Monseigneur vient d'en faire une paroisse canadienne distincte avec Quré résident, M. Bergeron la dessert. 418 PAROISSES CANADIENNES Dans le diocèse de Portland, il est peu de paroisses, à part Bangor et Portland, qui ne comptent un grand nombre de Canadiens. Enumérer les paroisses mixtes serait donner une liste à peu près complète de toutes les églises du diocèse. Je me contenterai donc de citer celles où les Cana- diens forment la moitié ou les trois quarts de la popu- lation catholique totale. ♦ Paroisses mixtes DU DIOCÈSE DE PORTLAND Familles, Ames, Gouv.-Écoles, Propr., Élect., Brunswick.... 330. 2084. 200 éUves. 22. 126. Oldtown 260. 1150. 208. 104. 254. Orono 181. 849. 130. 64. 236. Saccarappa.. 398. 1976. 200. 49. 176. Showhegan... 159. 958. 151. 49. 176. Winn 116. 641. 90. 24. 106. Total... A, U^- 7,658. 979. 312. 1,073. ÉTAT DU KE¥ HAMPSÏÏIRE DIOCESE DE MANCHESTER ETAT DU NEW HAMPSrIIRE DIOCÈSE DE MANCHESTER PAROISSES CANADIENNES DU DIOCKSE DE MANCHESTEIÎ Paroisses canadiennes 11 Paroisses mixtes avec bon nombre de Canadiens.. . . ÎJj, Prêtres Canadiens ou Français 18 Couvents Canadiens '^ Ligues du S.-C. pour lés Jiomnie.^ -^ Population catholique du diocèse 70,000 Population canadienne JfO,SO^ ETAT DU NEW HAMPSHIRE DIOCÈSE DE MANCHESTER PAROISSES CANADIENNES (1872-1890) 1 — Manchester, St Augustin 1872 2 — Nashua, St Louis 1872 3 — Suncook, St Jean- Baptiste 1877 4 _ Great Falls, St Martin 1880 5 — Berlin Falls, Ste Anne. 1881 6 — Manchester, Ste Marie 1881 7 — Nashua, St François- X obvier » 1884 8 — Rochester, St Rosaire ....'. 1884 9 — Greenville, Sacré-Cœur 1887 10 — Hooksett et Pittsfield 1888 11 — Manchester, nouvelle paroisse . . 1890 PAROISSES CANADIENNES DU DIOCÈSE DE xMANCHESTEH MANCHESTER, Pop. 43,983 PAROISSE ST AUGUSTIN (1872) Curé fondateur . . . . Rév. J. A. Chevalier. .(1873- ) M. Jos. A. Chevalier est l'un des vétérans de la cause canadienne aux Etats-Unis. En 1872, il jeta les fondements de la belle paroisse de St Augustin, dont il est resté curé jusqu'à ce jour. Durant de longues années, M. Chevalier se trouva seul pour desservir les milliers de Canadiens qui affluaient de plus en plus vers ce grand centre manufacturier; 424 PAROISSES CANADIENNES mais toujours calme, toujours méthodique, doué d'une volonté énergique, d'un talent heureux pour l'adminis- tration et les finances, il sut faire face à la situation et en rempjir fidèlement les devoirs. L'un âes premiers, il comprit l'importance des écoles paroissiales canadiennes. Aussi, à peine son église de St Augustin était-elle terminée, qu'il bâtit un couvent et le confia aux religieuses de Jésus-Marie, de Sillery. L'enseignement solide et pratique que ces bonnes reli- gieuses donnent aux enfants, la piété qu'elles leur inspirent, les manières aisées, bien que modestes, qu'elles savent leur communiquer, tout a contribué à faire de St Augustin une des paroisses les mieux établies de l'Est. Cependant avec le couvent, M. Chevalier voulait autre chose encore. Il lui fallait une Académie pour les garçons ; c'était à ses yeux le seul moyen de les emp3- cher de fréquenter les High-Schools américains, plus dangereux encore pour des jeunes gens de 14 et 16 ans que ne le sont les écoles primaires pour les enfants. L'entreprise était diâicile. Lentement, le Curé mûrit ses plans, puis il attendit. En 1888, une école publique, située juste en faèe de l'église St Augustin, fut mise en vente. M. Chevalier la fit tranquillement acheter par un ami, ensuite, l'exhaussant d'un étage, il la transforma en couvent pour ses frères et en école commerciale pour ses jeunes Canadiens. DIOCESE DE MANCHESTER 425 Grand fut i'étonnement des protestants de Manchester à cette nouvelle ; mais ]a transaction était en bonne et due forme. Il n'y avait plus qu'à faire contre fortune, bon cœur. Ces MM. eurent le bon sens de ne rien dire et d'accepter froidement le fait accompli. Quand la paroisse Ste Marie prit son magnifique essor, sous la direction de M. Hévey, il y eut d'abord un peu d'émotion à St Augustin. L'on conçut quelqu'inquiétude en voyant les Canadiens se porter en masse vers la paroisse nouvelle. Bientôt pourtant tout s'équilibra et s'arrangea pour le mieux. Le trop plein de St Augustin se déversa dans Ste Marie et les deux Curés se trouvèrent chacun à la tête d'une paroisse de quelque 6 ou 7000 âmes. Il y avait encore là de quoi exercer leur zèle et sou- tenir leurs œuvres paroissiales. Ainsi, quand une source placée sur une colline, devient trop abondante et déborde, si on lui ouvre sur la colline opposée un réservoir nouveau, l'eau montera dans ce réservoir jusqu'au niveau de son origine, sans toutefois le dépasser. ; C'est ce qui est arrivé à Manchester. POPULATION CANADIENNE DE ST AUGUSTIN Familles, Ames, Couvent J. M., Prop., Elect, 1621. 8105. 6S9 élèves. 68. ^16. Société de secours mutuel 'I!00 membres. NASHUA, Pop. 19,266 PAROISSE ST LOUIS (1872) Curé fondateur . . Rév. H. Milette (1872- ....) Tandis que M. Chevalier rassemblait les Canadiens de Manchester, M. Milette rendait le même service à «eux de Nashua, et tous deux réussissaient en quelques années, à créer de belles et fortes paroisses. Nashua est un des centres manufacturiers les mieux connus en Canada. Situé à quelques milles, au Sud de Manchester, sa population est de 19,266, et sur ce nombre, les Canadiens comptent pour plus de 6,000. L'on construit de nouvelles fabriques, c'est-à-dire que les Canadiens formeront bientôt la moitié de la popula- tion de Nashua. DIOCESE DE MANCHESTER 427 * * Quand M. Milefcto entreprit de bâtir son église, des marchands canadiens firent preuve d'une générosité qu'il est bon de faire connaître à leurs compatriotes. Ils allèrent trouver leur nouveau Curé. " — M. le Caré, Dieu nous a jusqu'ici bénis dans " notr^ commerce, nous voulons nous montrer recon- naissants : 20 d'entre nous ont résolu de souscrire '' SlOO chacun, pour notre future paroisse : voici notre " billet." Ce bon exemple porta ses fruits. M. Milette finit bientôt une belle église gothique qu'il a tout dernièrement fait décorer à fresques, et les mar- chands canadiens se voient de plus en plus bénis dans leur commerce. A côté de l'église, l'on bâtit un grand couvent. C'est un des établissements les plus importants que les religieuses de Ste Croix possèdent aux États. Là, comme partout ailleurs, elles accomplissent avec succès leur œuvre d'éducatrices de l'enfance, de confi- dentes des mères de famille, au besoin même de pacifi- catrices prudentes, toujours disposées à donner de bons conseils et de bonnes paroles. C'est, en effet, la mission variée que le couvent remplit dans la paroisse canadienne. Rien de plus effi- cace pour maintenir la paix dans les esprits, ou pour la rétablir quand elle a été troublée par quelqu'événement imprévu. 428 PAROISSES CANADIENNES Plus d'un Curé canadien en a déjà fait l'heureuse expérience. Comment cela ? voici : Un Canadien, à tort ou à raison, croit-il avoir à se plaindre de son prêtre ; la première chose qu'il fait, c'est d'en parler à sa femme, cela le soulage. Ces confi- dences sont parfois amères ou même tout- à-fait mena- çantes. Quand la femme les a reçues, vite, elle s'en va, comme de raison, les porter tout droit au couvent. Or, les bonnes sœurs ont un talent merveilleux pour verser l'huile et le baume sur les blessures les plus cuisantes. Leurs sages conseils, leurs douces paroles indiquent aux mères de famille les moyens à prendre pour conjurer l'orage et apaiser les cœurs farouches. Conclusion : les bonnes sœurs calment les bonnes femmes, et celles-ci, à leur tour, calment leurs maris. La paix règne dans la famille et dans la^'paroîsse. * * * En 1885, M. Milette céda à M. Lessard une"'partie de de ses ouailles. Une seconde paroisse canadienne fut fermée à Indian Head, un des faubourgs de Nashua. POPULATION CANADIENNE DE ST LOUIS Familles, A^aes, Couv. 8 te Croix, Propr., Elect 662. S9.57. 568 élevés. J^l. 276. Société St /ean-Baptiste SJ^,! membres. SUNCOOK PAROISSE ST JEAN-BAPTISTE (1873) Guréfondaieur..Rév. M. B/tcher (1873-1876) reme Curé Rév. Nap. Hardy (1876-1883) Sème. Curé Rév. T. Davignon (1883- . . . .) POPULATION CANADIENNE DE SUNCOOK Familles, Am£s, École parois. Propr., Elect. ^77. ^922. 90 élevés. 27. lO/f. MANCHESTER, Pop. 43,983 PAROISSE STE MARIE (1880) Curé fondateur. . ..Rév. R Halde (1880- 1882) reme Curé Rév. P. Hévey (1882-. . . .) M. Hévey est, selon le langage du XVIIe siècle, un fort honnête homme. Ses manières courtoises, son affa- bilité l'ont fait aimer de tous à Manchester, protestants aussi bien que catholiques. Prêtre zélé, vaillant travailleur, c'est de plus un bâtis- seur infatigable. Bâtir est pour lui une passion irrésistible, c'est sa vie. Le jour où il n'y aura plus de construction en marche ou du moins en projet à Ste Marie, il sera bien tenté, je le crains, de donner encore une fois sa démission et de s'aller sous d'autres cieux chercher un aliment à sa passion dominante COUVENT DES SS. ANGES, STE. MARIE. . DIOCESE DE MANCHESTER 431 Heureusement pour les paroissiens de Sfce Marie, ce jour n'arrivera pas de sitôt. * * * Manchester est traversé par le Connecticut, sur lequel s'élèvent les immenses fabriques de la compagnie amé- ricaine TAmoskeag, qui emploie plus de 12,000 travail- leurs. Jusqu'en 18^0, la ville ne s'était bâtie que sur la rive droite du fleuve. Les collines de la rive fauche étaient presqu'entièrement inoccupées. Le Rév. D. Hakle eut alors l'idée de construire une chapelle sur le somm« t de ces collines, comptant bien que la beauté du site et le bon marché des terrains y attireraient bientôt les (Cana- diens en grand nombre. Ses espérances se réalisèrent. En 1882, M. Halde quittait Ste Marie et M. Hévey le remplaçait. M. Hévey est un des premiers prêtres Canadiens qui se soient consacrés au salut de ses compatriotes émigrés. En 1871, il avait commencé la paroisse de Lewiston et bâti la belle église de St Pierre. En J881, il la céda aux RR. PP. Dominicains et fit un voyage en Europe pour raffermir sa santé, ébranlée par des travau.x excessifs. A son retour, l'Evêque lui offrit la paroisse Ste Marie, alors en formation, M. Hévey accepta et se mit à î'ceuvre avec toute l'activité d'un jeune homme. ' Ste Marie comptait alors 2,500 âmes et avait une dette de 10,000 piastres (1882). 432 PAROISSES CANADIENNES Durant quelques années, les progrès furent assez lents, le Curé formait ses plans ; bientôt il les mit à exécution. A côté de la chapelle, il acheta d'abord une bonne résidence privée dont il fit son presbytère. De l'autre côté de la rue, il y avait un vaste plateau tout planté de beaux pins ; il s'en rendit propriétaire. Autour de la chapelle, en arrière, les terrains étaient encore inoccupés : M. Hévey acheta et acheta encore. Et les bonnes gens tout ébahis de se dire les uns aux autres : " — Mais qu'est-ce que notre Curé compte donc " bien faire de tous ces terrains-là ? A quoi va-t-il les " employer ?" — Patience : vous le saurez bientôt. En 1885, tout près de l'église, M. Hévey construisit un splendide couvent en brique de 88 x 47, et le confia aux Sœurs Grises de St Hyacinthe. De l'ouverture des classes date aussi l'accroissement rapide de la paroisse Ste Marie. Dès la première année, le couvent se trouva trop petit pour les enfants qui se présentaient. Il fallut songer à diviser. En 1886, M. Hévey bâtit pour les garçons une grande académie de 88 x 50. . Elle se compose d'un sous-sol dont une partie sert de salle de récréation aux enfants en hiver, d'un entresol DIOCESE DE MANCIIESÏKR 433 d'un étage complet et enfin d'un second étage de 19 pieds de hauteur. C'est une vaste salle avec galeries, qui s étend sur toute la longueur du bâtiment et qu'on utilise pour réunions, concerts, représentations drama- tiques, etc. Cette salle décorée à fresques est d'un fort bel effet. Elle peut a'îseoir 800 personnes. En 1886 encore, M. Hévey fit à la chapelle temporaire une addition de 32 pieds. En 1888, nouvelle addition nécessitée par l'auo-mcn- tation constante de la population. En 1888 encore, deux ailes de 19 x 18 sont ajoutées à l'Académie des garçons. En 1891, M. Hévey va construire en arrière de son église actuelle, sur les vastes terrains qui lui appar- tiennent, une basilique qui fera la gloire des paroissiens de Ste Marie. Enfin en 189., au milieu de ce beau bouquet de pins, dont nous avons parlé plus haut, l'infatigable bâtisseur élèvera un grand orphelinat, où les petits orphelins jouiront d'un air pur et d'une vue magnifique sur la ville et la vallée de Manchester, tandis que les bonnes sœurs en charge de l'établissement, n'auront que la rue à traverser pour se rendre à la maison-mère ou à l'église. * * * Voilà ce que M. Hévey, secondé par ses paroissiens, a déjà fait et compte faire pour sa paroisse de Ste Marie, si Dieu lui prête vie et santé quelques années encore. 434 PAROISSES CANADIENNES " Mais, direz-vous, tous ces achats et toutes ces cons- " tructions ont dûi coûter des centaines de mille piastres?" — Sans doute. — " Où donc le Curé de Ste Marie prend- " il cet argent ? Serait-il, piir hasard, propriétaire de " quelque mine d'or, ou ses paroissiens sont-ils des " richards dont la générosité est inépuisable ? " — Ni l'un, ni l'autre. M. Hévey n'a pas de mine d'or, ni d'argent à sa dispo- sition, et ses paroissiens, loin d'être des richards, sont tout siiisplement de braves ouvriers gagnant de mo- diques salaires et qui, la plupart, ont de nombreuses bouches à nourrir à la maison. Seulement, le Curé de Ste Marie possède deux secrets qui assureront toujours le succès de ses entreprises. Tout d'abord, il connaît à fond ses Canadiens, et, sans les pressurer, il sait pourtant les tenir toujours en haleine pour son église et ses œuvres. Il demande peu à la fois, mais il demande souvent, puis, il a toujours bien soin de leur montrer de l'ouvrage fait pour leur argent. Les Canadiens de Ste Marie sont fiers de leur couvent^ fiers de leur belle académie, comme ils seront bientôt fiers de leur magnifique église et de leur orphelinat. C'est là le premier secret. Le second secret est plus difîicile à expliquer. * * M. Hévey a toujours été un grand bâtisseur, et par conséquent un grand quêteur. Il lui faut à tout prix, faire tomber l'argent dans sa caisse. Or le Curé de Ste 435 Marie est si engageant, il sait si bien enjôler son monde, il est si habile à combiner ses plans d opération que, lorsqu'il ouvre un bazar, qu'il donne un souper, une soirée quelconque pour son église, protestants aussi bien que catholiques, se font un plaisir d'aller lui faire plaisir. La recette est toujours abondante. Zélé pour le temporel de sa paroisse, M. Hévey ne l'est pas moins pour le spirituel. En 1886, les PP. Hamon et Larue S. J., donnèrent à Ste Marie, une grande mission pour y établir la Ligue des Hommes. Ils enrôlèrent 576 membres. Depuis que ces lignes ont été écrites, il est arrivé à Ste Marie deux événem'^nts importants. Le Kév. M. Hévey a été élevé par Rome à la dignité de Protonotaire Apostolique, et les amis si nom- breux du vaillant missionnaire, se sont réjouis de voir ce beau couronnement d'une carrière pleine de mérites et de bonnes œuvres. Le 25 octobre 1890, la chapelle de Ste Marie devenait la proie des flammes. Ce malheur temporaire a immé- diatement amené comme compensation un heureux résultat. La grande église projetée est en marche et Mgr Hévey verra ainsi se réaliser plus tôt qu'il ne pensait, le rêve qu'il caresse depuis qu'il est Curé de Ste Marie. POPULATION CANADIENNE DE STE MARIE Familles, Ames, Couvent, Prop., Elect, 993. 6968, 5 3 J^ élevés. nO. 397. Société St J.-B. 310 membres. Ligue du S.-C. 576. GREAT FALLS PAROISSE ST MARTIN (1880) Curé fondateur. . . .Rév. G. Page (1880-1883) 2ème Curé Rév. Demers (18S3- ) Le Rév. M. Page organisa la paroisse canadienne de Great Galls, mais il la quitta en 1883, pour aller fonder la paroisse et bâtir l'église de New Bedford (Providence). M. Demers, un ancien Curé-missionnaire dans la Madawaska, le remplaça. Possesseur d'un vaste terrain à l'extrémité du village de Great Falls, M. Demers entreprit de bâtir pour ses paroissiens un temple dont ils pourraient être fiers. Il réussit. En arrivant dans ce village de modeste apparence, l'on est agréablement surpris de voir une église qui, même dans une grande ville, serait regardée comme im beau monument du culte catholique. ST. MARTIN, GREAT FALLS, N. H. DIOCÈSE DE MANCHESTER 437 Honneur aux Canadiens de Great Falls et à leur Curé ! Cette paroisse éloignée des centres populeux, cachée dans un coin du New Hampshire, rappelle à s'y mé- prendre une vieille paroisse du Canada. Les Canadiens pourront y garder longtemps en pajx et leur relio^ion et leur lano^ue. POPULATION CANADIENNE DE GREAT FALLS Familles, Ames, Ecole parois., Propr., Elect., 382. 2,488. 150 élèves. 1^5. 288. Société St Jean-Baptiste 128 membres. 29 BERLIN FALLS PAROISSE STE ANNE (1881) Curé fondateur Rév. J. Gorman. (1881-1885) 1er Curé résident Rév. N. Cournoyer. . . (1885- . , . .) L'Eglise de Ste Anne a été bâtie par le Rév. J. Gor- man, aujourd'hui Curé de la paroisse St Jean-Baptiste de Brunswick en grande partie canadienne. ' A cette époque, Berlin Falls était une mission attachée à Gorham. Les Canadiens ayant augmenté en nombre, un Curé résident fut nommé en 1885. Ce fut le Rév. N. Cournoyer. En 1886, il agrandit l'église et bâtit un presbytère, puis il songea aussitôt à avoir une école paroissiale pour ses enfants, et trois ans plus tard les Sœurs de la Pré- sentation de St Hyacinthe prennaient possession du couvent. ' DIOCÈSE DE MANCHESTER 439 Ste Anne est hne bonne paroisse canadienne. M. C. Rousseau, pharmacien, a été élu l'an dernier à I9, Législature, et il y a bon nombre de Canadiens dans toutes les branches du commerce. POPULATION CANADIENNE DE BERLIN FALLS Familles, Aines, Couv. Présent., Propr., Mect, 300. 1800. 300 élèves, 80. Hl, NASHUA Pop. 19,266 ^ PAROISSE ST FRANÇOIS - XAVIER (1884) Curé fondateur Rév. H. Lessard (188^- . . . .) Quelqu'un de mes lecteurs a-t-il connu le faubourg de Nashua, qu'on nomme Indian Head, avant qu'il y eût là une église et un prêtre Canadien ? Qu'il y retourne aujourd'hui, il verra de ses yeux la transformation merveilleuse que, par sa parole et son ministère, un Curé^Canadien peut opérer parmi ses com- patriotes. Il y a quelques années, Indian Head avait une triste réputation. C'était le rendez-vous de tous les buveurs, de tous les tapageurs, de tous les viveurs de Nashua et des environs. Là, il y avait au moins une quinzaine d'auberges, et le Dimanche soir, l©s homnêtes gens ne pouvaient §e risquer DIOCÈSE DE MANCHESTEll 441 dans les rues, sans s'exposer à rencontrer des bandes d'hommes ivres qui blasphémaient comme des démons et souvent se battaient comme de vrais sauvages. Voilà ce qu'était Indian Head avant la venue du prêtre, *** En 1884, Mgr de Manchester offrit au Rév. H. Les- sard, alors vicaire à St- Augustin; de former à Indian Head une paroisse, celui-ci accepta. Au sommet de la côte ({ui, de la rue principale d'Indian Head, tombe dans Grand street, la compagnie des fabri- ques possédait un terrain fort avantageusement localisé pour la future église. M. Lessard en obtint la cession, mais avant de construire le soubassement projeté, il y avait un obstacle sérieux à surmonter. Il fallait faire disparaître au moins la moitié de cette colline de sable. C'était une rude besogne. M. Lessard rassemble ses Canadiens, les harangue et leur fait accepter d'enthousiasme des corvées volon- taires. Le soir, c'était un spectacle étrange de voir le sommet d'Indian Head, illuminé par les centaines de torches de résine éclairant les travailleurs qui, leur journée finie, venaient aider à déblayer le terrain de la future église. De longues files de charrettes descendaient lentement de la colline, la gaieté et l'entrain régnaient partout et l'on s'encourageait à la besogne en chantant les vieilles chansons du Canada. Le curé était là, au milieu de ses 442 PAROISSES CANADIENNES braves gens, les soutenant par de bonnes paroles, au besoin provoquant de joyeux éclats de rire par des plaisanteries et des souvenirs du vieux pays. Au bout d'un an les Canadiens étaient installés dans un bon soubassement en brique. *** Alors commença un- travail de régénération spirituelle qui donna bientôt les plus heureux résultats. Les auberges disparurent, il n'en resta que quelques unes et la police put facilement les maintenir dans Tordre. Les danses et les soirées tapageuses cessèrent aussi peu à peu. Les rudes viveurs de Nashua qui avaient fait d'Indian Head leur quartier-général, com- prirent que désormais ils devaient transporter ailleurs le théâtre de leurs exploits. Témoins de ce changement, les protestants ne se las- saient pas d'admirer l'influence extraordinaire du prêtre sur ses compatriotes et, les premiers, ils félicitaient pasteur et troupeau, d'une réforme aussi complète, et en même temps aussi pacifique. Ils ignorent, en effet, le secret de cette' influence sur les âmes, même en apparence les plus endurcies. Ce secret, le voici : Presque tçus ces émigrés ont reçu dans les vieilles paroisses, une bonne éducation religieuse. Une mère pieuse les instruisit de la religion et les forma a la 443 piété. Or^ ces premières impressions ne s'effacent jamais complètement du cœur des Canadiens. Ces hommes plus tard, peuvent sans doute, plus ou moins négliger leurs devoirs de chrétiens ; mais dès qu'ils ont une église auprès d'eux, qu'un prêtre vient faire appel à ces sou- venirs d'enfance, la foi se réveille et sous les décombres que les passions avaient amoncelés dans le cœur, repa- raît le cachet de la mère. L'homme facilement rede- vient fidèle à son Dieu et à sa religion. Le protestant lui, n'aura malheureusement jamais cette ressource de salut. Au fond de son âme, il n'y a jamais eu, et la plupart du temps, il n'y aura jamais, que le doute ou l'indifférence absolue pour toute religion révélée. sic * Durant la retraite de 18S8, M. Lessard fit, pour sa paroisse, une acquisition magnifique. Juste en face de l'église, se trouvait un vaste terrain, avec une maison entourée d'un verger. Il acheta le tout pour la somme de 7,000 piastres. L'année suivante il bâtit un grand couvent qu'il confia aux sœurs de Ste- Croix, puis il transforma la maison en un presbytère, nivela le terrain, le planta d'arbres, l'orna, bref, il fit là un établissement qui, au bon goût, joint tout le confort que peut raisonnablement souhaiter un curé des Etats. 444 • PAROISSES CANADIENNES La jeune paroisse d'Indian Head n'a pas encore atteint la perfection, il est vrai, mais avec de la pa- tience et du travail j elle ne peut désormais que s'amé- liorer de plus en plus et prospérer. POPULATION CANADIENNE DE ST F.-X. DE NASHUA Familles, Ames, Couvent, Propr., Elect.y 339. 1698. ^S8 élèves. ■ m. 19^ Ligue du S.-C. 175 membres. ROCHESTER PAROISSE DU ST ROSAIRE (1884) Curé fondateur Rév. V. Laray (188/^-1890) ^ème Curé Bév. L. Laplante (1890- ; A Rochester, petite ville du New Hamshire, un mil- lier de Canadiens désiraient vivement avoir une église à eux et un prêtre pour les desservir. Ils se réunirent pour discuter la question. " Etait-il possible de bâtir une église et de soutenir un prêtre ? " Un certain nombre d'entr'eux avaient ramassé un peu d'argent. Ils résolurent de se montrer généreux pour Dieu et son église, et 40 chefs de famille souscrivirent chacun 100 piastres pour la future paroisse. En présence d'une pareille bonne volonté, J'Evêque n'hésita plus il leur envoya un prêtre. Ce fut le Rév. V. Lamy, (1884). 446 PAROISSES CANADIENNES Le nouveau Curé bâtit une élégante petite église, et quelques années plus tard, grâce à une sage administra- tion, il avait payé toutes les dettes et acheté une maison qui sert aujourd'hui d'école de paroisse. Une mission à Gonic, a depuis fortifié la congrégation canadienne de Rochester, et lui assure stabilité et déve- loppement. En 1889, M. Lamy fut appelé à former une nouvelle paroisse à Manchester, M. Plante le remplaça. POPULATION CANADIENNE DE ROCHESTER Familles, Ames, Ecole par. Propr., Êlect., 196. 1016. 150 élèves. 4.O, Hl. Société St J.-B. 110 membres. Ligue du S.-C. 186. HOOKSETT PAROISSE DU SACRÉ CŒUR MISSION DU ST-ROSAIRE, PITTSFIELD (1888) Curé fondateur . . .Rév. C. AL La plante (1888-1890) ^hne Curé Rév. A. F. Simard (1800- ; Le Rév^ C. M. Laplante, grâce à son zèle et à son éner- gie, parvint à former en paroisse canadienne distincte Hooksett et Pittsfield, et à bâtir en même temps deux bonnes petites chapelles. Désormais les Canadiens de ces deux centres sont sûrs d'avoir des sermons en français et un prêtre pour les desservir. En 1890, le Rév. C. M. Laplante fut envoyé à Roches- ter et le Rév. A. F. Simard le remplaça. POPULATION CANADIENNE DE HOOKSETT ET PITTSFIELD Familles, Aines, Propr., Elect. 102, Si6. l 16. MANCHESTER, Pop. 43,983 ^ PAROISSE DU SAINT-ROSAIRE (1890) Curé fondateur Rév. V. Lamy (1890) Une troisième paroisse canadienne est en voie de for- mation à Manchester. Le Rév. V. Lamy, qui avait fondé Rochester en 1864, en a été nommé curé. Tout fait espérer qu'il aura le même succès que dans sa première fondation. Déjà l'on a construit un grand soubassement que les Canadiens vont bientôt occuper. Avant peu d'années, cette nouvelle paroisse du St- Rosaire Comptera, elle aussi, des milliers de catholiqiies. DOVER Depuis quelque temps, parait-il, les Canadiens de Dover agitent la question de savoir s'ils s'organiseront en paroisse distincte. En faisant des sacrifices comme en ont fait leurs compatriotes de Rochester, Hooksett et Greenville, ils seraient assez nombreux, dit-on, pour se bâtir une église et soutenir un prêtre ; mais leur action n'est pas una- nime et rien de définitif ne s'est encore fait jusqu'ici. La question reviendra probablement sur le tapis, et si ces catholiques parviennent à s'unir, là, comme ail- leurs, ils réussiront. POPULATION CANADIENNE DE DOVER Faviilles, Ames, Ecole parois., Propr., Eled- ■ 118 728 55 5 IJf. Outre ces paroisses canadiennes, il y a encore dans . le New Hampshire, une dizaine de centres, au moins, où les Canadiens comptent pour la moitié ou même les trois-quarts de la population catholique totale. Ainsi, à Clarement, joli petit village à quelque dis- tance de Concord, ils forment la grande majorité de la paroisse. 450 PAROISSES CANADIENNES Leur zélé pasteur le Rév. J. Finnegan, vient de confier son couvent aux [^religieuses de Jésus-Marie. Tout en enseignant l'anglais aux petits canadiens, leur mission sera en même temps de leur conserver la langue fran- çaise, et certainement elles ne failliront pas aune œuvre aussi importante. A Concord, il y a déjà plus d'un millier de Canadiens, même nombre à Franklin, une ville voisine. Les uns et les autres souhaitent vivement d'avoir enfin une église distincte et des prêtres qui leur ensei- gnent la religion en français. Puissent leurs vœux être bientôt exaucés ! Paroisses mixtes DU DIOCÈSE DE MANCHESTER Paroisses, Familles, Ames, Propr., Elect, Claremont 120 600 6 42 Concord 140 1000 15 155 Franklin. ... 109 960 10 25 Greenville 18)9 759 14 24 Hinsdale 91 546 4 16 Keene 106 516 14 24 Laconia 234 1146 19 57 Lancaster 151 764 8 27 Lehanon 184 926 17 45 Littleton 163 889 16 26 Marlhoro 107 516 6 19 Newmarhet 211 1097 19 49 Salmon Falls 187 1006 87 104 Total.... 1983 10,745 235 613 LE NORD DE L'ETAT DE NEW-YORK DIOCÈSE D'OGDENSBURG — SYRACUSE — ALBANY N'étant pas en état de faire maintenant l'histoire des paroisses canadiennes du Nord de l'Etat de New-York, je crois utile cependant, pour compléter cet ouvrage, de reproduire ici la statistique qui a parue dans le Guide français de l'an dernier. DIOCÈSE D'OGDENSBURG Paroisses entièrement, ou en grande majorité, canadiennes-françaises. Paroisses. Ames. Paroisses. Ames. 1— Aïtona 1500 18— Keeseville 1800 2— Au Sable 1000 19— Malone 3200 3— Black Brook .... 1200 20— Massena 1000 4— Brushton 900 21— Moors' Forks. . . 1200 . 5— Champlain 1800 22— Morrisonville. . .. 500 6— Châteaugay 1000 23— Norwood 250 7_Chasm Falls .... 500 24— Ogdensburg .... 3200 8— Cherebusco 800 25— Olmsteadville. . . 250 9_Clayton 1000 26— Plattsburg 4500 10_Coopersville .... 800 27— Port-Henry 600 ll_Constable 500 28— Postdam 500 12— Constableville . . 750 29— Peru 400 13_Crown Point. ... 500 30— Redford 2200 14_Danemora. . . ... 1000 31— Lyon-Mountain . 2500 15— Ellenburgh 1200 32— Rouse's Point. . . 1000 16_F. Covingron ... 600 33— St ilégis Falls . . 1000 17 —Gouverneur 500 34— Watertown 1200 Autres centres canadiens 1,260. Paroisses canadiennes ou stations ayant une forte majorité de catholiques canadiens S4^ Prêtre canadiens ou français ^7 Population catholique du diocèse 63, 5W Population canadienne . . . , ^'2,500 ETATf DE NEW-YORK DIOCÈSES d'ALBANY ET DE SYRACUSE Paroisses canadiennes, ou avec forte majorité de catholiques canadiens-français. Paroisses. Ames. Paroisses. Ames. Albany 1000 Sandy Hill 900 Baldwinsville 750 Sciota 800 Ballston 500 Saratoga 150 Cohoes 6500 Syracuse 1000 Glen's Falls 1800 Troy (East) 3200 Mechanic ville 500 Troy (Ouest) 1200 Onondaga 1000 Utica 500 Oswégo 2000 Waterville 750 Wbitehall 1300 New York city 8000 Buffalo 2000 Brooklyn 4000 Rochester 1500 Dispersés dans l'Etat de New York 7,000 Total des Canadiens de l'Etat de New-York. . . . 87,940 NOTES Couv. J. M. Propr. Val. de leurs propr. Elect. Albany,... 100 élèves 51 Sl75,000 171 Altona 452 Champlain , 124 $150,000 488 Cohoes, acad. clercs Vict. 200 $328,000 1125 pOO élèves. l Couv. Ste Anne. (600 élèves. Plattsburg, Srs Grises d'Ottawa 450 $145,000 1259 450 élèves. Lyon Mountain 17 $35,000 602 Syracuse........... 50 $175,000 140 Troy. . . .Couv. Ste Anne. 250 élèves 650 CONCLUSION Pareirau prophète Balaam annonçant jadis les bril- lantes destinées du peuple de Dieu, le Maire de Boston vient, lui aussi, de prédire à l'élément irlandais et fran- çais de la Nouvelle Angleterre un avenir de succès et de prospérité glorieuse. Parlant des chances considérables de cette émi